De la démocratie en Amérique (Extrait de "Bonnes feuilles : Les Etats-Unis et la démocratie" de Anne. N. Deysine)
Rule of law ou primauté du droit
Au cœur du système américain, on trouve le concept central de « Rule of law », ou primauté du droit.
Selon Albert Venn Dicey, qui l’a théorisé, le concept comporte trois aspects qui se recoupent : l’égalité de tous devant la loi ; l’assujettissement du pouvoir politique, monarque compris, aux lois du pays ; et l’idée que personne, dirigeants compris, n’est au-dessus des lois et du droit.
L’élaboration des lois, leur application, les rapports entre les différents types de loi sont eux-mêmes gouvernés par le droit et un gouvernement, même démocratiquement élu, ne peut agir de façon discrétionnaire. Il doit être soumis aux lois existantes tout comme les autres citoyens ; c’est essentiel pour qu’il y ait égalité de tous devant la loi ; de même, aucune personne physique ou morale ne peut jouir de privilèges qui ne s’appliquent pas aux autres et ne peut être à l’abri de sanctions, qui elles-mêmes doivent s’appliquer sans considération de classe, de statut ou des pouvoirs respectifs des justiciables.
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L’érosion des normes chez Levitsky et Ziblatt
Le système des États-Unis est fondé sur des normes constitutionnelles et des normes législatives mais il repose aussi sur l’acceptation tacite de normes non écrites. C’est l’érosion de ces normes non écrites, commencée bien avant la présidence Trump, qui s’est accélérée durant celle-ci et modifie le fonctionnement institutionnel et la nature démocratique du régime.
Deux politistes, Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, considèrent que ce qu’ils appellent l’érosion des normes est la menace la plus grave pesant sur les démocraties contemporaines qui ne sont plus rayées de la carte à la suite d’un coup d’État ou d’une révolution et ne s’effondrent pas sous les coups de guerres ou d’épidémies. Elles s’érodent petit à petit de façon presque imperceptible. Elles pourrissent de l’intérieur, empoisonnées par certaines pratiques comme l’omniprésence de la « corruption légale » et par des dirigeants qui utilisent le pouvoir à leur profit et se servent de leurs positions pour infléchir les règles et pervertir le processus démocratique. [...]. Si les leaders autoritaires contribuent à détruire la démocratie, les vrais fossoyeurs sont les partis politiques, la classe politique et les choix qu’ils font lorsqu’ils sont confrontés à ce type de dirigeants démagogues et dictatoriaux. D’eux dépend la survie ou la disparition des démocraties.
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Source : Bonnes feuilles : « Les États-Unis et la démocratie »
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