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Regards citoyens

Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !

Transhumanisme et posthumanisme : un essai de clarification, par Gilbert Hottois (Dans Archives de philosophie du droit 2017/1 (Tome 59), pages XXX à XXXVII)

" ... le transhumanisme est-il un humanisme ainsi que le terme lui-même le suggère de façon ambiguë ? Il peut l’être à condition de ne pas postuler une définition restrictive de l’homme et de poursuivre son idéal d’amélioration indéfinie avec la plus grande prudence. Son intérêt est aussi critique : il invite à réfléchir à certains préjugés et illusions attachés aux humanismes traditionnels et modernes dont il révèle, par contraste, des aspects généralement peu ou non perçus. De ce point de vue, le transhumanisme rejoint aussi, dans une certaine mesure, le posthumanisme idéologique critique. L’éthique, le droit et la politique humanistes s’enracinent dans l’humanisme judéo-chrétien et dans l’humanisme philosophique traditionnels, dans l’image de l’homme et du rapport de l’homme à la nature que ces humanismes supportent. Pour une part dominante, ces humanismes sont antimatérialistes et spiritualistes. S’ils ne sont plus pré-coperniciens, ils véhiculent des images prédarwiniennes. Ils reconnaissent l’Histoire, mais guère l’Évolution. Ils ne voient l’avenir de l’homme que sous la forme de l’amélioration de son environnement et de son amélioration propre par des moyens symboliques (éducation, relations humaines, institutions plus justes, plus solidaires, plus égalitaires, etc).
L’humanisme relève d’une image implicite partiellement obsolète de l’homme. Une obsolescence dont la cause principale est le développement de la science moderne, de la R & D technoscientifique et des révolutions théoriques (conceptuelles, paradigmatiques) et technologiques que les technosciences n’ont cessé d’introduire. C’est à l’actualisation de l’image de l’homme et de sa place dans l’univers que le transhumanisme modéré bien compris travaille.
Le transhumanisme, c’est l’humanisme, religieux et laïque, assimilant les révolutions technoscientifiques échues et la R & D à venir, capable d’affronter le temps indéfiniment long de l’Évolution et pas simplement la temporalité finalisée de l’Histoire qui ne s’est jamais projetée – qu’il s’agisse de la Cité de Dieu ou de la Société sans classes – très loin dans le futur. Le transhumanisme est un humanisme apte à s’étendre, à se diversifier et à s’enrichir indéfiniment.
Les principaux éléments de cet enrichissement critique des humanismes traditionnels et modernes, religieux et laïques sont :
- la critique des préjugés humanistes associés à un anthropocentrisme spéciste et à d’autres discriminations plus classiques (racisme, sexisme) ;
- la critique de l’idéalisme et du spiritualisme fondamentaux ou résiduels des humanismes accordant une importance exclusive ou, en tout cas, excessive aux progrès symboliques au détriment de la reconnaissance de l’importance décisive actuelle et future des technologies dites « matérielles » applicables à l’homme ;
- la capacité d’assimiler l’évolutionnisme alors que les humanismes demeurent confinés au sein de philosophies et de religions de l’Histoire ou de l’Éternité ; il faut prendre au sérieux le fait que le futur de l’espèce humaine s’étend sur des millions d’années : une durée empirique inanticipable, opaque et ouverte, à laquelle Histoire et Éternité opposent une sorte de déni de réalité ;
- le refus de l’utopie en raison de sa clôture spatio-temporelle : la fin de l’histoire, de l’évolution et de l’auto-évolution que les utopies entretiennent dans leur rêve d’une société achevée, parfaite ;
- le refus du fatalisme et de l’immobilisme associés aux humanismes résignés ou célébrant la finitude indépassable de l’homme ;
- la critique de la domination du paradigme thérapeutique respectueux d’une prétendue nature humaine finie et immuable et son inclusion au sein du paradigme plus large de l’amélioration et de l’Évolution. Mais la condition sine qua non pour que ces critiques et accentuations nouvelles puissent constituer un enrichissement de l’humanisme est de ne pas perdre de vue – sans les figer cependant – un certain nombre de valeurs portées par les humanismes traditionnels et modernes.
Lorsque l’on critique et dénonce une position philosophique, on se garde la plupart du temps d’expliciter et d’examiner l’alternative qu’on lui oppose implicitement. Il n’est pas difficile de critiquer le transhumanisme. Mais on ne voit pas parmi les positions philosophiques et religieuses disponibles une alternative crédible préférable compte tenu du long terme, étant bien entendu que le transhumanisme lui-même ne décourage pas la préservation de ces alternatives pourvu qu’elles soient tolérantes aussi entre elles et respectueuses de tous les êtres conscients et/ou sensibles."

Voir la totalité de l'article : Transhumanisme et posthumanisme : un essai de clarification

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