Ce que James Madison nous dirait s'il réapparaissait en 2025 !
Si James Madison, l’un des pères fondateurs des États-Unis, architecte de la Constitution américaine et théoricien des freins et contrepoids (checks and balances), réapparaissait en Europe en 2025, son analyse serait à la fois lucide, critique et pleine de paradoxes.
Voici ce qu’il pourrait nous dire, en s’appuyant sur ses principes chers (fédéralisme, séparation des pouvoirs, protection des minorités) et sur les défis contemporains de l’Europe :
- Un fédéralisme asymétrique : Madison saluerait l’idée d’une Union européenne (UE) comme une tentative de dépasser les guerres nationales par une gouvernance commune. Cependant, il pointerait du doigt l’asymétrie des pouvoirs entre les institutions européennes (Commission, Parlement, Conseil) et les États membres. « Une fédération où les États gardent un veto sur les décisions essentielles n’est pas une fédération, mais une confédération instable », dirait-il en référence aux règles d’unanimité (fiscalité, politique étrangère).
- Le déficit démocratique : Il critiquerait le déficit de légitimité démocratique du Parlement européen (élections souvent nationalisées, faible participation) et le pouvoir excessif des bureaucrates non élus (Commission). « Un gouvernement républicain doit reposer sur le consentement éclairé des gouvernés, pas sur des technocrates », rappellerait-il, évoquant les crises de légitimité (Brexit, montée des eurosceptiques).
- Un exécutif dominant : Madison s’inquiéterait de la concentration du pouvoir entre les mains du Conseil européen (chefs d’État) et de la Commission, souvent perçue comme un gouvernement sans opposition claire. « Tout pouvoir tend à dégenerer en abus si des contrepoids ne le limitent pas », citerait-il, en référence aux scandales de lobbying (Qatargate) ou aux dépassements budgétaires.
- Un judiciaire sous pression : Il observerait avec intérêt la Cour de justice de l’UE (CJUE), mais s’interrogerait sur son autonomie face aux États membres (ex. : défis polono-hongrois contre la primauté du droit européen). « Une justice indépendante est le rempart des libertés, mais elle doit être protégée des assauts politiques ».
- L’absence de « quatrième pouvoir » européen : Il noterait le manque de médias paneuropéens capables de créer un débat public commun, essentiel pour une démocratie fédérale. « Une opinion publique éclairée est le fondement de toute république », soulignerait-il, en comparant avec le rôle de la presse dans la jeune Amérique.
- La montée des extrêmes : Madison, qui craignait les « factions » (Federalist No. 10), analyserait la montée des partis populistes (de l’AfD en Allemagne au Rassemblement National en France) comme le symptôme d’un système qui n’a pas su représenter les citoyens. « Quand les institutions ne canalisent pas les mécontentements, les démagogues en profitent ».
- L’Europe comme bouc émissaire : Il verrait dans le rejet de l’UE par une partie de la population l’échec à créer une identité européenne partagée, au-delà des nations. « Une union qui ne parle qu’en termes économiques et non en termes de destin commun est condamnée à être rejetée ».
- La réponse ? Plus de démocratie, pas moins : Contrairement aux appels à « moins d’Europe », Madison prônerait plus de transparence, de participation citoyenne (conventions climatiques, budgets participatifs) et de responsabilité des dirigeants. « Le remède aux maux de la démocratie est plus de démocratie ».
- L’Europe des vitesses différentes : Il comprendrait la nécessité d’une intégration différenciée (zone euro, Schengen, défense), mais metendrait en garde contre une Europe à plusieurs cercles qui exclut. « Une union où certains membres ont plus de droits que d’autres n’est pas une union, mais une hiérarchie ».
- La question migratoire : Madison, qui défendait une immigration maîtrisée mais ouverte (pour peupler l’Amérique), analyserait les crises migratoires européennes comme un test de solidarité. « Une communauté qui ne sait pas accueillir les nouveaux membres est une communauté en déclin », dirait-il, en référence aux conflits sur les quotas de réfugiés.
- La défense et la souveraineté : Face à la guerre en Ukraine, il soulignerait l’urgence d’une défense européenne commune, mais avertirait : « Une armée sans contrôle démocratique est une menace pour la liberté ». Il exigerait un Parlement européen avec un vrai pouvoir de scrutin sur les dépenses militaires.
- Renforcer le Parlement européen : Lui donner un droit d’initiative législative et un pouvoir de contrôle sur la Commission, comme le Congrès américain sur l’exécutif.
- Créer une identité européenne par le récit : « Les républiques ont besoin de mythes fondateurs ». Il encouragerait à enseigner l’histoire européenne (au-delà des histoires nationales) et à célébrer des symboles communs (comme le programme Erasmus).
- Protéger les minorités : « Dans une fédération, les droits des petits États et des minorités doivent être garantis ». Il défendrait un mécanisme de protection des droits fondamentaux contre les dérives autoritaires (comme en Hongrie ou en Pologne).
« Vous avez bâti une maison européenne remarquable, mais ses fondations sont fissurées. Votre défi n’est pas de choisir entre plus ou moins d’Europe, mais de faire de l’Europe un vrai res publica — une chose publique, où chaque citoyen se sente représenté et responsable. Sinon, les forces centrifuges l’emporteront, comme elles ont failli emporter notre jeune République américaine. »
Voir aussi une autre réponse de James Madison dans le pdf ci-joint
#L'UE face à ses propres dilemmes, #L'imaginaire en question, #A la rencontre de femmes et d'hommes illustres, #D'une désillusion à l'autre, #Fictions littéraires contemporaines
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