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Publié par ERASME

" ... Ce qu’on vit alors n’est pas de l’inquiétude personnelle fondée sur de justes causes, je veux dire sur des causes objectives et nettes de toute intention de fabriquer des plaintes : c’est un montage qui donne une illusion de vie, illusion que le sentiment de peine entretient, parce que la peine, croit-on, comme tous les sentiments, ne saurait aller sans cause inhérente à la vie même c’est-à-dire sans événement émouvant, sans événement réel, et chacun sait qu’un homme triste ne reçoit jamais de contradicteur. Le cinéma aussi se vit pourtant comme le drame de sa propre existence : on se représente comme siennes des douleurs étrangères le temps d’une représentation, et l’on appelle ça la merveilleuse vertu de l’empathie et de la compassion ; or, il faut bien se figurer qu’il n’y a guère de différence de la vie au cinéma, que tout n’est que cinéma à défaut de recul, qu’on peut aussi bien observer sa propre vie comme un spectacle où, réalisateur également, on ajoute des ingrédients propres à susciter terreur et pitié – et rien que le dire, rien que l’entendre, fera aussitôt fermer l’esprit du « scénariste de sa vie », cette affirmation lui paraissant pareille à un scandale insupportable, pareille à un négationnisme, pareille à tout ce qu’on taxe d’immoralité et d’inhumanité, et tout particulièrement il refusera tout net d’accéder à la révélation de ce que le Covid est surtout le symptôme d’un mal et non une maladie embarrassante, car à défaut de péripéties et d’émotions le contemporain a besoin de vivre le film d’une vie, et si on le détrompe, c’est bien à lui-même qu’on attente. Et ainsi est-il né, le disert fantasme des affres du Covid."

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