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Publié par Patrice Cardot

Dans un rapport paru en avril 2008 et intitulé : ' La France dans quinze ans : tendances et ruptures, opportunités et risques' (http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/CAE_Prospective2025-avril_modC_3.pdf), le Conseil d'analyse économique (CAE) donne son analyse sur les tendances et les ruptures pour la France à l'horizon de quinze ans (horizon 2025).
Réalisé sur la demande du Premier ministre et du secrétaire d’État à la Prospective et à l’Évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, ce rapport s'inscrit dans le cadre d'une vaste consultation ayant pour objectif de produire un diagnostic stratégique pour les quinze ans à venir, qui décrive les différentes évolutions possibles pour la France, et définisse les moyens d’embrasser les opportunités les meilleures et d’éviter les scénarios les plus sombres : l’exercice de prospective "France 2025" initié par Eric Besson, alors Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique (http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=810) ; ce
t exercice prenant lui-même sa place dans un exercice beaucoup plus global réalisé à l'échelle de l'Union européenne sur l'initiative de la Commission européenne.  

Regards-citoyens.com invite le lecteur à prendre connaissance ci-après des termes de l'introduction de ce rapport.

" [...] L'art de la prospective est particulièrement difficile. La capacité à se projeter à quinze ans est évidemment très différente selon les variables considérées. De ce point de vue, tous les économistes sont forcément marqués par les chiffres les plus récents, ayant beaucoup de mal, pour un certain nombre de variables, à séparer la tendance et les mouvements cycliques. Même pour la démographie, il est difficile de le faire sans être trop impressionné par l'actualité récente.
 La prospective mêle des aspects de prévision, des recommandations concrètes et des affirmations de principe. Elle est donc inévitablement équivoque.
Cet exercice implique de mêler à la fois la prospective et un point de vue normatif. À quinze ans, les politiques publiques n'étant pas stables, il est inévitable et souhaitable d'introduire une part de volontarisme. À titre méthodologique, on essaiera le plus possible de reclasser les affirmations de principe soit du côté des prévisions, soit du côté des recommandations.
Il est probable que la France aura à affronter une multiplication de risques majeurs. Autrefois, dans les exercices traditionnels du Plan, il était possible de partir de risques et d'opportunités dans une gamme bien délimitée. À l'horizon de quinze ans, on pourrait très bien assister à des phénomènes totalement inattendus et jamais observés jusqu'à présent. Qu'il s'agisse du pétrole, des approvisionnements physiques, de la crise financière, de la grippe aviaire, du terrorisme ou du fonctionnement des réseaux d'information, il paraît important de comprendre que le pays pourrait se trouver confronté à des situations critiques, que l'on peut difficilement anticiper.
Un retour en arrière sur une prévision effectuée en 1990 pourrait se révéler fort intéressant. À cette époque, s'agissant des technologies, on ne prévoyait certainement pas la bulle Internet, ni sa montée ni sa descente. Sur le plan géostratégique, on ne devait sans doute pas s'attendre non plus à une arrivée aussi forte de la Chine sur le marché mondial. Personne n'aurait pu penser qu'elle afficherait près de 12 % de croissance annuelle pendant quinze ans de suite ! Enfin, en matière de risques géopolitiques, il était difficile d'anticiper la montée de l'islamisme radical et le terrorisme.
(*) En italiques sera indiqué ce qui pourrait constituer un scénario central et des scénarios alternatifs.
Au fond, il s'agit aujourd'hui de se demander quelle sera la bulle Internet des quinze prochaines années, quel sera le géant de demain et quels seront les nouveaux risques auxquels le monde sera confronté.
Le champ examiné dans ce document ne reprendra que des sujets où la science économique peut être utile. Sans en méconnaître l'importance, les considérations ayant trait à la sécurité des territoires (géopolitique, terrorisme, catastrophes naturelles) ou à l'évolution des pratiques sociétales ne seront pas ou peu abordés.
La France dispose d'un modèle de croissance qui lui est propre. Toutefois, elle est plus que par le passé une nation en forte connexion avec le monde : plus d'un tiers de sa création de richesse est destiné à l'exportation ! Elle participe à la construction d'un ensemble européen et doit à ce titre définir et négocier avec ses voisins de plus en plus de règles communes. Ces éléments peuvent être considérés comme des contraintes excessives ou comme des opportunités pour l'avenir. N'ayant pas nécessairement pris conscience des implications de cette interdépendance avec ce monde en constante évolution et de la place forte mais toujours à consolider qu'elle y occupe, les Français ne savent plus s'il vaut mieux résister en espérant convaincre les autres d'adopter leur modèle ou accepter de le réformer pour éviter d'être marginalisés. Le modèle français date de la fin de la dernière guerre mondiale. Son originalité a permis d'assurer une excellente croissance durant les 30 glorieuses et jusqu'au début des années soixante-dix, mais depuis, il peine à évoluer pour s'ajuster aux modifications de l'environnement de la France. En particulier, la taille de l'État et le poids du secteur public qui l'illustre ne constituent plus aujourd'hui des atouts, notamment s'ils détournent des ressources de l'investissement productif ou s'ils alourdissent la vie économique et la production de richesses (procédures, réglementation excessive...).
Construire des scénarios obéit souvent à des règles simples consistant à partir d'un scénario central reconduisant les tendances historiques et à proposer deux scénarios alternatifs explorant des hypothèses nettement contrastées. On essaiera de résumer le point de vue d'une large majorité de membres du CAE autour de trois scénarios.

