Sénat : proposition de résolution européenne sur les relations entre l'Union européenne et l'État d'Israël
23 sénateurs ont proposé le 8 avril 2009, en application de l'article 73 bis du règlement du Sénat, une
proposition de résolution européenne sur les relations entre l'Union européenne et l'État d'Israël.
Voici ci-après l'exposé des motifs :
" Depuis 1975, date de l'accord de coopération économique avec la Communauté Européenne, l'Union européenne entretient des relations partenariales avec
l'État d'Israël.
Le processus de Barcelone, initié en 1995, a créé un cadre de coopération politique, économique et sociale qui a conduit l'Union européenne à s'engager juridiquement avec l'État d'Israël au travers d'un accord d'association conclu le 20 novembre 1995 et entré en vigueur le 1er juin 2000.
En 2003, pour approfondir ce processus, l'Union a proposé à ses voisins de l'Est et du Sud une relation privilégiée en instituant la politique européenne de voisinage (PEV) qui vise, non seulement à éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'Union européenne élargie et ses voisins, mais également à renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous.
Cette politique européenne de voisinage concerne aujourd'hui seize pays dont Israël. Pour sa mise en oeuvre, l'Union a conclu en 2005 un « plan d'action PEV » avec l'État d'Israël dont le suivi est assuré dans le cadre du conseil d'association entre l'Union européenne et l'État d'Israël.
Selon les termes de l'accord de partenariat euro-méditerranéen, les États participants s'engagent à se conformer aux normes de droit international.
Notamment, ils sont tenus « d'agir en conformité avec la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi qu'aux autres obligations résultant du droit international, en particulier celles qui découlent des instruments régionaux et multilatéraux. (...) Les partenaires doivent également respecter l'intégrité territoriale et l'unité de chacun des autres partenaires et régler leurs différends par des moyens pacifiques. (...) Ainsi, ils doivent demander à tous les participants de renoncer à la menace ou à l'usage de la force contre l'intégrité territoriale d'un autre participant, y compris l'acquisition de territoire par la force. »
L'article 2 de l'accord d'association mentionne également que « les relations doivent être fondées sur le respect des droits de l'homme et les principes démocratiques qui régissent leur politique intérieure et internationale ».
Pourtant, depuis maintenant 60 ans, l'État d'Israël viole de manière récurrente le droit international, notamment la convention de Genève et la Charte des Nations Unies, mais également les principes démocratiques énoncés à l'article 2 de l'accord d'association par toute une série de mesures discriminatoires concernant les Palestiniens vivant en Israël et dénoncées par l'ensemble des associations de défense des droits de l'homme.
De plus, le conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies depuis 1967 a régulièrement adopté des résolutions à l'encontre de la politique israélienne.
Notamment, les résolutions 446, 452 et 465 demandaient à l'État d'Israël de cesser de construire des colonies et de démanteler celles qu'il avait construites et les résolutions 252, 267, 271, 298, 476 et 478 lui demandaient de revenir sur son annexion de Jérusalem-Est.
Celles ci n'ont jamais été respectées par l'État d'Israël qui, en toute impunité, continue sa politique de colonisation.
En conséquence, le 10 avril 2002, le Parlement européen a voté une proposition de résolution demandant, au regard du non respect de l'article 2 de l'accord d'association, la suspension de cet accord. Le Conseil de l'Union, à l'époque, n'a pas jugé opportun d'accéder à cette exigence.
La Cour Internationale de Justice, le 9 juillet 2004, a également demandé à Israël « de cesser immédiatement les travaux d'édification du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l'ouvrage situé dans ce territoire et d'abroger immédiatement ou de priver immédiatement d'effet l'ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s'y rapportent ».
Pourtant, le 16 juin dernier, lors du huitième conseil d'association entre l'Union européenne et Israël, le Conseil s'est engagé politiquement, à la demande du gouvernement israélien, à rehausser les relations bilatérales avec cet État.
En effet, le gouvernement israélien a transmis à l'Union européenne fin 2007 un document non officiel demandant un « statut spécial » dans le cadre de la politique européenne de voisinage. L'État d'Israël voudrait ainsi participer à plusieurs politiques et programmes communautaires, notamment pour renforcer la coopération technologique et commerciale, mais également participer aux réunions du Conseil ayant trait à l'économie, l'environnement, l'énergie ou la sécurité.
Il faut ici souligner que les négociations autour du contenu possible de ce rehaussement se sont déroulées dans la plus grande opacité jusqu'à ce conseil d'association.
Au moment même où cette demande était examinée et accueillie favorablement lors du conseil d'association, une enquête des parlementaires européens, tous groupes politiques confondus, concluait à l'inopportunité d'ouvrir de telles négociations, au vu de la dégradation de la situation et du non respect des engagements d'Annapolis.
De même, le 3 décembre dernier, le Parlement européen a repoussé le vote sur la participation accrue d'Israël aux programmes communautaires, élément constitutif du rehaussement des relations bilatérales, au motif que la situation humanitaire à Gaza ne se prêtait pas à un rehaussement des relations avec Israël.
Pourtant, contre toute attente, sur initiative du ministre français des affaires étrangères, cette proposition du conseil d'association a été examinée par le conseil « affaires étrangères et relations extérieures » du 8 décembre dernier, qui a affirmé, en guise de conclusion, « la détermination du Conseil à rehausser le niveau et l'intensité de sa relation avec Israël, à la faveur de l'adoption du nouvel instrument qui succédera à l'actuel plan d'action « PEV » », sans toutefois, il faut le souligner, définir quel serait cet instrument.
