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Publié par Ferdinando Riccardi

Liberté de choix. Face aux obstacles qui entravent encore l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la saison des concessions et des compromis devrait être terminée. Cette saison s'est prolongée pendant plusieurs années : depuis la création de la Convention, on n'a fait que çà, négocier et discuter en commun en tenant compte des positions, des objections, des réserves de chacun. Le projet de traité constitutionnel ayant été rejeté dans deux des Etats-membres, certains aspects contestés ont été supprimés. Plusieurs pro-européens estiment qu'on avait même exagéré dans les concessions ; mais en définitive, le résultat, c'est-à-dire le Traité de Lisbonne, a été souscrit par tous les Etats-membres, approuvé par le Parlement européen et ratifié par tous les parlements nationaux à qui il a été soumis. En Irlande, le résultat du référendum a été négatif pour des raisons n'ayant aucun rapport avec le contenu de ce traité, et les Irlandais s'exprimeront à nouveau après la clarification des malentendus. Il n'y a plus rien à négocier, il n'y a plus de place pour d'autres compromis. Ce qui reste à faire, est de savoir qui est d'accord et qui ne l'est pas.

Le choix de chacun demeure entièrement libre : l'intégration européenne ne s'impose à personne. Les gouvernements qui ont souscrit le Traité de Lisbonne sont tous légitimes, tous issus du suffrage universel. Si un pays change d'avis, c'est son droit. Les eurosceptiques se sont organisés au niveau européen et ils seront représentés au Parlement européen (à les entendre, ils visent même la majorité). Si dans un Etat-membre, ils détiennent la majorité, cet Etat sera libre de choisir : soit sortir e l'UE (faculté explicitement reconnue par le Traité de Lisbonne), soit y rester sans participer aux approfondissements que la majorité des Etats-membres estime indispensables. Il n'y aurait rien de nouveau dans ces évolutions. Au départ, les Etats-membres n'étaient que six ; d'autres pays invités avaient préféré ne pas participer à l'aventure, avant de modifier ensuite leur opinion au cours des années. Le peuple norvégien a maintenu son rejet et le peuple suisse a préféré des coopérations sectorielles progressives, ce qui n'a pas empêché des partenariats approfondis et efficaces aussi bien avec la Norvège qu'avec la Suisse. Mais il serait aujourd'hui inacceptable qu'un « non « isolé puisse bloquer de façon définitive les approfondissements de l'intégration décidés en commun près de longues négociations.

Evaluer les enjeux. La règle est que toute innovation soit étudiée et négociée en commun en tenant compte des intérêts de chacun. Le moment arrive où il faut choisir. En Pologne et dans la République tchèque, la ratification parlementaire est achevée mais les présidents respectifs retardent les signatures indispensables. En Allemagne, on attend un nouveau verdict de la Cour Constitutionnelle. En Finlande, on attend que se prononce l'archipel des Iles Aaland. Est-il possible que les quelques milliers d'habitants de cet archipel puissent déterminer l'avenir de l'Europe ? Les raisons des réticences et des oppositions sont parfois minimes. M. Topolànek a eu raison (qui était encore la semaine dernière Premier ministre tchèque et président en exercice du Conseil européen) de rappeler au Sénat de son pays - qui hésitait à approuver le Traité de Lisbonne à cause de rivalités et mesquineries entre partis politiques - quel était l'enjeu pou son pays : le rejet de ce traité le situerait en marge de l'UE en le rejetant à nouveau dans la sphère d'influence de la Russie.

Chacun doit accepter les conséquences de ses choix. Les pressions ne sont licites ni dans un sens ni dans l'autre, mais la clarté est nécessaire. Qui ne croit pas à l'intégration européenne, à sa signification et à ses objectifs, il est normal et même préférable qu'il reste en marge. Je reviens ainsi au point de départ : la saison des atermoiements, des concessions et des compromis est dépassée. Si le Traité de Lisbonne est bloqué, les Etats-membres qui souhaitent approfondir et améliorer l'intégration européenne trouveront la voie pour avancer entre eux, la « différenciation « deviendra la norme. Le respect doit être réciproque : il fait à la fois respecter le choix des Etats-membres qui ne souhaitent pas progresser sur la voie de l'intégration et respecter l'ambition des pays qui estiment indispensable de l'approfondir.

L'Europe faiblement intégrée pourrait même poursuivre son expansion géographique, en se diluant en direction de la Turquie, de l'Ukraine, peut-être même du Maroc et d'ailleurs. Mais personne ne devra ensuite s'étonner si le niveau de solidarité, le caractère des politiques communes, le fonctionnement institutionnel ne seront pas identiques. Chacun doit accepter les conséquences de ses choix.


(Article paru dans l'éditorial de l'édition du Bulletin Quotidien Europe n° 9900 daté du 13 mai 2009)

 

Voir également à ce sujet la série d'articles suivante :

 * De la fragmentation politique d'une Union européenne toujours en quête d'un projet politique clair et d'un leader charismatique (1) - nouvelle édition -

 * De la fragmentation politique d'une Union européenne toujours en quête d'un projet politique clair et d'un leader charismatique (2) - nouvelle édition -

 * De la fragmentation politique d'une Union européenne toujours en quête d'un projet politique clair et d'un leader charismatique (3) - nouvelle édition -

 * De la fragmentation politique d'une Union européenne toujours en quête d'un projet politique clair et d'un leader charismatique (4) - nouvelle édition -

ainsi que les articles auxquels elle renvoie.

 

 

 

 

 

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