La jeune démocratie ukrainienne est encore vacillante !
" Le soutien de l'UE en faveur des réformes en Ukraine est inefficace pour lutter contre la grande corruption.
L'Ukraine fait partie du partenariat oriental de l'UE et elle bénéficie de financements au titre de l'instrument européen de voisinage, dont l'octroi est conditionné au respect de l'état de droit. La Commission européenne a engagé environ 5,6milliards d'euros en faveur de programmes d'assistance macrofinancière (AMF) et 2,2milliards d'euros pour des programmes d'assistance depuis 2014. La Commission garantit aussi des prêts octroyés par la Banque européenne d'investissement qui représentent 4,4 milliards d'euros. L'UE est le principal donateur de fonds à l'Ukraine.
Selon un rapport spécial publié par la Cour des comptes européenne, la grande corruption et la «captation de l'État» restent monnaie courante en Ukraine, malgré l'action de l'UE. Celle-ci a fait de la lutte contre la corruption dans ce pays une priorité transversale, acheminant les fonds et orientant les efforts vers divers secteurs tels que la concurrence, la justice et la société civile.
Mais d'après les auditeurs, l'aide et les mesures mises en place n'ont pas donné les résultats attendus.
Depuis plus de 20 ans, l'UE soutient l'Ukraine dans son programme de réformes. La lutte contre la corruption, fléau contraire aux valeurs de l'Union et obstacle majeur au développement d'un pays, en fait pleinement partie. La grande corruption et la «captation de l'État» sont endémiques en Ukraine. Elles entravent la concurrence et la croissance, et nuisent au processus démocratique. Des dizaines de milliards d'euros sont perdus chaque année à cause de la corruption. La Commission européenne, le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la mission de conseil de l'Union européenne se sont attaqués à ce problème et ont soutenu plusieurs réformes pour renforcer l'état de droit et lutter contre la corruption en Ukraine.
Bien que consciente depuis longtemps des accointances entre oligarques, hauts fonctionnaires, responsables politiques, système judiciaire et entreprises publiques, l'Union européenne n'a pas élaboré de véritable stratégie ciblant la grande corruption, remarquent les auditeurs. À titre d'exemple, les flux financiers illicites, y compris le blanchiment de capitaux, ne sont traités qu'à la marge. Néanmoins, l'UE soutient de nombreuses réformes et activités de lutte contre la corruption en Ukraine. Dans la plupart des cas, l'ampleur de l'aide dépend du respect de plusieurs conditions. Cependant, la Commission interprète souvent ces exigences de façon trop laxiste et ses évaluations sont trop positives. C'est le cas pour le régime d'exemption de visa.
Aucune révision de son fonctionnement n'a eu lieu, même si deux des trois conditions pour l'octroi de l'aide de l'UE n'étaient pas remplies.
«Malgré le soutien diversifié apporté par l'UE, les oligarques et les intérêts particuliers continuent d'affaiblir l'état de droit en Ukraine et de menacer le développement du pays», a déclaré M. Juhan Parts, le Membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport.
«L'Ukraine a besoin d'une stratégie ciblée et efficiente pour s'attaquer au pouvoir des oligarques et faire reculer la «captation de l'État». L'UE est ici appelée à jouer un rôle bien plus important que jusqu'à présent.»
Sur place, l'aide de l'UE n'a donné que des résultats limités. Son soutien en faveur de la lutte contre les structures et comportements anticoncurrentiels est axé sur la gouvernance
d'entreprise et sur l'alignement de la législation ukrainienne sur les normes de l'UE. À l'exception des subventions versées à des médias et militants indépendants, les projets de l'UE ne sont pas centrés sur la découverte des affaires de grande corruption impliquant des entreprises publiques.
Étant donné que de nombreuses sociétés en Ukraine sont des monopoles ou des oligopoles corrompus, les auditeurs estiment que l'UE aurait dû s'employer à lever plus directement les
obstacles à une concurrence libre et loyale.
L'aide de l'UE en faveur de la réforme de la justice n'a pas non plus donné suffisamment de résultats. L'action de l'UE et son soutien au renforcement des capacités ont certes contribué à réformer la Constitution ukrainienne, ainsi qu'un grand nombre de lois. Les auditeurs reconnaissent que ces projets ont aussi servi à appuyer la création d'une nouvelle Cour suprême.
Mais ces réalisations sont constamment menacées par les nombreuses tentatives de contourner les lois et d'édulcorer les réformes. Cela a abouti à des revers majeurs, que les mesures de l'UE ont été incapables d'atténuer.
De même, les principales institutions chargées de lutter contre la corruption et soutenues par l'UE lors de leur création peinent toujours à s'imposer. L'ensemble du système en place pour
mener des enquêtes, engager des poursuites et statuer sur des affaires de corruption de haut niveau est très fragile. La Haute Cour anticorruption a ainsi commencé à obtenir des résultats
prometteurs, mais son efficacité, son indépendance et sa viabilité sont régulièrement remises en question. Il en va de même pour le Bureau national de lutte contre la corruption. Le soutien politique de l'UE a contribué à faire en sorte que ce Bureau reste opérationnel et indépendant, mais son existence reste précaire et ses décisions sont tributaires des travaux des procureurs et des laboratoires de criminalistique. Et les auditeurs de souligner qu'il suffit d'un maillon faible dans la chaîne pour empêcher l'ensemble du système institutionnel de fonctionner correctement. "