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Publié par ERASME

«Le Liban est prêt à la guerre. » Nous voilà donc rassurés. Non content de ne prendre aucune distance avec la position du Hezbollah depuis le 8 octobre, notre ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, parle désormais comme s’il était le porte-parole officiel du parti-milice. Si l’objectif de sa sortie était de donner du crédit à l’outrance israélienne qui considère que tout le Liban est sous la coupe du Hezbollah, il ne s’y serait pas pris autrement.

« Nous remuerons ciel et terre s’il le faut pour éviter cette guerre. » Voilà ce qu’il aurait dû dire. Voilà ce que chaque responsable de notre État en lambeaux devrait dire et répéter chaque jour jusqu’à ce que le bruit des bombes se taise.

Le 8 octobre dernier, le Hezbollah nous a entraînés de force dans un conflit dans lequel le Liban n’a absolument rien à gagner. Si seulement l’ouverture du « front de soutien » avait permis de stopper ou d’atténuer le carnage en cours à Gaza, l’on aurait pu le défendre. Mais son seul effet a été de livrer tout le sud du pays au désir de vengeance des Israéliens et de faire peser sur le Liban la menace d’une nouvelle déflagration de violence de grande ampleur.

Le Hezbollah a condamné 90 000 Libanais à quitter leurs terres et 42 civils (sans compter ses 229 combattants) à mourir pour une guerre qui n’a de sens que pour lui et son parrain iranien.

Certes, le parti de Hassan Nasrallah agit depuis plusieurs semaines avec beaucoup plus de retenue que son ennemi. Conscient du fait que le Liban ne supporterait pas un nouveau conflit, il tente, dans la mesure de ce qui lui est possible, d’éviter de répondre aux multiples provocations israéliennes. Il se montre même ouvert, là aussi dans sa propre logique, à un changement de statu quo à la frontière. Ce n’est pas rien. Mais ce n’est pas assez ! Le Hezbollah continue de lier les négociations indirectes avec Israël à la fin de la guerre de Gaza. Il continue de prioriser l’intérêt de l’« axe iranien » – qui se fiche des 30 000 morts palestiniens tant que le Hamas est encore en vie – à celui du Liban.

« La guerre entre le Hezbollah et Israël est en train de devenir inévitable » écrit cette semaine Steven A. Cook dans Foreign Policy. Quelques jours plus tôt, CNN révélait les craintes de l’administration américaine quant au déclenchement d’une offensive terrestre israélienne au Liban à la fin du printemps ou au début de l’été.

Non, cette guerre n’est pas (encore) inévitable. Elle ne le sera pas tant que les Israéliens n’auront pas franchi le Rubicon. Les puissances occidentales et arabes doivent mettre tout leur poids dans la balance en faisant comprendre à Israël qu’il en paierait le prix s’il déclenche les hostilités. Les Libanais, à commencer par les représentants officiels et les responsables politiques, doivent pour leur part mettre la pression sur le Hezbollah – même si cela aura un effet limité – afin qu’il entame au plus tôt les négociations.

Dans les deux scénarios qui apparaissent aujourd’hui comme les plus réalistes, le Liban va sortir perdant de la guerre de Gaza. Un possible accord à la frontière risque de renforcer le Hezbollah sur la scène interne. Il pourrait avaliser le fait qu’il détient les clés du pouvoir contre une forme d’armistice avec Israël. Mais l’autre scénario est encore plus inquiétant. N’en déplaise à ceux qui – notamment dans les rangs chrétiens – misent sur une offensive israélienne pour affaiblir le parti chiite, le Liban tout entier ne s’en remettrait pas.

Ne nous y trompons pas : si elle advient, cette guerre sera beaucoup plus violente que celle de 2006. Un rapport de l’Institut international pour le contre-terrorisme de l’Université Reichman à Herzliya détaille les conséquences qu’auraient pour Israël une nouvelle confrontation avec le Hezbollah. Il évoque « 2 500 à 3 000 tirs de roquettes et de missiles par jour », la « saturation du Dôme de fer », « un grand nombre de victimes, des énormes dégâts, des perturbations de l’approvisionnement en électricité et en eau, et la difficulté d’obtenir des services essentiels tels que la nourriture ou des médicaments ».

Si tel serait le prix à payer pour Israël, on n’ose imaginer les conséquences pour le Liban. L’État hébreu peut transformer une partie du pays en un nouveau Gaza. Au-delà des morts, des blessés, des infrastructures détruites, un tel conflit finirait de casser ce qu’il reste du Liban. Il attiserait un déferlement de haine et de violence entre les communautés qui conduirait à une nouvelle guerre civile ou à la partition. Sans que cela ne fasse pour autant disparaître le Hezbollah.

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