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Regards citoyens

Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !

Chronique de Jean-Claude Guillebaud : Attention, votre visage peut vous trahir ! (Sud-Ouest-Dimanche, 24 octobre 2021)

Il est grand temps de réfléchir aux nouveaux périls du numérique.

En 2009 déjà, une querelle avait éclaté à propos du réseau « FaceBook » qui réunit désormais près de deux milliards d’Internautes sur la planète. Craignant d’être accusé d’atteinte au droit à l’image et à la vie privée, le patron du site américain, Mark Zuckerberg, avait renoncé à sa volonté d’introduire une clause de « licence perpétuelle et mondiale » sur les contenus. Aujourd’hui l'informatisation grandissante de nos sociétés multiplie sur une grande échelle les risques de « flicage ». De la carte à puce au téléphone portable, du courrier électronique à la navigation sur le web nous nous étions accoutumés à cette omniprésence informatique. Elle nous rend d'immenses services ; elle modifie — durablement — notre rapport au réel. Il n'est pas sûr en qu'on en mesure tous les dangers.
Nous savions déjà que l'utilisation quotidienne de nos cartes de crédits (pour nos achats, nos retraits d'argent, le paiement de nos billets de train, etc.) laissait derrière nous une « trace » électronique indélébile. Il en va de même pour l'usage d'un téléphone portable qui permet à un enquêteur de retrouver le « journal » précis, non seulement de nos appels, mais aussi de nos déplacements.
Chez nous, l'utilisation d’un ordinateur — notamment pour surfer sur l'Internet — s'accompagne d'un stockage invisible qui permettra, le cas échéant, à un enquêteur de reconstituer l'histoire de nos curiosités, de nos connexions, et de nos échanges. Même longtemps après. N’oublions pas ces « traçabilités » qui sont permises par l'expertise génétique et les « empreintes » via la structure spécifique de notre ADN que nous laissons derrière nous,
Ces technologies de pointe (informatique, numérique, génétique, etc.) fournissent à un pouvoir politique donné des moyens de contrôle sur chaque individu jamais égalés dans l'Histoire. Chacun de nous se trouve enserré dans un réseau de liens immatériels, denses et serrés. Alors même que nous avons encore l'impression d'être dans la liberté et l'anonymat, nous voilà en réalité « épinglés » virtuellement comme des papillons sur une plaquette de liège.
Ces derniers mois, on parle beaucoup d’une découverte saisissante : la « reconnaissance faciale ». Qu’est-ce à dire ? Les caméras répandues dans beaucoup de cités du monde filment les passants — même très nombreux ­— et peuvent reconnaître et identifier chacun. Nos visages sont aussi « différents » que les lignes de nos mains ou nos ADN. Or, deux grands pays, la Chine et la Russie qui ne sont pas tout à fait des démocraties, viennent de promouvoir l’utilisation massive de la reconnaissance faciale. Ils se dotent ainsi d’un instrument de contrôle qu’aucune civilisation dans le monde n’avait jamais pu utiliser. Et pour cause.
Comme toujours, les progrès du numérique nous font — aussi — bénéficier d’avantages conséquents. Par exemple utiliser notre reconnaissance faciale pour retirer de l’argent d’un distributeur à billets, franchir des espaces sécurisés et bien d’autres choses encore. La reconnaissance de notre visage, remplacera notre signature ou notre code barre. Cet avantage est tellement commode que nous serons preneurs, en oubliant les dangers qui vont avec. Quand je dis « nous », je pense aussi aux décideurs politiques, aux polices, aux gouvernants.
Que se passerait-il si, demain (sous la pression du risque terroriste, par exemple), nous traversions une période autoritaire ? Personne ne pourrait se cacher, et moins encore résister. Mais quel lanceur d’alerte se lèvera aujourd’hui pour mettre en garde ? "
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