La crise de l'information en France !
Plusieurs enquêtes d'opinion font apparaître une forte défiance des Français à l'égard des médias d'information dits "mainstream", qu'ils soient publics ou privés ! Comment peut-on analyser ce phénomène alors même que les mêmes médias poursuivent leurs pratiques (à l'image d'ailleurs du personnel politique ...) ?
Cette question touche à un phénomène complexe et multifactorique, qui s’inscrit dans une tendance plus large observée dans de nombreux pays occidentaux : la défiance croissante envers les médias traditionnels, souvent qualifiés de "mainstream".
Voici quelques pistes d’analyse pour comprendre ce paradoxe apparent entre la défiance exprimée et la persistance des pratiques médiatiques et politiques :
La défiance envers les médias s’inscrit dans un contexte plus large de méfiance envers les institutions (politiques, économiques, scientifiques, etc.). Les Français ne sont pas les seuls à exprimer ce sentiment : on observe une tendance similaire en Europe et aux États-Unis. Plusieurs facteurs expliquent cette crise :
- Perte de crédibilité : Les médias sont perçus comme étant trop proches du pouvoir politique ou économique, ce qui remet en cause leur indépendance.
- Effet de polarisation : Les médias sont souvent accusés de participer à la polarisation de la société, en amplifiant les clivages politiques ou sociaux.
- Scandales et erreurs : Les affaires de désinformation, de conflits d’intérêts ou de traitement biaisé de l’information (ex. : affaire Benalla, couverture de la crise des Gilets jaunes) ont nourri la méfiance.
Les médias "mainstream" sont critiqués pour des pratiques qui semblent déconnectées des attentes du public :
- Logique du clic et de l’audience : La recherche de l’audience et du buzz peut conduire à une couverture sensationnaliste ou superficielle de l’actualité, au détriment de l’analyse approfondie.
- Uniformisation des discours : Les médias sont accusés de reproduire les mêmes narratifs, notamment sur des sujets clivants (immigration, écologie, économie), ce qui donne l’impression d’un "pensée unique".
- Dépendance aux réseaux sociaux : Les médias traditionnels adaptent leurs contenus aux algorithmes des plateformes (Facebook, Twitter, TikTok), ce qui peut altérer la qualité de l’information et renforcer les bulles informationnelles.
La défiance envers les médias traditionnels s’accompagne d’un essor des médias alternatifs (YouTube, podcasts, blogs, chaînes Telegram) et d’une consommation accrue d’information via les réseaux sociaux. Ces nouveaux canaux offrent :
- Une diversité des points de vue : Les publics en quête d’alternatives se tournent vers des sources perçues comme plus indépendantes ou plus proches de leurs convictions.
- Un sentiment de participation : Les réseaux sociaux permettent aux citoyens de devenir eux-mêmes producteurs d’information (citizen journalism), ce qui renforce la critique des médias traditionnels.
- Un risque de désinformation : Cependant, ces canaux sont aussi des vecteurs de fake news et de théories du complot, ce qui complexifie encore le paysage médiatique.
Les médias sont souvent associés aux élites politiques et économiques, dont la crédibilité est également en baisse. Les Français perçoivent une collusion entre médias, politiques et grands groupes économiques, ce qui alimente la défiance :
- Sentiment d’abandon : Une partie de la population estime que les médias ne relaient pas ses préoccupations (ex. : pouvoir d’achat, insécurité, crise des services publics).
- Rejet des "experts" : La crise sanitaire a renforcé la méfiance envers les discours experts, perçus comme éloignés des réalités du terrain.
Malgré la défiance, les médias et les politiques peinent à évoluer, pour plusieurs raisons :
- Inertie des structures : Les modèles économiques (publicité, abonnements) et les routines professionnelles (rythme de l’actualité, pression des actionnaires) rendent difficile une réforme en profondeur.
- Stratégie de survie : Face à la concurrence des réseaux sociaux, les médias traditionnels misent sur des formats courts et percutants, ce qui peut aggraver la défiance.
- Manque de dialogue : Les médias et les politiques ont du mal à entendre et intégrer les critiques, ce qui renforce le sentiment d’un décalage avec la société.
Certains médias tentent de répondre à cette crise en :
- Renforçant la transparence : Expliquer les choix éditoriaux, corriger les erreurs publiquement, ouvrir des espaces de dialogue avec le public.
- Développant des formats innovants : Podcasts, newsletters, reportages immersifs pour toucher de nouveaux publics.
- Collaborant avec les citoyens : Projets de journalisme participatif ou de vérification collaborative (fact-checking).