Cinq principaux domaines méritent examen pour la définition de scénarios :

1. La mondialisation forge notre environnement économique sur ces dernières décennies. Que penser de la vitesse de cette mondialisation ? Le scénario naturel consiste à supposer une continuation au rythme actuel ou du moins la digestion de l'acquis. Deux scénarios alternatifs peuvent retenir pour l'un une accélération de ce rythme avec le développement des échanges, notamment de services et pour le troisième la concrétisation de tensions mondiales entre zones, économiques ou géopolitiques qui conduirait alors à un retour vers du protectionnisme.

2. L'avenir de l'Europe avec une dimension élargissement et/ou avec une dimension
approfondissement. Trois scénarios sont concevables selon le degré de construction politique de l'Europe, un approfondissement plus marqué avec plus de gouvernance mise en commun, ou à défaut un scénario de participation à la mondialisation avec les outils existants et avec d'éventuels élargissements. Un troisième scénario associé à un monde redevenant plus protectionniste serait un retour à des politiques plus nationales contestant ainsi la pertinence des politiques ou des règles européennes.

3. Le mode de croissance pour la France et sa capacité à saisir les nouvelles opportunités ou ses difficultés à réorganiser ses régulations internes. Un premier scénario retient une mise en oeuvre lente des réformes, notamment sur la coopération enseignement supérieur - recherche - entreprises, culturellement difficile. Un second plus volontariste retient que les recommandations du rapport du CAE Les leviers de la croissance française sont mises en oeuvre avec l'ambition de générer une plus forte croissance. Le troisième scénario suppose que face à la mondialisation, le conservatisme économique réduit fortement la capacité de la France à se placer significativement sur les secteurs nouveaux ou à fort potentiel et qu'elle reste sur la défensive.

4. La place des institutions, des règlements, de l'intervention de l'État (par exemple à travers ses dépenses ou ses prélèvements obligatoires). Le scénario tendanciel serait celui du statu quo avec une stabilisation ou une légère baisse des prélèvements obligatoires. Un scénario alternatif pourrait retenir une évolution de la place de l'État, se recentrant sur ses fonctions régaliennes ou de coordination, avec une réduction des réglementations, moins de nouvelles lois, plus de délégations de compétences, avec une diminution des dépenses publiques et un troisième scénario plus colbertiste avec une présence renforcée de l'État pour assurer plus de sécurité aux citoyens, mais demandant plus de ressources publiques.

5. La dimension sociétale pourrait donner lieu à trois scénarios typés allant de la croissance de pratiques individualistes (ou corporatistes) au renforcement du contrat social. Ceux-ci donnent des poids différents à la valeur travail, au prix du risque et à la place de la solidarité. Un premier scénario reconnaît la force du courant libéral porté par la mondialisation et renvoie à une prééminence de la reconnaissance de la prise de risque comme génératrice de richesses mais également d'inégalités. L'individualisme y est dominant. Un deuxième scénario suppose un renouvellement du pacte social autour de la notion de flexisécurité, et la réforme du système des différents minima salariaux et sociaux. Les inégalités, notamment d'accès à l'emploi, peuvent y être partiellement réduites et la mobilité sociale accentuée. Le troisième scénario fait l'hypothèse que la réforme est encore difficile pour les quinze ans à venir et les dysfonctionnements sociaux sont peu corrigés de peur de mécontenter des segments de la population.

Cinq axes et trois scénarios par axe conduiraient mathématiquement à 243 combinaisons. Il est donc souhaitable de réduire leur nombre.
Les scénarios mondiaux sont exogènes car la France seule a peu de moyens de les modifier.
C'est un peu moins vrai pour les scénarios européens, qui doivent être compatibles avec ceux du monde, mais pour lesquels le rôle historique de la France pourrait permettre de peser sur leur survenance.
Les scénarios plus spécifiques sur la France qui concernent les axes 3, 4 et 5, soit 27 combinaisons, résultent plus de choix publics et de capacité collective à évoluer.

Lors de discussions entre membres du CAE, trois scénarios réduisant drastiquement les vingt sept combinaisons ont été suggérés :
  • le fil de l'eau : scénario tendanciel avec ses risques de marginalisation, d'appauvrissement, de tensions sociales ;
  • le repli sur soi : une réaction anti-globalisation, anti-inégalités, anti-réformes : identité nationale réaffirmée ;
  • l'acceptation du changement : un changement générationnel, un désir profond de faire jouer les lignes, un nouvel esprit plus entrepreneurial.

Le vieillissement de la population constitue un paramètre incontournable de l'évolution des quinze, voire des trente ans à venir. Cette tendance influe sur la plupart des autres évolutions de l'économie.
C'est pourquoi, il sera abordé de façon transversale lorsqu'on traitera de l'économie productive, des finances publiques, des comportements économiques spécifiques, des résistances au changement ... "

 

Cet article est paru une première fois sur ce blog en août 2009.


 

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