Huit défis pour demain, par Nicolas Baverez (Le Monde Economie)
Le capitalisme mondialisé, après avoir frôlé l'effondrement en 2008, devrait conjurer le risque de dépression en
2009 grâce à la relance aux Etats-Unis et en Chine. Mais il est illusoire d'espérer le retour de la croissance intensive du dernier quart de siècle. Huit défis domineront l'après-crise.
1. La croissance faible. L'économie mondiale, qui se développait à un rythme annuel de 5,2 % avant la crise, devrait renouer, en 2010, avec une croissance lente, de l'ordre de
2,5 % par an. L'activité restera durablement molle dans les pays développés en raison du désendettement des ménages, de la restriction du crédit durant la reconstitution des fonds propres des
banques et de la normalisation des politiques monétaire et budgétaire.
2. Le chômage de masse. Depuis 2007, les Etats-Unis, l'Europe et le Japon comptent plus de 10 millions de chômeurs supplémentaires. Le taux de chômage devrait y demeurer autour
de 12 %. La reprise sera trop faible pour créer de nouveaux emplois. Un chômage durable va s'installer, comme dans les années 1970.
3. L'hyper dette des Etats. La dette publique approchera 100 % du produit intérieur brut dans la plupart des pays développés dès 2012. La déflation n'a pas été enrayée qu'au prix
d'un vaste et dangereux transfert des dettes du secteur financier vers les Etats. A terme, seul un délicat équilibre entre la croissance, les hausses de prélèvement et l'inflation pourra réduire
la dette publique.
4. La bulle financière des banques centrales. C'est en abaissant leur taux d'intérêt de 4,60 % à 1,25 %, en injectant massivement des liquidités et en rachetant des titres et du
papier commercial que les banques centrales ont répondu à la crise. Le bilan de la Réserve fédérale américaine est ainsi^passé de 850 milliards, à 45000 milliards de dollars (3250 milliards
d'euros), dont les deux tiers sont constitués d'actifs toxiques. Les banques centrales sont devenues de gigantesques fonds spéculatifs, qui ne pourront plus jouer leur rôle de prêteur en dernier
ressort tant que leur bilan n'aura pas été assaini.
5. L'inflation. Réduite à 1,5 %, elle restera limitée à moyen terme par les surcapacités et le chômage de masse. Mais la monétisation des déficits publics par les banques
centrales reste porteuse d'une forte inflation différée.
6. Le système monétaire international. La sous-évaluation des monnaies émergentes, la non-convertibilité du yuan - la devise chinoise - ont joué un grand rôle dans les déséquilibres mondiaux. La suprématie du dollar est menacée, mais ni l'eUrope ni la Chine ne réunissent les conditions qui feraient de leur devise une monnaie de réserve : déficit de la balance des paiements, forte croissance potentielle, Etat de droit, capacité de projection de puissance.
7. La conversion des modèles économiques. Le retour à une croissance stable et mieux équilibrée mondialement passe par une réindustrialisation basée sur l'économie de la connaissance au Nord, et par la mise en place de systèmes de protection sociale au Sud, seuls à même de dynamiser la demande intérieure.
8. La politique économique. La question monétaire a joui d'un primat absolu dans la politique
économique, et porte une responsabilité majeure dans la crise. Il faut réhabiliter des politiques budgétaire, fiscale, industrielle, déployées au plan international pour doter la mondialisation
d'institutions et de règles.
Article paru dans l'édition du Monde Economie daté du 3 juin 2009.