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Publié par ERASME

" ... Réinventer l’humanisme

La première tendance est ce qu’on appelle – désormais depuis plus de vingt ans – « posthumanisme ». À l’opposé du « transhumanisme » courant de pensée qui radicalise l’idée de progrès en imaginant une humanité augmentée et perfectionnée par la technologie – ce qui semble clairement grotesque aujourd’hui –, le posthumanisme essaie non pas d’aller au-delà de l’humain, mais au-delà de l’humanisme à savoir de l’idée d’un genre humain, bien défini et identifiable, qui serait finalement tout ce dont il vaut la peine de s’occuper. Au lieu que de s’occuper des choses « humaines », il est nécessaire de réfléchir à nouveau sur ce qu’est et sur ce que peut être l’humain et sur quelle place cet humain peut et doit avoir dans l’univers. Cela permet de questionner la centralité de la question humaine, de revoir les définitions et les essentialisations qui ont cristallisé des idées sur les rapports entre espèces, entre genres ainsi que les rapports à l’environnement. Je crois que plus que parler de « post » humanisme, il faudrait plutôt parler de « pré » humanisme, car justement il s’agit de revenir à la définition de l’humain telle qu’elle a été dessinée par l’humanisme ; mais aussi parce qu’il faut remonter « avant » l’humain et ses intérêts pour redéfinir de nouvelles préoccupations et de nouveaux objectifs.

La seconde tendance est celle d’un retour à la métaphysique – ce qui peut être facilement constaté en analysant de courants philosophiques comme le « nouveau materialisme » (DeLanda), le « nouveau réalisme » (Ferraris), le « réalisme spéculatif » (Meillassoux) et d’autres formes analogues de réflexion. Selon ces mouvements, la critique kantienne – à savoir l’idée selon laquelle nous ne pouvons parler rigoureusement que du monde tel que nous le connaissons et pas du monde en tant que tel, car ce dernier n’est qu’une présupposition dogmatique – a impliqué une perte progressive du réel : il n’y a plus le réel il n’y a que ce que le sujet humain voit du réel, son rapport au réel. Il faut, selon ces mouvements, revenir au réel. Et donc finalement, revenir à la métaphysique en mettant en question le rôle central et incontournable de l’humain comme mesure unique du réel.

Pourquoi parler de tout cela au moment de la crise liée au coronavirus ? Les épidémies nous renvoient, comme au Moyen-âge à la notion selon laquelle les « choses humaines » ne sont que vanitas. Il est donc nécessaire de s’interroger à nouveau sur ce qu’est l’humain, sur sa place dans l’univers, sur ses relations avec les autres êtres et les autres choses qui le remplissent.

Cette réflexion est urgente aujourd’hui et elle peut conduire à des solutions très différentes : un retour à la religion ou à la superstition d’une part, et de l’autre le développement d’une pensée proprement « inhumaine ». C’est cette dernière qui me semblerait la solution à chercher dans la mesure où une pensée inhumaine serait une pensée dans laquelle l’être humain n’est pas le centre, ni le producteur, ni l’objectif de la réflexion. Une pensée inhumaine – ou préhumaine pour utiliser un terme moins agressif – serait une pensée qui à partir de la crise actuelle essaie de retrouver l’aspect humble de l’humanisme en laissant tomber la contrepartie d’arrogance qu’il a pu comporter. "

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