L'annexe des conclusions du Conseil définit les lignes directrices en vue du renforcement des structures du dialogue politique avec Israël. Elles consistent en l'ouverture du champ des négociations ministérielles, l'ouverture à Israël du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne, la facilitation de l'audition d'experts israéliens par les groupes et comités du Conseil, la systématisation et l'élargissement des consultations stratégiques informelles, l'approfondissement des échanges thématiques, notamment sur les droits de l'homme, l'encouragement d'Israël à s'aligner sur la Politique étrangère et de sécurité commune, la mise en oeuvre d'une coopération de terrain en matière de Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), l'insertion et l'implication d'Israël dans les enceintes multilatérales et enfin l'approfondissement du dialogue inter-parlementaire.
De fait, l'État d'Israël demande un partenariat politique qui n'a jamais été accordé à ce jour à aucun pays au titre de la politique de voisinage.
Sur le fond et par respect des normes de droit internationales et communautaires, il n'est pas envisageable que l'État d'Israël puisse se voir octroyer comme une récompense un statut spécifique de quasi membre de l'Union alors même que, sur le terrain, Israël accélère la construction de colonies, renforce le bouclage des territoires palestiniens, notamment dans la bande de Gaza, et pratique de nombreuses formes de violation des droits de l'Homme.
Les conclusions du Conseil des ministres des affaires étrangères du 8 décembre 2008 sont d'autant plus consternantes qu'au même moment, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, qui regroupe 47 États, adoptait une liste de 99 recommandations à Israël allant de la levée du blocus de Gaza à la libération de prisonniers arabes.
Récemment, une enquête de diplomates européens remise le 18 décembre 2008, consacrée à la situation de Jérusalem-Est, estime notamment que les démolitions sont « illégales au regard du droit international et n'ont aucune justification évidente ».
De plus, en décembre 2008, l'État israélien a engagé une offensive militaire massive contre la population palestinienne dans la bande de Gaza. Cette agression intolérable, condamnée par la résolution 1860 de l'ONU, a fait plus de 1 400 morts dont de nombreux civils, femmes et enfants. De nombreuses associations déplorent aujourd'hui des crimes de guerre et la Cour pénale internationale a été saisie sur ce fondement. Le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies a créé une commission d'enquête sur les crimes de guerre et les violations du droit humanitaire dans le conflit meurtrier de Gaza.
Aujourd'hui, plus de 10 000 prisonniers politiques sont détenus dans les geôles israéliennes, les territoires palestiniens se sont réduits comme peau de chagrin, le « mur de la honte » s'est construit autour de Jérusalem et la bande de Gaza est soumise à un blocus inacceptable qui en fait un territoire totalement bouclé.
Tout processus politique de résolution du conflit a échoué faute d'une volonté forte de la communauté internationale, particulièrement des États-Unis, pour peser en faveur du dialogue et de la reconnaissance effective des deux peuples à vivre en paix.
À ce titre, le rapport d'information de la délégation du Sénat pour l'Union européenne n° 451 du 9 juillet 2008 sur le bilan d'étape de la politique de voisinage indiquait que la généralisation de statuts ad hoc portait le risque de « diluer la solidarité qui peut exister entre l'ensemble des pays voisins, et à compromettre définitivement l'objectif de coopération régionale. Or, la coopération régionale peut être un outil de développement et d'autonomie précieux pour le voisinage de l'Union européenne, tout comme elle peut contribuer à résoudre les conflits gelés. ». Cette conclusion trouve toute sa pertinence lorsque l'on sait à quel point le processus de paix au Proche-Orient est aujourd'hui enlisé.
On peut donc légitimement s'interroger sur la pertinence d'un tel statut privilégié qui viendrait compléter le cadre de coopération établi par l'accord d'association.
En effet, cette volonté délibérée du gouvernement israélien de poursuivre sa politique de colonisation et d'exactions contre les populations palestiniennes, n'appelle certainement pas de félicitations ni d'encouragements de la part de l'Union européenne mais, au contraire, des sanctions ou à tout le moins des pressions. L'Union européenne, avec l'accord d'association, détient cet instrument efficace de pression, notamment par la possibilité ouverte à l'article 2 de l'accord.
Par conséquent, aujourd'hui, l'Union européenne, si elle veut concrètement la relance d'un processus politique menant à un accord de paix, doit dès maintenant exercer la pression nécessaire en suspendant l'accord d'association tant qu'Israël n'aura pas montré des signes tangibles de sa volonté de respecter le droit international, les résolutions de l'ONU et ses engagements pris lors de la conclusion de l'accord d'association.
Dans ce cadre, les ministres européens des affaires étrangères doivent aujourd'hui en tirer les conséquences en gelant tout processus de rehaussement des relations bilatérales entre l'Union européenne et l'État d'Israël et suspendre l'accord de partenariat en raison du non respect de son article 2.
Aujourd'hui, le processus de paix au Proche-Orient doit trouver un soutien efficace des partenaires européens.
L'Union européenne doit enfin jouer un rôle politique majeur dans cette partie du monde pour qu'une paix juste et durable puisse s'établir garantissant la sécurité des deux peuples. La création
d'un État palestinien, dans les frontières définies en 1967, à côté de celui d'Israël, doit rester une priorité politique pour l'Union européenne, notamment au travers de sa politique de
voisinage. [...] "
S'agissant du texte de la résolution lui-même, cf. http://www.senat.fr/leg/ppr08-339.html.