Alors que, face au carnage qui continue de s’abattre sur Gaza, le voile politico-médiatique sur ce désastre humanitaire dressé au sein de l’UE et de ses Institutions semble timidement se lever - le Conseil va pour la première fois depuis le début du conflit affronter officiellement la question qu’il refusait jusqu’ici de se poser : faut-il remettre en cause l’accord d’association UE-Israêl ?
« Dutch Foreign Minister Caspar Veldkamp warned that the EU needs to urgently review its association agreement with Israel to make sure it’s in line with rules on respecting humanitarian law.
“The situation in Gaza compels us to take this step,” he said in comments shared with POLITICO. “Our government will draw a line in the sand.”
In a letter addressed to top EU diplomat Kaja Kallas, and obtained by POLITICO, the minister criticized Israel over its military operations in Gaza and Syria, as well as its failure to rein in settler violence in the West Bank, saying he’s deeply concerned by the developments. »
Si l’affaire est effectivement inscrite à l’ordre du jour du Conseil par sa Présidente, chacun des États membres devra prendre une position que l’on espère publique.
Rappelons que, à travers et au delà du cas palestinien, c’est toute la crédibilité de l’attachement de l’Union au respect du droit international humanitaire et de la Charte des nations Unies qui est ici en cause (1).
RAPPEL
De fait, la question du ré-examen de l’accord n’est pas nouvelle : elle avait déjà été soulevée - en vain - par M. Josep BORRELL , ancien Haut représentant.
UE-ISRAEL : RÉUNION EXTRAORDINAIRE DU CONSEIL D'ASSOCIATION ?
Lors de sa réunion du 18 novembre 2024, le Conseil Affaires Étrangères devrait débattre du conflit Gaza/Cisjordanie/Liban . Le Président du Conseil (le Haut Représentant Josep Borrell) ainsi que plusieurs délégations auraient demandé que, à cette occasion, la question de l’accord UE-Israel (1) soit mise à l’ordre du jour.
Les clauses de l'accord
« CONSIDÉRANT l'importance que les parties attachent (…) aux principes de la charte des Nations unies, en particulier le respect des droits de l'homme et de la démocratie, qui constituent le fondement même de l’association (…) »
Cet accord comporte en effet des clauses remises en cause par l’attitude du gouvernement israélien tant en matière de droits humains que de respect de la Charte des nations-Unies :
« les questions internationales, et notamment sur les questions susceptibles d'avoir des répercussions importantes sur l'une ou l'autre partie »
« la sécurité et la stabilité dans la région » (art. 3 §2).
Les sanctions prévues
« Si une partie considère que l'autre partie n'a pas satisfait à une obligation découlant du présent accord, elle peut prendre les mesures appropriées. » (art. 79§2) (2)
L’accord prévoit qu’en cas de non respect d’une des clauses par l’une des parties, l’autre partie peut « prendre des mesures appropriées » voire même « dénoncer l’accord » : « Chacune des parties peut dénoncer l'accord en notifiant son intention à l'autre partie. L'accord cesse d'être applicable six mois après cette notification. (Art. 82)
Il est toutefois douteux que l’unanimité (voire même une majorité) des 27 Ministres des Affaires Étrangères puisse être réunie pour décider d'actionner l’une ou l’autre des deux clauses prévues par l’accord. Ceci en raison de la diversité des positions au sein du Conseil dans le contexte géopolitique d’un conflit à présent de dimension régionale (mais aussi des intérêts économiques en jeu).
Si cette question fait réellement l’objet d’un débat au sein du Conseil, son Président pourra faire état de ses propres déclarations ainsi que de celles du Secrétaire Général des Nations-Unies (et de plusieurs agences onusiennes dont l’UNRWA) : ces déclarations affirment sans ambigüité que le gouvernement israélien s’est rendu coupable d’actes contraires aux principes de la Charte des Nations unies ainsi qu’aux règles de droit international en matière humanitaire.
Une voie moyenne
Ce dialogue peut notamment porter sur :
Toutefois, le Conseil pourrait au moins s’accorder pour demander une réunion extraordinaire du Conseil d’association (art. 67) dans le cadre du « dialogue politique entre les parties ».
Ainsi, au moins sur les plans juridique, institutionnel et diplomatique, ces dispositions de l’accord UE/Israël offrent au Conseil et donc à l’Union une voie et un moyen d’amorcer un dialogue.
Jusqu’ici, en effet, l’Union s’est avérée incapable d’influer de quelconque façon sur un conflit d’ampleur internationale dont les conséquences menacent pourtant à présent ses propres intérêts (3).
Dans le cas - probable - où le gouvernement israélien refuserait la convocation même de cette réunion, l’UE aurait au moins montré un signe de sa préoccupation et, tout simplement, … de son existence politique.
Jean-Guy Giraud
04 - 11 - 2024 __________________________________________