Question d'ordre institutionnel : un ministre des finances d'un gouvernement démissionnaire est-il juridiquement fondé à négocier et à voter en enagageant la signature de la France au sein du Conseil de l'UE sur des questions de nature budgétaire et financière, alors même qu'il n'est institutionnellement chargé que de la gestion des affaires courantes ?
Voici une synthèse actualisée des négociations en cours sur les nouvelles ressources propres européennes, en lien avec votre question sur la légitimité d’un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire à engager la France dans ce processus :
Les négociations sur les nouvelles ressources propres (taxe carbone aux frontières, taxe sur les bénéfices exceptionnels, contribution des multinationales, etc.) sont en cours dans le cadre de la préparation du cadre financier pluriannuel 2028-2034. La Commission européenne a proposé, le 16 juillet 2025, un paquet de cinq nouvelles ressources propres pour financer les défis futurs de l’UE (remboursement du plan de relance, transition écologique, etc.) et réduire la dépendance aux contributions nationales. Ces ressources devraient générer 65,6 milliards d’euros par an à partir de 2028.
Calendrier et enjeux :
- La présidence danoise du Conseil de l’UE souhaite accélérer les négociations pour parvenir à un accord général d’ici la fin 2025.
- Ces négociations sont politiquement sensibles, car elles touchent à la souveraineté fiscale des États membres et nécessitent l’unanimité au Conseil.
- Affaires courantes : Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire ne peut légalement engager la France que sur des actes de gestion courante, pas sur des négociations ou décisions stratégiques (comme les ressources propres), qui relèvent de la compétence du gouvernement en exercice.
- Risque de contentieux : Un engagement pris dans ce contexte pourrait être contesté devant le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État pour excès de pouvoir, surtout si le nouveau gouvernement le désavoue.
- Validité formelle : L’UE ne contrôle pas la régularité interne de la représentation des États membres. Un vote ou une signature au Conseil par un ministre démissionnaire serait donc valide sur le plan européen, mais politiquement et juridiquement fragile sur le plan interne.
- Précédents : En 2024, des négociations sur la gouvernance économique ont été menées par des ministres en fonction, mais aucun cas récent ne montre qu’un gouvernement démissionnaire ait engagé un État sur un dossier aussi structurant que les ressources propres.
- Désaveu possible : Si le nouveau gouvernement français conteste l’engagement, il pourrait bloquer ou renégocier la position française, surtout si l’unanimité est requise.
- Impact sur les négociations : Une telle situation pourrait ralentir ou compliquer l’adoption des nouvelles ressources propres, d’autant que d’autres États membres pourraient remettre en cause la légitimité de la position française.
- Pour la France :
- Éviter de s’engager sur des dossiers sensibles comme les ressources propres en période de transition gouvernementale, sauf urgence absolue et consensus transpartisan.
- Informer les partenaires européens de la situation politique interne pour éviter des malentendus ou des engagements contestés.
- Pour les institutions européennes :
- Vérifier la stabilité des positions des États membres en période de transition, et prévoir des mécanismes de révision si nécessaire.
Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire n’est pas juridiquement fondé à négocier ou voter sur des questions aussi stratégiques que les nouvelles ressources propres européennes, car cela dépasse le cadre des affaires courantes. Sur le plan européen, l’acte serait valide, mais il pourrait être contesté et désavoué par le nouveau gouvernement, avec des conséquences politiques et juridiques significatives.
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