Cela fait bien longtemps que les pays fondateurs de l'UE ne se sont pas trouvés dans une telle situation de crise permanente, au point de mettre à mal leur économie, leur système démocratique comme leurs capacités à exercer leurs responsabilités à l'égard des grands enjeux auxquels sont confrontées leurs populations !
Comment pourrions-nous ne pas reconnaître que les décisions des institutions de l'Union européenne sont l'une des causes les profondes de la gravité des crises économique, financière, politique, sociale et morale que traversent ses Etats membres ?
Les Etats membres sont soumis désormais à des contraintes bien plus fortes que les gens l'imaginent, par ignorance ou aveuglement !
Les pactes de stabilité et de croissance, la surveillance multilatérale des politiques budgétaires nationales, les accords commerciaux, la politique monétaire, les régimes de sanctions, les soutiens inconditionnels à des tiers étayés parfois par des financements considérables .... constituent autant de registres où c'est bien l'UE qui statue !
Les promesses portées par une intégration européenne vers toujours plus de fédéralisme n'ont pas été tenues, loin s'en faut ! 3
Ses grandes politiques servent trop souvent des objectifs étrangers aux enjeux de souveraineté, et sont articulées sur un recours aux subventionnements publics et aux instruments de l'ingénierie financière conditionné à la satisfaction de normes excessivement contraignantes en regard des autres pratiques internationales, au point non seulement d'avoir participé à détériorer en profondeur certaines capacités critiques nationales, mais également de privilégier des logiques économiques insoutenables à l'instar d'une politique commerciale extérieure où les enjeux sociaux, de souveraineté et de sécurité n'ont jamais pu véritablement trouver droit de citer, d'une politique numérique incapable d'affranchir l'UE de dépendances critiques à l'égard d'autres puissances technologiques ou encore d'une PAC sujette à des critiques de plus en plus exacerbées de la part des milieux agricoles !
Et la fuite en avant du processus d'élargissement sans fin se poursuit, dans l'aveuglement général et les dénis de réalité et de responsabilité !
Veillons à ne pas poursuivre plus avant une intégration aveugle sans avoir préalablement entrepris de véritable étude d'impacts des futurs transferts de compétences !
En matière d'action internationale, il faut bien prendre conscience que le traité de Lisbonne a changé radicalement les choses !
Comment pourrions-nous avoir la faiblesse de les dédouaner pour leurs responsabilités considérables dans la très forte dégradation de la situation internationale dans les régions à l'égard desquels ses dirigeants au niveau fédéral comme au niveau national se pensent fondés à donner des leçons ... comme au Proche et Moyen Orient, par exemple ?
Leur fuite en avant dans des conflictualités de plus en plus polémogènes est probablement la conséquence la plus absurde de ce déni de responsabilité amplement partagé par les différents gouvernements et partis de gouvernements des Etats membres !
Bien qu'elle ne dispose pas en effet de moyens militaires décisifs (mais qui en dispose vraiment parmi ses Etats membres, alors que ce sont eux qui la dotent de capacités militaires en vertu du traité), l'UE s'est néanmoins dotée de nombreux instruments pour ses diverses "politiques externes" ; le Conseil européen a arrêté des objectifs stratégiques pour l'UE et le Conseil (niveau ministériel) a conclu quelques partenariats stratégiques (notamment avec l'OTAN), et l'a dotée en 2022 d'une "boussole stratégique" pour renforcer sa politique de défense et de sécurité commune d'ici 2030 (cf. https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/21/a-strategic-compass-for-a-stronger-eu-security-and-defence-in-the-next-decade/) !
Mais effectivement, comme le précisait déjà en 2016 Pierre Vimont qui fut secrétaire général exécutif du service pour l'action extérieure de l'UE pour sa politique étrangère, le bat blesse au niveau de l'absence de volonté des Etats membres à l'égard de la sauvegarde des intérêts stratégiques communs : "L'analyse des intérêts stratégiques de l'Union européenne ne pose pas, en bonne logique, de difficulté.
De par la position de l'Europe dans le monde global, son action vis-à-vis des grands défis que nos sociétés affrontent (environnement, énergie, société de l'information, terrorisme, etc.), sa présence dans les grandes enceintes internationales, on peut établir assez aisément un agenda stratégique pour l'Union sans risquer de soulever de controverse. De fait, cet exercice a été conduit fréquemment dans le passé avec succès.
Mais la réalité est bien que, au-delà de telles descriptions à usage souvent académique, les acteurs européens – États membres ou institutions – ne se sont sentis guère concernés par de tels agendas dès lors que le sentiment d'un intérêt commun au niveau européen demeure faiblement partagé, sinon contesté, par ceux qui se soucient d'abord de leurs intérêts propres. Autrement dit, les intérêts stratégiques européens sont bien là, visibles de tous ; mais leur impact sur les affaires du monde reste singulièrement limité par rapport au poids théorique de l'Europe dans le concert international.
Pour prendre un tour opérationnel et concret, les intérêts communs de l'Europe doivent être perçus et acceptés comme tels par les Européens eux-mêmes. Le problème est qu'ils semblent souvent les derniers à pouvoir ou vouloir le faire. [...]" (cf. https://old.robert-schuman.eu//fr/doc/questions-d-europe/qe-404-fr.pdf)
On comprend mieux dès lors pourquoi l'UE ne s'est pas encore dotée d'une véritable politique de défense commune, (et donc, d'un concept stratégique pour cette politique) et encore moins d'une défense commune !