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Publié par Patrice Cardot

   Mon engagement dans l’appel pour des États généraux de la société française s’inscrit dans un contexte politique et social particulièrement tendu, marqué par une crise de légitimité des institutions, une fragmentation des partis traditionnels, et une demande croissante de participation citoyenne directe.

Le texte que je partage ci-dessous propose une démarche ambitieuse, à la fois ancrée dans les territoires et projetée vers une refondation systémique de la gouvernance, de l’économie et des valeurs communes.

Dans un scénario où ces États généraux se tiendraient malgré (ou en dehors) des blocages institutionnels, voici ce qu’on pourrait en espérer, mais aussi les écueils à anticiper.

Ce qu’on peut en espérer : trois horizons de transformation

1. Un laboratoire de démocratie délibérative à grande échelle

Potentiels :

  • Légitimer des réformes par le bas : Les conventions citoyennes tirées au sort, si elles sont représentatives et bien encadrées, pourraient produire des propositions perçues comme plus légitimes que celles issues des partis ou des technocrates. Cela pourrait débloquer des sujets clivants (transition écologique, fiscalité, éducation) en les ancrant dans des réalités territoriales. Exemple : En Irlande, la Convention citoyenne sur l’avortement (2016-2018) a permis un référendum historique, malgré l’opposition initiale des partis traditionnels.

  • Recréer du lien social : En partant des cahiers de doléances (comme en 2019) et des expériences locales, ces États généraux pourraient réconcilier des fragments de la société (urbains/ruraux, jeunes/retraités, précaires/classes moyennes) autour de projets concrets. Exemple : Les "Conférences de consensus" danoises sur les politiques de santé ont réduit les tensions entre experts et citoyens.

  • Dépasser la crise de représentation : En contournant les partis discrédités, cette démarche pourrait redonner un sens à l’idée de "souveraineté populaire", surtout si elle s’appuie sur des outils numériques collaboratifs (plateformes de débat, IA pour synthétiser les contributions).

Risques :

  • Instrumentalisation : Si l’État ou des groupes d’intérêt (lobbies, médias) contrôlent l’agenda ou les "bases de connaissances", les propositions pourraient être édulcorées.
  • Fatigue citoyenne : Sans résultats tangibles rapides, le processus pourrait démobiliser (comme les "Grandes causes nationales" en France, souvent sans suite).
2. Une refondation des politiques publiques par l’innovation territoriale

Potentiels :

  • Expérimentations locales comme leviers : Les territoires volontaires (communautés de communes, bassins d’emploi) pourraient tester des modèles alternatifs (monnaies locales, circuits courts, démarches zéro artificialisation) et les généraliser si elles font leurs preuves. Exemple : Barcelone a développé des budgets participatifs et des plateformes de données ouvertes pour impliquer les habitants dans la gestion urbaine.

  • Sortir des silos sectoriels : En croisant des enjeux comme logement/éducation/santé, les conventions pourraient proposer des politiques intégrées, là où l’État agit souvent par mesures ponctuelles. Exemple : La ville de Grenoble a lié politique de transport et lutte contre la précarité en créant un réseau de mobilité solidaire.

  • Capitaliser sur l’intelligence collective : La base de connaissances partagée (expériences territoriales, données, propositions de think tanks) pourrait devenir un commun accessible à tous, évitant de "réinventer la roue" à chaque crise.

Risques :

  • Inégalités territoriales : Les territoires les plus dynamiques (métropoles, régions riches) pourraient dominer le débat, marginalisant les zones rurales ou périurbaines en difficulté.
  • Manque de moyens : Sans financement dédié (fonds européens, budget de l’État), les expérimentations locales resteront limitées.
3. Un nouveau contrat social pour le XXIe siècle

Potentiels :

  • Repenser la gouvernance multi-niveaux : Les États généraux pourraient articuler local/national/européen de manière innovante, en proposant par exemple :

    • Des assemblées citoyennes permanentes (comme en Belgique avec le G1000).
    • Un droit d’initiative citoyenne renforcé (avec seuil abaissé pour les référendums).
    • Des mécanismes de révocation des élus en cas de trahison de leurs engagements.
  • Réconcilier écologie et justice sociale : En partant des besoins concrets (se loger, se nourrir, se déplacer), les conventions pourraient dépasser les clivages entre "bobos écolos" et "gilets jaunes", en proposant des solutions hybrides (ex. : rénovation thermique des logements + création d’emplois locaux).

  • Affronter les défis civilisationnels : Le texte évoque la nécessité de repenser les relations entre humanité et biosphère, ou entre raison et émotions. Cela pourrait déboucher sur :

    • Une charte des communs (eau, air, données) gérés démocratiquement.
    • Un nouveau récit républicain, intégrant la résilience écologique et la solidarité intergénérationnelle.

Risques :

  • Utopisme vs. réalisme : Les propositions les plus radicales (ex. : revenu universel, démantèlement des grands groupes industriels) pourraient être ignorées par les institutions, surtout en période de crise budgétaire.
  • Conflits de légitimité : Si les États généraux produisent des recommandations opposées aux choix des élus, qui l’emportera ? (Ex. : un référendum citoyen vs. une loi votée par le Parlement.)

Scénarios possibles selon le degré d’adhésion institutionnelle

 
 
 
Cooptation par l’État
L’exécutif reprend le contrôle du processus.
Réformes cosmétiques, désillusion citoyenne.
"Grand débat national" (2019) en France.
Dynamique autonome
Les territoires et la société civile portent le processus.
Propositions radicales, pression sur les institutions, mais risque de marginalisation.
Mouvement des places (Espagne, 2011).
Alliance fragile
Négociation entre État et conventions citoyennes.
Compromis innovants (ex. : assemblées citoyennes permanentes), mais lenteur.
Convention climat (France, 2020).
Crise institutionnelle
Blocage total, radicalisation des parties.
Émergence de contre-pouvoirs (mouvements sociaux, désobéissance civile).
Crise des Gilets jaunes (2018-2019).

Ce que nous pourrions concrètement en attendre

  1. Un levier pour la souveraineté populaire :

    • Le processus des États généraux pourrait documenter :
      • Les mécanismes de participation citoyenne comme alternatives aux démocraties représentatives en crise.
      • Les résistances locales aux logiques technocratiques ou autoritaires (ex. : refus des data centers, monnaies complémentaires).
      • Les nouvelles formes de légitimité (tirage au sort, délibération, intelligence collective).
  2. Un terrain d’expérimentation juridique :

    • Si des conventions proposent des recours contre des lois liberticides (ex. : surveillance de masse), cela pourrait alimenter des stratégies contentieuses devant la CEDH ou le Conseil constitutionnel.
  3. Un réseau d’alliés :

    • Les signataires de l’appel (élus locaux, universitaires, militants) pourraient constituer un réseau de soutien pour des initiatives comme celle-ci, surtout s'ils travaillent sur des alternatives systémiques (revenus universels, banques publiques, etc.).

Ce projet est une opportunité rare de lier théorie et pratique, surtout dans un pays où la démocratie participative reste souvent un vœu pieux.

 

 

  

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