L'intime (Études 2011/10 (Tome 415), pages 371 à 380 - cairn.info)
"Le privé nous appartient, alors que l’intime nous concerne."
Michaël Foessel, La privation de l’intime (Seuil, 2008)
"La dévalorisation de l’intime dans les différentes mises en scènes de soi, de la pipolisation des politiques aux épanchements de ses pensées et sentiments dans certains blogs, procède souvent d’une même confusion de l’intime et du privé. L’intime déplace les frontières traditionnelles du privé et du public car il ne relève pas de la conquête des droits privés ni d’une logique de la possession de soi ou de la transparence. Il ne désigne pas tant un espace propre qui préserverait le for intérieur de toutes intrusions extérieures, que le secret d’une relation à soi qui passe par la relation aux autres.
Si l’accès à la sphère intime participe de la quête d’une identité personnelle, il oblige à s’aventurer dans des zones étranges, vertigineuses, où le « moi » découvre des parts de lui-même qu’il ne soupçonnait pas et dont il n’est pas maître. Loin de constituer une sphère protectrice et rassurante, l’intime a partie liée avec l’étrange, le voluptueux et l’inquiétant, car il est précisément non maîtrisable, insaisissable. La relation amoureuse est par excellence le lieu de l’intime où le sujet amoureux s’abandonne, se dessaisit de lui-même, pour renaître dans le désir et l’amour d’un autre, au risque de s’égarer. Blessure intime, blessure de la trahison amoureuse.
Irréductible à la solitude intérieure et à toute tentative de maîtrise, l’intime devient un enjeu politique majeur car, dans des sociétés de surveillance et de contrôle, il recèle des réserves inouïes de contestation et un pouvoir de résonance inépuisable. La parole intime est toujours une parole poétique, un haut foyer de résistance et de création qui déjoue toutes les entreprises de violation des corps et d’instrumentalisation des consciences."
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