Le grand rabbin britannique Mirvis se retire de la conférence israélienne sur la lutte contre l’antisémitisme - Controverse autour d’une conférence - Jforum.fr
Retrait de figures britanniques d’une conférence israélienne sur l’antisémitisme
L’organisation d’une conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme, prévue les 26 et 27 mars en Israël, fait actuellement l’objet de critiques en raison de la participation annoncée de personnalités politiques controversées. Le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis, a décidé de ne pas assister à l’événement, invoquant des préoccupations liées à la présence de figures issues de la mouvance populiste d’extrême droite européenne.
L’information a été confirmée ce lundi par le bureau du grand rabbin au Jerusalem Post. Cette décision intervient peu après celle de Lord John Mann, conseiller britannique indépendant sur l’antisémitisme, qui a lui aussi annoncé son retrait, tout comme David Hirsh, professeur à l’Université Goldsmiths de Londres.
La conférence, placée sous l’égide du ministre israélien des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, ambitionne de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre l’antisémitisme. Toutefois, la liste des invités a provoqué une vague d’indignation. Parmi les intervenants figurent Jordan Bardella, président du Rassemblement National en France, Marion Maréchal, eurodéputée française affiliée à Reconquête, et Hermann Tertsch, représentant espagnol au Parlement européen connu pour ses positions nationalistes.
Pour Lord Mann, la participation de ces figures politiques décrédibilise l’initiative. « Le Royaume-Uni n’a aucune leçon à recevoir de certains de ces intervenants sur la question de l’antisémitisme », a-t-il déclaré au média Jewish News. Il a également estimé que la qualité des échanges prévus ne justifiait pas sa présence au détriment d’autres priorités.
De son côté, David Hirsh a exprimé son malaise dans une déclaration publique : « Je devais intervenir à cette conférence, mais en constatant le profil de certains orateurs, j’ai choisi, à contrecœur, de me retirer. » Il pointe du doigt l’incohérence de faire appel à des responsables politiques proches de mouvements antidémocratiques ou inégalitaires, estimant que ce type d’idéologie offre un terreau propice à l’antisémitisme. À ses yeux, lutter contre cette haine passe avant tout par le soutien aux démocraties et à leurs institutions.
Cette composition suscite également des remous en France, où des désistements sont également pressentis. L’intellectuel Bernard-Henri Lévy a d’ores et déjà annoncé publiquement qu’il ne participerait pas à cette conférence. D’autres personnalités françaises pourraient suivre son exemple dans les jours à venir, accentuant encore la pression sur les organisateurs.
La polémique n’est pas restée confinée au Royaume-Uni. En Israël même, des voix s’élèvent. Gilad Kariv, président de la commission parlementaire pour l’Aliyah et l’intégration à la Knesset, a exhorté le gouvernement israélien à reconsidérer ses choix. Dans une lettre adressée au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au ministre des Affaires étrangères Gideon Sa’ar, il a dénoncé l’invitation de personnalités « issues de partis aux racines clairement antisémites ». Selon Kariv, cette initiative constitue une rupture avec la ligne historique des gouvernements israéliens successifs et entre en contradiction avec les valeurs portées par les institutions juives internationales.
Pour certains observateurs, ce choix stratégique pourrait fragiliser l’image d’Israël sur la scène internationale, en brouillant les lignes entre la défense légitime des Juifs face à l’antisémitisme et l’instrumentalisation politique de cette cause. Toutefois, du point de vue israélien, la diversité des voix présentes à la conférence peut également être interprétée comme une tentative d’élargir le front commun contre cette forme de haine, quelle que soit l’orientation politique des participants.
Face à l’hostilité croissante envers les Juifs dans de nombreux pays, Israël entend jouer un rôle central dans la coordination des réponses internationales. Si certains choix d’invités peuvent susciter le débat, l’intention première demeure louable : alerter, rassembler et agir face à un fléau toujours vivace. Dans ce combat crucial, Israël reste un acteur indispensable, et il lui appartient de trouver le juste équilibre entre ouverture et cohérence morale.
Un tournant politique assumé
Israël a longtemps hésité avant de reconnaître officiellement les partis nationalistes de droite, comme le Rassemblement National en France, en raison de leur passé sulfureux et de leurs origines idéologiques. Mais ce temps semble révolu. Le feu vert est désormais donné : les représentants de ces partis sont désormais considérés comme des interlocuteurs politiques à part entière, et à ce titre, ils prennent place dans les colloques internationaux, y compris ceux consacrés à la lutte contre l’antisémitisme en Europe.
Pour une partie des élites communautaires, ce revirement reste difficile à accepter. L’idée que des partis nationalistes — autrefois classés à l’extrême droite — puissent aujourd’hui se présenter comme défenseurs des communautés juives demeure pour certains inconcevable. Pourtant, l’évolution des sociétés européennes a profondément rebattu les cartes. Le rapprochement croissant entre les mouvements de gauche et les électorats musulmans, dans un contexte où certains segments de ces populations affichent parfois des positions hostiles à Israël ou à la communauté juive, a contribué à redéfinir les alliances.
Ce réalignement politique a ouvert un espace que les partis nationalistes ont su occuper, adoptant des discours fermement pro-israéliens et se positionnant désormais comme garants de la sécurité des Juifs en Europe. Une mutation politique que l’État d’Israël prend acte, en intégrant ces nouveaux partenaires dans le combat contre une menace toujours d’actualité : l’antisémitisme.
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