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28 Avril 2024
" Le parallèle est saisissant. En 2012, à quelques mois de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et François Hollande plaident de concert pour que la Banque centrale européenne soutienne plus la croissance. Le premier veut ouvrir un « dialogue » avec l'institution de Francfort, alors présidée par l'Italien Mario Draghi, conscient que la perspective de réécrire en ce sens le traité de Maastricht est audacieux. Le second pousse pour « renégocier » ledit traité : « Mieux vaut que l'objectif de l'emploi et de la croissance soit affirmé avec autant de force que le rétablissement des comptes », selon François Hollande, qui fera de la finance l'adversaire sans visage à abattre dans son célèbre discours du Bourget le 22 janvier 2012.
Douze ans plus tard, dans un autre discours qui restera sans doute dans l'Histoire comme fondateur d'une nouvelle vision de l'Europe, un autre président français, Emmanuel Macron, a comme un miroir évoqué la nécessité de réviser le traité de Maastricht. « On ne peut pas avoir une politique monétaire dont le seul objectif est l'inflation, qui plus est dans un environnement économique où la décarbonation est un facteur d'augmentation des prix structurels. Nous devons lever le débat théorique et politique de savoir comment intégrer dans les objectifs de la Banque centrale européenne au moins un objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation, en tout cas de climat pour nos économies », a-t-il énoncé au milieu de son discours fleuve de la Sorbonne jeudi en fin de matinée.
En finir avec les règles du passé
Entendre le président de la France vouloir faire de la BCE une Fed américaine, voilà qui n'a pas dû passer inaperçu à Berlin ni à Francfort. L'Allemagne, du fait de ses très mauvais souvenirs de l'hyperinflation des années 1920, reste en effet la gardienne sourcilleuse d'un traité de Maastricht dont la négociation - c'était au siècle dernier - avait fait de l'objectif d'inflation proche ou inférieure à 2 % l'alpha et l'oméga de l'acceptation du partage du pouvoir monétaire et l'un des fondements politiques du compromis sur la création de l'euro.
Mais c'était au siècle dernier, et ce deuxième discours de la Sorbonne a bien fait sentir la conviction du président français qu'il faut en finir avec ces règles du passé qui ne sont plus adaptées aux réalités de notre temps. C'est vrai, selon lui, de la monnaie comme de la règle qui proscrit toujours, malgré quelques avancées pendant la crise sanitaire, la possibilité de faire des emprunts en commun.
D'un discours de la Sorbonne à l'autre, de celui de 2017, déjà disruptif, à celui du 25 avril 2024, c'est bien la matérialisation du tragique de l'Histoire qui transforme la vision de l'Europe d'Emmanuel Macron et l'encourage à mettre à bas tous les tabous du passé. Et c'est en dramatisant les enjeux que le président tente de convaincre : rappelant Paul Valéry, il soutient que « l'Europe peut mourir » si elle ne prend pas conscience que partout autour d'elle, à commencer par la Chine et les États-Unis, les règles du jeu sont en train de changer.
Dramatiser les enjeux
Pour se relancer, et se sauver du populisme qui la guette, l'Europe doit changer de l'intérieur ses propres règles du jeu, sauf à risquer de sortir de l'Histoire. Le raisonnement n'est pas nouveau mais rarement a-t-il été à ce point institué en système. Ce qui est vrai pour la politique monétaire, qui sera impactée par les effets de ce que les économistes appellent la « greenflation », l'est tout autant pour notre souveraineté en matière de défense, de politique industrielle ou de concurrence. Pour ne pas mourir, l'Europe doit d'urgence accepter « un changement de paradigme de nos règles collectives ».
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Le " Make Europe Great Again " de Macron
CHRONIQUE L'ŒIL DE L'ÉCO - Retrouvez chaque semaine la chronique de Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
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