Qu'est-il ressorti de concret des derniers Etats généraux de l'information, au-delà des déclarations et recommandations de principe ?
Les États généraux de l’information (EGI), lancés en 2023 et clôturés en septembre 2024, ont abouti à un rapport final proposant 15 mesures concrètes pour répondre aux défis de la désinformation, de la concentration des médias et de la crise de confiance.
Voici les avancées les plus tangibles et les propositions phares issues de ce processus :
- Constitutionnalisation du droit à l’information : L’une des propositions centrales est d’inscrire le droit à une information libre, indépendante et plurielle dans la Constitution, pour en faire un pilier juridique inaliénable.
- Création d’un "Pass Médias" : Inspiré du Pass Culture, ce dispositif vise à offrir aux jeunes de 15 à 24 ans un accès facilité à des abonnements à des médias de qualité, afin de favoriser une consommation d’information diversifiée et critique dès le plus jeune âge.
- Entreprises de médias à mission : Encourager les médias à adopter le statut d’entreprise à mission, pour garantir leur engagement en faveur de l’intérêt général et de la qualité de l’information, avec des indicateurs de suivi transparents.
- Éducation à l’esprit critique : Faire de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) une priorité à l’école, avec des programmes renforcés et des outils pédagogiques adaptés à tous les âges.
- Sensibilisation préventive (pre-bunking) : Développer des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour "vacciner" la population contre la désinformation, en expliquant les mécanismes de manipulation avant qu’ils ne se propagent.
- 3 mai, "Fête des médias" : Instaurer une journée nationale dédiée à la célébration du rôle des médias dans la démocratie, avec des événements grand public pour promouvoir la culture de l’information.
- Journées délibératives citoyennes : 100 citoyens tirés au sort ont participé à des ateliers au CESE (Conseil économique, social et environnemental) en janvier et février 2024, pour formuler des recommandations concrètes. Leurs propositions ont nourri le rapport final, notamment sur la transparence des médias et la diversité des sources.
- Plateforme de contribution en ligne : Plus de 6 300 professionnels (journalistes, chercheurs, associations) et citoyens ont contribué via une plateforme dédiée, permettant de recueillir des idées et des attentes variées.
- Renforcement de la coopération européenne : Les EGI ont souligné la nécessité de mieux coordonner les régulations contre la désinformation et les ingérences étrangères, en s’appuyant sur des initiatives comme le Digital Services Act (DSA) et en créant des mécanismes de protection des démocraties au niveau de l’UE.
- Promotion du journalisme constructif : Encourager les médias à adopter des approches moins anxiogènes et plus orientées vers les solutions, pour contrer la "négativité" souvent reprochée aux médias traditionnels.
- Soutien à l’innovation : Faciliter l’émergence de nouveaux modèles économiques pour les médias (abonnements solidaires, fonds d’investissement dédiés), afin de réduire leur dépendance à la publicité et aux plateformes numériques.
Le rapport final a été remis en septembre 2024 et sert désormais de base pour des discussions au niveau gouvernemental et parlementaire. Certaines propositions, comme le Pass Médias ou l’inscription du droit à l’information dans la Constitution, pourraient être intégrées dans des projets de loi à venir. Cependant, leur mise en œuvre dépendra de la volonté politique et des moyens budgétaires alloués.
- Application concrète : Le passage des recommandations à des lois ou des décrets prendra du temps, et certaines mesures (comme la constitutionnalisation) nécessitent un consensus politique large.
- Financement : La viabilité économique des médias reste un enjeu majeur, surtout pour les petits acteurs et les médias locaux.
- Adhésion du public : La défiance envers les médias ne se résoudra pas uniquement par des réformes institutionnelles ; un travail de long terme sur la transparence et la qualité est nécessaire.
Si vous souhaitez consulter le détail des 15 propositions ou les synthèses des contributions citoyennes, le rapport complet est disponible sur le site officiel des EGI et sur celui du CESE.
L'’éducation aux médias (EMI) ne peut être neutre ou désincarnée. Elle soulève des enjeux de pouvoir, de légitimité et de finalité. Voici une analyse des acteurs, des objectifs, des principes et des tensions qui traversent cette notion, notamment à la lumière des débats récents en France et en Europe.
L’EMI est portée par plusieurs types d’acteurs, chacun avec ses propres logiques et intérêts :
Enjeu : Qui détient la légitimité pour définir ce qu’est une "bonne" information ? L’État, les professionnels, les citoyens ?
L’EMI ne peut éviter la question : quels médias sont présentés comme références ?
