Si Rousseau et Voltaire réapparaissait en 2025, que se diraient-ils sur notre société contemporaine ?
Imaginons Rousseau et Voltaire débarquant en 2025, après avoir été plongés dans un sommeil de près de trois siècles. Leurs réactions, sans doute teintées d’émerveillement, d’indignation et de curiosité critique, refléteraient leurs philosophies respectives, mais aussi leurs contradictions.
Voici ce qu’ils pourraient se dire, en s’attardant sur quelques thèmes clés de notre époque :
Voltaire (ironique, sceptique) : « Mon cher Jean-Jacques, regardez ces écrans lumineux où chacun s’enferme volontairement ! Vous qui rêviez d’un contrat social, voici des milliards d’âmes signant chaque jour un pacte avec des algorithmes invisibles. On les appelle ‘réseaux sociaux’, mais c’est une bien étrange sociabilité que de parler à des fantômes tout en ignorant son voisin. La liberté de pensée ? Elle se noie dans un flot de ‘likes’ et de colères instantanées. »
Rousseau (indigné, nostalgique) : « Vous avez raison, Monsieur Arouet, mais ces machines ne sont que le symptôme d’une maladie plus profonde : l’homme moderne fuit la nature et sa propre conscience. Il préfère l’illusion d’une connexion permanente à la solitude féconde de la réflexion. Ces ‘réseaux’ sont des chaînes dorées—on s’y enchaîne en croyant s’y libérer. La vraie liberté naît de l’autonomie, pas de la dépendance à des boîtes noires ! »
Voltaire (sarcastique) : « Vos ‘citoyens’ votent encore, mais pour élire des tribuns qui promettent des miracles ou des boucs émissaires. Les Lumières ont enfanté des constitutions, mais aussi des démagogues qui gouvernent par la peur ou le spectacle. Regardez ces ‘fake news’ : on a remplacé les superstitions religieuses par des superstitions numériques. Au moins, au XVIIIe siècle, on brûlait des sorcières—aujourd’hui, on les ‘cancel’ sur Twitter. »
Rousseau (radical) : « La démocratie représentative que vous défendez n’est qu’un leurre, Voltaire. Le peuple ne gouverne pas—il délègue son pouvoir à une élite qui le trahit. Vos ‘éclairés’ d’aujourd’hui sont des technocrates ou des oligarques. Il faudrait des assemblées citoyennes tirées au sort, comme à Athènes, et non ces cirques électoraux où l’on achète les consciences avec des promesses creuses. La souveraineté ne se représente pas, elle s’exerce ! »
Rousseau (passionné) : « Enfin, un sujet où l’humanité semble redécouvrir la sagesse ! Ces jeunes qui manifestent pour le climat, ces villages qui résistent aux data centers, ces paysans qui défendent leurs terres… C’est l’écho de mon ‘Discours sur l’origine des inégalités’ : l’homme détruit la nature et s’y détruit lui-même. Mais attention—que ces luttes ne deviennent pas une nouvelle religion, où l’on vénère Gaïa sans changer nos modes de vie. »
Voltaire (pragmatique) : « Vos rêves de retour à la nature sont charmants, mais irréalistes. L’humanité ne renoncera pas au progrès—elle doit l’orienter. Ces éoliennes, ces panneaux solaires, ces laboratoires qui cherchent à capturer le CO₂… C’est là que réside l’espoir, pas dans un retour à la cabane primitive. Cultivons notre jardin, oui, mais avec des outils modernes ! »
Voltaire (cynique) : « Vous souvenez-vous de nos combats contre les privilèges de la noblesse ? Aujourd’hui, les nouveaux seigneurs sont les milliardaires de la Silicon Valley et les héritiers des fortunes colossales. Ils paient moins d’impôts que leurs jardiniers et décident du sort des nations depuis leurs yachts. La seule différence, c’est qu’ils se parent de philanthropie pour acheter une bonne conscience. »
Rousseau (révolté) : « Et ces inégalités ne sont pas seulement matérielles—elles sont cognitives ! Les élites contrôlent l’éducation, les médias, les algorithmes. Elles façonnent les désirs du peuple pour mieux le dominer. Il faut une révolution des esprits avant toute révolution politique. L’école doit libérer, pas formater ! »
Voltaire (matérialiste) : « Ces débats sur l’IA, la conscience, les neurosciences… Enfin, la raison triomphe ! Plus besoin de recourir à Dieu pour expliquer l’homme. Ces machines qui jouent aux échecs ou composent de la musique prouvent que l’esprit n’est qu’une mécanique complexe. Votre ‘bon sauvage’ avait une âme, mais nos robots n’en ont pas besoin. »
Rousseau (mystique malgré lui) : « Vous vous trompez, Monsieur. Ces machines révèlent surtout les limites de votre matérialisme. La conscience ne se réduit pas à des circuits imprimés. Regardez comme les jeunes générations cherchent du sens dans le bouddhisme, le chamanisme, ou même dans vos propres sciences quantiques ! L’homme a soif de transcendance—même au cœur de votre monde désenchanté. »
- Voltaire nous exhorterait à cultiver l’ironie et l’esprit critique, à refuser les dogmes (y compris scientifiques), et à défendre une laïcité vigilante face aux nouveaux fanatismes—qu’ils soient religieux, technophiles ou identitaires.
- Rousseau nous appelerait à réinventer la communauté, à repenser notre rapport à la nature, et à résister à l’aliénation numérique. Il nous dirait que la vraie révolution est intérieure : « L’homme est né libre, mais partout il est en chaîne… à son smartphone. »
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