Ignoré par certains, craint par d’autres, l’élargissement aux pays d’Europe centrale, ex-communistes, n’a pas été
l’apocalypse annoncé. Au contraire …
Certes dans ces pays, les niveaux de vie restent encore différents. Et les risques d’un certain « dumping » fiscal ou social existent. Mais l’évolution
économique est rapide. Et l’effet de rattrapage est visible. En cinq ans, l’écart entre les niveaux de vie de l’Ouest et l’Est tend à diminuer. Le nombre de délocalisations de l’Ouest vers l’Est
s’est limité. Et le mouvement d’immigration subit un mouvement de balancier. Les « plombiers » Polonais et « médecins » Slovaques rentrent au pays, suivant un même processus que leurs
homologues espagnols ou portugais vingt ans plus tôt. Dire que ces pays menacent l’équilibre communautaire est donc exagéré.
Certes la question du nombre et de la traduction reste un casse-tête permanent. Passer de 11 à 23 langues officielles n’est pas une sinécure. De même,
tenir des réunions à 27 fait perdre beaucoup de convivialité. A raison de quelques minutes par personne, un simple tour de table prend une heure et demie ! Mais politiquement, l’Europe n’a pas
ralenti son rythme d’intégration. Le délai pour adopter un texte européen n’a pas augmenté. Au contraire, le nombre impliquant une discipline plus grande, les experts ont pu noter que le
nombre d’accords en « première lecture » a augmenté. Bref l’Europe ne fonctionne pas plus mal.
Au niveau politique, les dix nouveaux États membres se sont fondus dans le paysage. Peu à peu, ils ont découvert les subtilités et arcanes du jeu
communautaire. Et, comme tous les autres États, plus anciens, ils savent que pour défendre leurs intérêts, il faut avoir des alliés, de préférence de « Grands ». Il n’y a ainsi plus un bloc aussi
compact des « Nouveaux » face aux « Anciens ». Mais des positionnements qui obéissent à une position géographique et u une situation économique. La Slovénie est très proche de l‘Autriche dans sa
préoccupation environnementale ; la Pologne et la Roumanie défendent la politique agricole commune comme la France ; les Tchèques se montrent d’ardents libéralisateurs du marché, comme les
Britanniques, tandis que les Hongrois sont proches d’un modèle social démocrate. Et presque tous luttent pour qu’on ne touche pas aux financements européens, à l’image des Espagnols ou des
Grecs.
Sur certains sujets, l’élargissement a même été un élément de renforcement de l’Europe. Ainsi, face à la Russie, les États ex-communistes apportent une
réelle valeur ajoutée car ils connaissent mieux que quiconque le double jeu russe. Et sans leur présence, nul doute que l’Europe n’aurait pas pu trouver un positionnement aussi ferme. En outre,
leur insistance à sécuriser l’approvisionnement énergétique a été un élément moteur du « paquet climat »., Même en matière militaire, leur présence devient primordiale. Sans la participation des
Polonais, au Tchad, l’opération de l’Europe de la Défense des camps de réfugiés n’aurait pas ainsi été possible. A vrai dire, vu les réticences nombreuses des Britanniques, des Néerlandais ou
même... des Allemands à la construction européenne, il est plus sûr de compter sur les "nouveaux" Etats membres pour faire l'Europe de la Défense, que sur des "anciens".
Dire que l’Europe fonctionne moins bien du fait de l’élargissement relève donc davantage d’un postulat politicien que de la réalité. Si l’Europe paraît en
panne aujourd’hui ce n’est pas la faute des dix nouveaux mais plutôt des anciens qui se chamaillent et n’arrivent plus à faire les pas et les concessions nécessaires. Les sources de blocages sont
davantage à chercher à Berlin, La Haye, Londres… ou Paris qu’à Varsovie ou Bucarest.
(article publié le 25 mai 2009 sur le blog bruxelles2.over-blog.com ainsi
que sur le site de ouest-france.fr)