- Médias "mainstream" : Souvent privilégiés dans les ressources officielles (ex. : Le Monde, Libération, France Info), au nom de leur "fiabilité". Mais cela reproduit une hiérarchie médiatique contestée.
- Médias alternatifs : Peu représentés (ex. : Mediapart, BLAST, StreetPress), alors qu’ils jouent un rôle clé pour les publics défiants.
- Réseaux sociaux : Incontournables, mais leur traitement est souvent limité à la prévention des "fake news", sans analyse critique des modèles économiques (publicité ciblée, bulles algorithmiques).
- Médias locaux/associatifs : Rarement mis en avant, malgré leur ancrage territorial.
Problème : Une EMI qui se limite aux médias dominants risque de renforcer la défiance, en apparaissant comme un outil de légitimation du statu quo.
Les objectifs officiels de l’EMI sont souvent présentés ainsi :
- Développer l’esprit critique : Apprendre à croiser les sources, identifier les biais, repérer les techniques de manipulation.
- Lutter contre la désinformation : "Vacciner" contre les théories du complot et les infox.
- Former des citoyens éclairés : Préparer à une participation démocratique active.
Mais derrières ces nobles intentions se cachent des tensions :
- Neutralité vs. engagement : Faut-il former à la "neutralité" (un idéal souvent contesté) ou à la diversité des points de vue, y compris les plus radicaux ?
- Conformisme vs. subversion : L’EMI peut servir à "domestiquer" les publics (ex. : leur apprendre à consommer l’information sans remettre en cause les structures médiatiques) ou, au contraire, à les outiller pour les critiquer.
- Intérêts économiques : Les plateformes (Google, Meta) financent des programmes d’EMI… qui forment souvent à l’usage de leurs propres outils, sans questionner leur modèle.
Exemple concret : Le programme "Les Clés des médias" (France Télévisions/CLEMI) explique comment vérifier une info, mais rarement comment analyser les conflits d’intérêts dans les rédactions.
Plusieurs principes s’affrontent :
Débat actuel : Faut-il une EMI "universaliste" (les mêmes règles pour tous) ou "contextuelle" (adaptée aux publics et à leurs réalités sociales) ?
L’EMI n’est pas neutre : elle sert des intérêts parfois contradictoires :
- Pour l’État : Maintenir la cohésion sociale, lutter contre les "fake news" qui menacent l’ordre public.
- Pour les médias : Légitimer leur rôle, capter de nouveaux publics (ex. : les jeunes).
- Pour les GAFAM : Éviter une régulation trop stricte en montrant qu’ils "agissent" contre la désinformation.
- Pour les citoyens : Se réapproprier le débat public, résister aux manipulations.
Exemple : Le "Pass Médias" proposé par les États généraux de l’information pourrait favoriser les abonnements aux grands groupes de presse… au détriment des petits médias indépendants.
Pour éviter que l’EMI ne devienne un outil de normalisation, plusieurs pistes sont explorées :
- Pédagogie des conflits : Montrer les désaccords entre médias, les biais, les silences (ex. : pourquoi tel sujet est-il traité différemment selon les rédactions ?).
- Approche historique : Expliquer comment les médias se sont construits (ex. : rôle de la publicité, liens avec le pouvoir politique).
- Médias "faits maison" : Encourager les élèves à créer leurs propres contenus (radios scolaires, blogs) pour comprendre les enjeux de production.
- Débats contradictoires : Confrontation avec des journalistes, des lanceurs d’alerte, des représentants des plateformes.
Initiatives inspirantes :
- Le projet "Décryptages" de Réseau Canopé, qui analyse les mécanismes de fabrication de l’info.
- Les ateliers "Zéro Cliché" sur les stéréotypes dans les médias.
- Les "Médias Libres" qui forment à l’auto-édition et à la critique des algorithmes.
L’éducation aux médias ne peut se réduire à une liste de "bonnes pratiques". Elle doit :
- Révéler les rapports de pouvoir : Qui possède les médias ? Qui décide de l’agenda ?
- Donner des outils concrets : Vérification, croisement des sources, mais aussi analyse des modèles économiques.
- Être réflexive : Interroger ses propres biais (y compris ceux des enseignants et des formateurs).
- S’appuyer sur des exemples variés : Médias dominants, alternatifs, locaux, internationaux.
Question ouverte : Comment concilier l’urgence de lutter contre la désinformation et la nécessité de former des esprits libres, capables de remettre en cause les institutions – y compris celles qui les éduquent ?
Source : Mistral AI / le Chat
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