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Publié par Ferdinando Riccardi

Si les citoyens savaient ... Le Parlement européen (PE) a de plus en plus de poids et de responsabilités dans l'élaboration et l'approbation de la législation communautaire. Dans la perspective de sa prochaine élection, il faudrait attirer l'attention du public sur cet aspect au moins que sur les batailles doctrinaires. Les doctrines, les gens les connaissent. Chaque électeur sait à peu près ce que signifie voter à gauche plutôt qu'à droite, pour les souverainistes ou pour les fédéralistes. Si les citoyens ne sont pas passionnés par les élections européennes, c'est parce qu'ils ne voient pas ce que fait le PE, quels sont en fait ses pouvoirs. Ils ignorent à quel point le PE influence, par ses votes et ses délibérations, leur vie de tous les jours.
On parle de progrès de l'Europe intergouvernementale, dans laquelle seuls les Etats ont vraiment du poids, alors que la plupart des décisions sont déjà prises en codécision entre le PE et le Conseil et que ce régime se développera encore avec le traité de Lisbonne. Ce n'est pas de la théorie, c'est la vie de tous les jours. Les opinions publiques sont restées en grande partie à l'époque où pour elles les décisions étaient prises par les « institutions de Bruxelles », pas mieux définies. Et le Parlement faisait surtout du bavardage. A Bruxelles, on a décidé que ... Cette formule subsiste, dans la presse et ailleurs, et pour les citoyens le mot Bruxelles signifie quelque chose d'éloigné, les bureaucrates bruxellois étant encore plus insaisissables et abstraits que les bureaucraties nationales. Il y a certes du vrai dans cette sensation, mais de moins en moins ; et c'est une image que l'on devrait s'efforcer de modifier ; les élections européennes devraient représenter une occasion pour commencer à le faire, si elles sont correctement présentées.
Le Parlement européen décide presque autant que le Conseil européen. Les considérations qui précèdent peuvent donner l'impression d'un exposé théorique. Essayons alors de les lier à des évènements d'actualité.
Les orientations prises [...] par le Conseil européen pour faire face à la crise économique et financière sont en large partie subordonnées aux débats et aux votes du Parlement, même si les organes d'information n'en ont pas fait état. Le déblocage des 5 milliards d'euros du budget de l'UE qui financeront notamment des projets énergétiques doit être approuvé par le Parlement, qui demandera sans doute des modifications. Les actes législatifs qui doivent concrétiser la réforme de la réglementation financière doivent faire l'objet d'une d'un accord Parlement/Conseil. Le paragraphe 4 des conclusions du Conseil européen cite explicitement les textes qui doivent être approuvés d'urgence en codécision : agences de notation, solvabilité des compagnies d'assurance, exigences de fonds propres des banques, paiements transfrontaliers. Le commission compétente du PE a notamment approuvé, à une très large majorité, l'élément le plus attendu, celui relatif aux agences de notation, en demandant que celles-ci soient obligées à se conformer aux nouvelles règles ; la négociation avec le Conseil pour définir en détail une réglementation efficace et vraiment européenne à ce sujet a commencé le 31 mars 2012 et a permis de dégager des pistes de progrès significatives. En même temps, le Parlement et le Conseil sont parvenus à un accord sur la nouvelle phase de la création d'un marché énergétique unifié, celle concernant l'électricité et le gaz.
Un contexte ignoré. Les quelques exemples indiqués (on pourrait en citer bien d'autres) se situent dans un cadre général où, depuis la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, 90 % de la législation européenne est approuvée en codécision entre le Parlement et le Conseil. L'UE confidentielle et bureaucratique disparaît. Qui n'irait pas voter, si les citoyens savaient à quel point le contenu des lois qui déterminent largement leur vie quotidienne dépendra de leur choix électoral ?
En plus d'être législateur, le PE vote le budget communautaire (il peut le rejeter), il peut renverser la Commission ou en déterminer la composition en rejetant l'un ou l'autre commissaire.
Qui sait que la réglementation des produits chimiques (REACH) est en grande partie l'œuvre du PE ? Que le paquet Energie/Climat, qui déterminera la politique européenne - et peut-être mondiale - en ces domaines, est le fruit d'une âpre négociation PE/Conseil, avec la médiation de la Commission ? Qui est conscient du fait que les principaux problèmes auxquels les gens sont confrontés ne peuvent avoir qu'une solution européenne ?
En fait, une petite minorité de citoyens européens sait que le nouveau Parlement européen sera élu d'ici à 5mois. Les autres, soit n'en savent rien, soit ne voient que les bagarres liées à la composition des listes, et ils voteront - s'ils votent - sur la base de critères et motivations purement nationaux.
On devrait parler davantage des pouvoirs du PE et un peu moins décrier les institutions.
(Texte réécrit à partir du texte paru dans l'éditorial du Bulletin Quotidien Europe n°9869 en date du 26 mars 2009)

 

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