Si de Tocqueville réapparaissait en 2025, que nous dirait-il de notre société et de ses moeurs ?
Si Alexis de Tocqueville revenait parmi nous en 2025, son regard perçant et son analyse des mœurs et des institutions lui permettraient sans doute de dresser un portrait à la fois fascinant et critique de nos sociétés occidentales, et en particulier de la France et des États-Unis, qu’il avait si finement observées au XIXe siècle.
Voici quelques pistes sur ce qu’il pourrait souligner, en s’appuyant sur ses thèmes de prédilection : la démocratie, l’individualisme, l’égalité, la centralisation, et la religion.
Tocqueville craignait que l’individualisme, poussé à l’extrême, ne conduise à l’isolement des citoyens et à l’affaiblissement du lien social.
En 2025, il observerait probablement :
- La fragmentation sociale : Malgré (ou à cause de) l’hyperconnectivité numérique, les individus semblent plus seuls que jamais. Les réseaux sociaux créent l’illusion de la communauté, mais renforcent souvent les bulles idéologiques et les divisions.
- La quête de sens : Face à la perte des grands récits (religieux, politiques), les individus se tournent vers des identités multiples (communautarismes, micro-cultures) ou des quêtes personnelles (développement personnel, spiritualités éclectiques).
- Le paradoxe de la liberté : Nous sommes plus libres que jamais dans nos choix individuels, mais cette liberté s’accompagne d’une angoisse existentielle et d’une demande croissante de protection étatique (sécurité, santé, revenu universel).
Sa question : « Comment concilier la liberté individuelle et le besoin de solidarité, sans tomber dans le despotisme doux de l’État providence ou dans l’anarchie des égoïsmes ? »
Tocqueville redoutait la tyrannie de la majorité et l’instabilité des démocraties livrées aux passions populaires.
En 2025, il analyserait :
- La polarisation politique : Les démocraties occidentales sont secouées par des clivages profonds (urbain/rural, jeunes/vieux, progressistes/conservateurs), amplifiés par les algorithmes et les médias sociaux.
- Le populisme et le rejet des élites : La défiance envers les experts, les médias traditionnels et les institutions (Parlement, justice) rappelle sa crainte d’un gouvernement par l’opinion immédiate, au détriment de la délibération raisonnée.
- L’érosion des contre-pouvoirs : Les partis politiques traditionnels s’affaiblissent, tandis que les lobbies, les réseaux numériques et les mouvements spontanés (Gilets jaunes, mouvements climatiques) redessinent le paysage politique.
Son avertissement : « Une démocratie sans intermédiaires – sans corps intermédiaires, sans presse libre, sans élites responsables – est une démocratie vulnérable à la démagogie et à l’arbitraire. »
Tocqueville critiquait la centralisation administrative française, qu’il jugeait étouffante pour les initiatives locales.
Aujourd’hui, il constaterait :
- Un État à la fois omniprésent et contesté : La crise sanitaire (COVID-19) a renforcé le rôle de l’État, mais a aussi révélé ses limites (lenteur, bureaucratie, défiance). Les citoyens veulent plus de protection, mais moins de contrôle.
- La décentralisation inaboutie : Malgré les réformes, les collectivités locales manquent souvent de moyens, tandis que Bruxelles et Paris concentrent le pouvoir. Les mouvements régionaux (Catalogne, Corse, Bretagne) illustrent cette tension.
- L’Europe, nouveau niveau de centralisation : Tocqueville, europhile prudent, interrogerait le déficit démocratique de l’UE et son rôle dans la régulation des excès du capitalisme ou des GAFAM.
Sa question : « Comment éviter que la centralisation, même bienveillante, ne tue l’esprit d’initiative et la responsabilité citoyenne ? »
Pour Tocqueville, la religion était un rempart contre le matérialisme et un ciment social.
En 2025, il observerait :
- La sécularisation avancée : En Europe, les églises se vident, mais les quêtes spirituelles persistent (bouddhisme, chamanisme, écologie sacralisée). Aux États-Unis, le religieux reste politique (évangélisme, woke culture).
- L’islam, nouveau défi : Tocqueville, qui avait étudié l’islam en Algérie, analyserait son rôle comme marqueur identitaire et source de tensions, mais aussi comme force de mobilisation communautaire.
- Les nouvelles "religions" : L’écologisme, le transhumanisme, ou même la Silicon Valley (avec ses prophètes comme Elon Musk) remplacent parfois les anciens dogmes.
Son intuition : « Une société sans transcendance se condamne à l’ennui ou au fanatisme. Mais quelle transcendance peut encore nous unir ? »
Tocqueville croyait à l’égalisation des conditions, mais il craignait les nouvelles formes d’inégalité.
En 2025, il serait frappés par :
- Les fractures territoriales : Métropoles dynamiques vs. déserts ruraux, gentrification vs. banlieues abandonnées.
- Les inégalités générations : Les jeunes paient le prix des crises (climat, retraite, logement), tandis que les baby-boomers conservent pouvoir et patrimoine.
- Le capitalisme numérique : Les GAFAM et les milliardaires tech (Musk, Zuckerberg) incarnent une nouvelle aristocratie, plus puissante que les anciens nobles.
Son diagnostic : « L’égalité des droits ne suffit pas : il faut aussi l’égalité des chances. Or, votre société crée des privilèges invisibles, plus durs à combattre que les anciens. »
Tocqueville, fin observateur de la France, soulignerait ses contradictions persistantes :
- Un pays à la fois conservateur et révolutionnaire : Attachement aux acquis sociaux (retraites, santé) mais résistance au changement (réformes, écologie).
- Une nation centralisée mais rebelle : Paris domine, mais les mouvements locaux (ZAD, municipalismes) résistent.
- Une identité en crise : Entre universalisme républicain et communautarismes, la France cherche encore son modèle.
Son sourire : « La France reste ce pays où l’on veut tout changer pour que rien ne bouge. Mais attention : quand elle bouge, c’est souvent dans la violence. »
Tocqueville nous dirait probablement que nos sociétés sont plus libres, plus riches, mais aussi plus anxieuses et plus divisées que jamais. Il nous mettrait en garde contre :
- Le despotisme doux : Une société où l’État et les algorithmes nous protègent (et nous surveillent) au point de nous infantiliser.
- L’illusion participative : Les réseaux sociaux donnent l’impression d’agir, mais souvent sans effet réel sur le pouvoir.
- L’oubli du long terme : Nos démocraties, obsédées par l’immédiat, négligent les défis structurels (climat, dette, éducation).
Son conseil final : « Pour éviter le déclin, il vous faut réinventer l’art de l’association – entre citoyens, entre territoires, entre générations. Sinon, la liberté se transformera en solitude, et l’égalité en uniformité. »
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