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Publié par ERASME

Cette question est complexe et relève à la fois du droit constitutionnel français et du droit de l’Union européenne.
 
Voici une analyse structurée de la situation, en tenant compte des principes juridiques applicables :
 
1. Cadre constitutionnel français : le gouvernement démissionnaire

En France, lorsqu’un gouvernement démissionne (soit de sa propre initiative, soit à la suite d’une motion de censure ou d’un remaniement), il reste en fonction pour "expédier les affaires courantes" (article 50 de la Constitution). Cela signifie qu’il ne peut pas engager de nouvelles politiques ou prendre des décisions majeures, mais seulement assurer la continuité administrative et les actes urgents ou nécessaires au fonctionnement de l’État.

Limites juridiques :

  • Pas de décisions politiques nouvelles : Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire ne peut pas, en principe, engager la France dans des négociations ou des votes qui impliquent des choix politiques ou budgétaires significatifs.
  • Actes de gestion courante : Il peut signer des actes administratifs ou techniques, mais pas des engagements qui lient durablement l’État ou qui relèvent de la compétence du nouveau gouvernement.
2. Cadre européen : participation au Conseil de l’UE

Le Conseil de l’Union européenne est une institution où les États membres sont représentés par leurs ministres compétents. Chaque État membre organise sa représentation selon son droit interne.

Pratique et jurisprudence :

  • Représentation continue : Même en période de transition gouvernementale, les États membres doivent être représentés au Conseil de l’UE. En pratique, les ministres d’un gouvernement démissionnaire continuent souvent à siéger, mais avec des restrictions implicites sur les décisions qu’ils peuvent prendre.
  • Engagement juridique : Si un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire vote ou signe un acte au Conseil de l’UE, cet acte est valide au regard du droit de l’UE (la Cour de justice de l’UE ne contrôle pas la régularité interne de la représentation). Cependant, la France pourrait contester ultérieurement la régularité de l’engagement au regard de son droit interne, notamment si l’acte dépasse le cadre des affaires courantes.

Risque politique et juridique :

  • Responsabilité politique : Le nouveau gouvernement pourrait désavouer l’acte et engager une procédure de révision ou de retrait, si cela est possible au regard du droit de l’UE.
  • Contentieux interne : Un recours devant le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État pourrait être envisagé pour contester la légalité de l’acte au regard de la Constitution française.
3. Jurisprudence et doctrine
  • Affaires courantes vs. actes engageants : La jurisprudence française (notamment du Conseil d’État) considère que les actes qui engagent l’avenir ou qui ont un caractère politique ne relèvent pas des affaires courantes. Par exemple, la signature d’un traité ou d’un budget européen serait probablement considérée comme un acte dépassant le cadre des affaires courantes.
  • Précédents européens : La Cour de justice de l’UE a déjà statué que les États membres sont responsables de leur représentation au Conseil, mais elle ne se prononce pas sur la régularité interne de cette représentation.
4. Conclusion et recommandations
  • Sur le plan juridique interne : Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire n’est pas fondé à négocier ou voter sur des questions budgétaires ou financières engageant la France, sauf si ces actes relèvent strictement des affaires courantes (par exemple, des mesures techniques ou urgentes).
  • Sur le plan européen : L’acte serait valide pour l’UE, mais la France pourrait le contester ultérieurement sur le plan interne.
  • Risque de contentieux : Un tel engagement pourrait être contesté devant les juridictions françaises (Conseil constitutionnel, Conseil d’État) ou faire l’objet d’un désaveu politique par le nouveau gouvernement.

Voici une synthèse actualisée des négociations en cours sur les nouvelles ressources propres européennes, en lien avec votre question sur la légitimité d’un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire à engager la France dans ce processus :

1. État des négociations sur les ressources propres (2024-2025)

Les négociations sur les nouvelles ressources propres (taxe carbone aux frontières, taxe sur les bénéfices exceptionnels, contribution des multinationales, etc.) sont en cours dans le cadre de la préparation du cadre financier pluriannuel 2028-2034. La Commission européenne a proposé, le 16 juillet 2025, un paquet de cinq nouvelles ressources propres pour financer les défis futurs de l’UE (remboursement du plan de relance, transition écologique, etc.) et réduire la dépendance aux contributions nationales. Ces ressources devraient générer 65,6 milliards d’euros par an à partir de 2028.

Calendrier et enjeux :

  • La présidence danoise du Conseil de l’UE souhaite accélérer les négociations pour parvenir à un accord général d’ici la fin 2025.
  • Ces négociations sont politiquement sensibles, car elles touchent à la souveraineté fiscale des États membres et nécessitent l’unanimité au Conseil.
2. Participation d’un gouvernement démissionnaire : risques et limites
a. Cadre juridique français
  • Affaires courantes : Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire ne peut légalement engager la France que sur des actes de gestion courante, pas sur des négociations ou décisions stratégiques (comme les ressources propres), qui relèvent de la compétence du gouvernement en exercice.
  • Risque de contentieux : Un engagement pris dans ce contexte pourrait être contesté devant le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État pour excès de pouvoir, surtout si le nouveau gouvernement le désavoue.
b. Pratique européenne
  • Validité formelle : L’UE ne contrôle pas la régularité interne de la représentation des États membres. Un vote ou une signature au Conseil par un ministre démissionnaire serait donc valide sur le plan européen, mais politiquement et juridiquement fragile sur le plan interne.
  • Précédents : En 2024, des négociations sur la gouvernance économique ont été menées par des ministres en fonction, mais aucun cas récent ne montre qu’un gouvernement démissionnaire ait engagé un État sur un dossier aussi structurant que les ressources propres.
c. Conséquences pratiques
  • Désaveu possible : Si le nouveau gouvernement français conteste l’engagement, il pourrait bloquer ou renégocier la position française, surtout si l’unanimité est requise.
  • Impact sur les négociations : Une telle situation pourrait ralentir ou compliquer l’adoption des nouvelles ressources propres, d’autant que d’autres États membres pourraient remettre en cause la légitimité de la position française.
3. Recommandations et pistes
  • Pour la France :
    • Éviter de s’engager sur des dossiers sensibles comme les ressources propres en période de transition gouvernementale, sauf urgence absolue et consensus transpartisan.
    • Informer les partenaires européens de la situation politique interne pour éviter des malentendus ou des engagements contestés.
  • Pour les institutions européennes :
    • Vérifier la stabilité des positions des États membres en période de transition, et prévoir des mécanismes de révision si nécessaire.
4. Conclusion

Un ministre des Finances d’un gouvernement démissionnaire n’est pas juridiquement fondé à négocier ou voter sur des questions aussi stratégiques que les nouvelles ressources propres européennes, car cela dépasse le cadre des affaires courantes. Sur le plan européen, l’acte serait valide, mais il pourrait être contesté et désavoué par le nouveau gouvernement, avec des conséquences politiques et juridiques significatives.

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