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Regards citoyens

Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !

« C’est du français ! » : Le français est-il au top ? Combien y a-t-il de langues dans le monde ? Comment les classer ? La langue la plus parlée est-elle la première au classement ? Par Anne Catherine Simon (lesoir.be)

Nul n’est vraiment insensible aux classements. Le top 50 des chansons, les films au boxoffice ou les bestsellers. Tous retiennent notre attention. Les anglicismes qui désignent ces classements montrent que ce gout du ranking vient plutôt du monde anglo-saxon. Let’s go !

Des milliers de langues dans le monde

Pour classer les langues, il faut savoir combien il y en a. Ce n’est pas simple. Les recensements disponibles répertorient 27 variétés de nahuatl (langues parlées au Mexique). Il existe un arabe standard, mais 34 arabes dialectaux, comme l’arabe égyptien, marocain ou tchadien. Le norvégien compte deux variantes standard écrites – le bokmål et le nynorsk – et plusieurs variantes parlées.

Deux chercheurs français à l’origine d’un système de classement ont compilé une liste de 6.104 langues. Chacune est nommée par un code standardisé et univoque. Cependant, toutes ces langues ne sont pas comparables entre elles. Quel sens y a-t-il à mesurer le mandarin (921 millions de locuteurs) au féroïen (58.000 locuteurs, langue germanique parlée dans les iles Féroé) ? Ou à classer le papiamento, créole des Antilles néerlandaises, et le hiri motu, pidgin de Papouasie Nouvelle-Guinée ?

Si l’on retient les langues parlées par plus de 300.000 personnes dans des pays ayant un certain niveau de développement, de fécondité et d’accès à internet, on aboutit à une liste de 634 langues comparables entre elles. C’est de cette liste que partira notre top 50.

Le nombre, mais pas que

Le premier critère qui vient à l’esprit pour classer les langues est le nombre de leurs locuteurs. Cette donnée est pourtant souvent approximative. Pensons simplement à l’abolition des recensements linguistiques en Belgique en 1961, qui empêche de dénombrer précisément le nombre de francophones et de néerlandophones. D’autre part, ce nombre ne tient compte que des locuteurs en langue première. Prenons le swahili : 3 millions de locuteurs en langue première, plusieurs dizaines de millions en langue seconde, répartis dans toute l’Afrique de l’Est. La diffusion d’une langue et le nombre de pays où elle est parlée importent énormément ! Le chinois mandarin est parlé par 921 millions de personnes et peu diffusé, alors que l’anglais est parlé par 362 millions de personnes (2,5 fois moins !) et extrêmement diffusé. Le rapport entre l’emploi en langue première et en langue seconde crée une hiérarchie. En Côte d’Ivoire, les locuteurs de l’aburé (toute petite communauté) utilisent l’anyin comme langue seconde. Ceux qui utilisent l’anyin parlent aussi le dioula ou le français. Et leur langue seconde ultime est l’anglais, la langue véhiculaire. Enfin, le statut politique d’une langue lui donne un poids plus ou moins important, en particulier lorsqu’elle est une langue officielle.

Des facteurs culturels interviennent également : le nombre de traductions à partir d’une langue ou vers celle-ci, de prix littéraires internationaux, de pages publiées sur Wikipédia, ou l’enseignement d’une langue dans les universités. L’alphabet utilisé pour écrire une langue peut aussi lui donner du poids. S’il est répandu, comme l’alphabet latin (421 langues), il devient un facteur favorable à l’apprentissage d’autres langues utilisant le même système. Ce n’est pas le cas pour les langues utilisant des alphabets rares, comme le grec (3), l’hébreu (2) ou l’arménien (1).

Dis-moi où tu vis, je te dirai combien ta langue vaut

Le poids du (ou des) pays où une langue est pratiquée influence aussi sa valeur. L’indice de développement humain (qui tient compte du produit intérieur brut, du niveau d’éducation et de l’espérance de vie), l’indice de fécondité ou le nombre d’utilisateurs d’internet : autant d’éléments qui pèsent lourd dans la balance !

Sur la base de tous ces critères, on peut classer les 634 langues retenues. Tous critères confondus, le top 5 est : anglais, français, espagnol, allemand et russe. Le mandarin (11e) arrive après le japonais (8e), à cause des critères de développement. L’ourdou (33e) et l’hindi (34e) se classent assez bas, malgré un nombre élevé de locuteurs. Si l’on tient compte uniquement du nombre de locuteurs, le top 5 est : mandarin, hindi, espagnol, anglais, portugais.

Montagnes russes

Le top 5 et le top 50 se modifient sensiblement selon le poids qu’on donne à chacun des 13 critères. Si le critère démographique prime, parce qu’on pense que vont progresser les langues à bonne diffusion internationale et dont les locuteurs ont un haut taux de fécondité, alors on trouve aux 5 premières places : anglais, ourdou (nord de l’Inde et langue officielle du Pakistan), français, yué (langue chinoise parlée à Canton, Hong Kong ou Macao) et tagalog (Philippines). Ce critère démographique déclasse les langues de la vieille Europe. Il place 24 langues africaines et 13 langues asiatiques dans le top 50 !

Au contraire, le critère de prestige permet de surclasser les langues à fortes reconnaissance et diffusion culturelles, qui sont enseignées dans les universités et pratiquées dans des pays développés où elles jouissent d’un statut officiel. Avec ce critère, anglais, français, allemand, espagnol et russe restent dans le top 5. De sorte que 30 langues européennes (!) figurent dans le top 50.

Quel serait votre propre classement ? Les deux auteurs du baromètre des langues du monde (1) mettent à disposition un fichier avec toutes les données. En modifiant le poids de chaque critère, vous visualisez en temps réel votre propre hit-parade des langues !

(1) Baromètre des langues du monde (Alain Calvet et Louis-Jean Calvet, 2022).

 

 

 

 

 

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