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Publié par Patrice Cardot

Le terrorisme et les catastrophes naturelles ou d'origine humaine figurent au cœur des défis pour la sécurité à l'intérieur des frontières de l'Union auxquels le traité tente d'apporter des réponses européennes appropriées, que ce soit au travers des politiques et actions que mène l'Union dans le cadre de l'Espace de liberté de sécurité et de justice (ELSJ) ou au travers de celles qu'elle mène dans le cadre de son action extérieure, en particulier au travers de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et de la clause de solidarité.

A - Prévention et lutte contre le terrorisme

Parmi les réponses inscrites au traité figurent la prévention et la lutte contre le terrorisme.

Une telle innovation a été favorisée par la prise en compte par l'ensemble des acteurs de la communauté internationale de la nécessité d'agir collectivement contre ce nouveau défi majeur aussi bien pour la sécurité internationale et la stabilité stratégique, pour la stabilité nationale et régionale, pour la sécurité nationale et régionale, la sécurité intérieure ainsi que pour le fonctionnement de l'économie globalisée, de l'Etat de droit et de la démocratie. Pour autant, la place qu'accorde le traité au « terrorisme » semble quelque peu surdimensionnée par rapport à celle que le traité réserve à d'autres dimensions de l'insécurité inhérente à la globalisation stratégique, économique et financière qui sont tout aussi problématiques en regard des enjeux de prospérité économique, de stabilité, de sécurité et de démocratie.

Quelle est la définition du terrorisme qui doit faire foi au sein de l'Union, dans la double perspective des activités de l'Union relevant du domaine de l'espace de Liberté, de Sécurité et de Justice qui y ont trait et de la mise en œuvre de la clause de solidarité ?

En l'état actuel du droit européen, la qualification d'acte terroriste relève d'une décision de justice prise dans le cadre pénal, un tel acte constituant un crime passible des procédures et des sanctions pénales. A ce titre, les actions proposées, initiées, mises en oeuvre par l'Union qui sont relatives à la prévention et à la lutte contre le terrorisme sur le territoire de l'Union, relèvent aujourd'hui du droit de l'Union établi dans le cadre du troisième pilier (JAI) et relèveront, dès la mise en œuvre du traité de Lisbonne, des dispositions du droit de l'Union qui sera établi dans le cadre du Titre V « espace de liberté, de sécurité et de justice » de la Troisième Partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relative aux politiques et actions internes de l'Union.

Pour autant, la définition de « l'acte terroriste », qui ne fait l'objet d'aucun consensus ni au niveau international, ni même à celui de l'Union, a donné lieu à une première tentative dans une décision du Conseil prise dans le cadre PESC (Cf. la position commune 2001/931/PESC du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme), aux seules fins de ladite position commune, puis à une seconde au travers de la décision cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme, par laquelle l'Union a établi la définition des « infractions terroristes » (laquelle a fait depuis la rédaction de ce traité l'objet d'une révision dans le cadre des travaux du Conseil JAI).

Or, si l'on s'en tient aux définitions établies à ces occasions, il semble difficile de distinguer d'une part, entre terrorisme domestique et terrorisme international, et, d'autre part, entre terrorisme à visées politiques, terrorisme à visées criminelles et terrorisme à visées stratégiques.

A cet égard, la France, qui a été très tôt victime du terrorisme, a dû et su imaginer dès le milieu des années 80 une réponse spécifique. Elle a fait le choix de répondre à ce défi majeur, « en donnant des droits exceptionnels et dérogatoires à la puissance publique, tout en restant dans un cadre protecteur des libertés individuelles, sous le contrôle des magistrats, tout en évitant les législations d'exception et le recours à des opérations ou à des pratiques illégales. ... [Cette réponse est] fondée sur le primat de la détection précoce des réseaux terroristes, très en amont de l'organisation d'attentats : l'utilisation de l'incrimination de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ainsi que l'absence de frontières étanches entre services de renseignement et dispositif judiciaire sont des atouts qui expliquent en grande partie les succès de la France dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. »

Pour autant, face aux mutations du terrorisme international, le Gouvernement français a jugé utile de donner de nouveaux outils aux services de la lutte contre le terrorisme, particulièrement pour leur permettre de détecter plus en amont les réseaux terroristes, en dehors de toute commission d'infraction.

Avant la conclusion de ce nouveau traité, c'est sur ces mêmes choix politiques fondamentaux que se sont réunis les Etats membres et les institutions de l'Union pour définir leurs positions communes en pareille matière, y compris au travers du document du Conseil établissant les bases de la stratégie européenne de Sécurité.

Dans la perspective de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil JAI s'emploie à clarifier les conditions d'un approfondissement de la coopération en vue de la prévention des infractions pénales et des enquêtes en la matière, y compris pour les infractions terroristes, à la faveur de l'exercice qui vise à l'intégration du traité de Prüm dans le cadre légal communautaire. De même qu'il s'emploie à clarifier les conditions et les modalités de transmission de données personnelles (ADN, empreintes digitales, immatriculation des véhicules, etc.) en liaison avec des manifestations de grande envergure revêtant une dimension transfrontalière qui sont potentiellement susceptibles de porter atteinte à l'ordre ou à la sécurité publique.

Pour le moment, en l'absence d'indications précises quant aux orientations que retiendra le Conseil européen pour la mise en œuvre de la politique de Sécurité sur le terrain du terrorisme, les citoyens européens, leurs représentants politiques et l'ensemble des observateurs internationaux ne sont pas en mesure d'apprécier si l'Union confirme, ou remet en cause, la position politique du Conseil européen selon laquelle l'Union a pris le parti politique de « lutter contre le terrorisme », notamment sur son propre territoire, et non celui de « faire la guerre - totale - contre le terrorisme » qui figure au centre de la stratégie américaine de Sécurité nationale, qui pourrait figurer demain non seulement au cœur du nouveau concept stratégique de l'Otan, au regard des opérations menées dès aujourd'hui en la matière par l'Alliance sur des théâtres extérieurs lointains, mais également au cœur des doctrines de sécurité nationale des Etats membres en cours de finalisation.

Le risque de multiplication de ces définitions, outre le fait qu'elle porte atteinte au principe de sécurité juridique selon lequel les destinataires d'une norme de droit doivent être en mesure de la comprendre, et de bénéficier d'une certaine prévisibilité quant aux objectifs, aux conditions, aux modalités et aux effets de son application, rend particulièrement complexe l'établissement des décisions requises pour la mise en œuvre de la clause de solidarité en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle ou d'origine humaine sur le territoire d'un Etat membre objet de l'article 222 TFUE.

Les dispositions de cet article qui rendent juridiquement possible un éventuel recours aux moyens civils et militaires de l'Union et des autres Etats membres si l'Etat qui en serait victime en formule la demande, comme les dispositions de l'article 43 TUE qui stipulent que « [toutes les missions visées à l'article 42, paragraphe 1 du TUE] peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire. » soulèvent à cet égard les mêmes interrogations que celles relatives à la sécurité nationale ; notamment quant à la nature du cadre et des modes d'action à partir desquels s'exercera une telle solidarité entre Etats dans l'hypothèse où l'Union devrait réagir à une attaque terroriste sur le territoire de l'un de ses Etat membres (cf. infra). Car dans ce domaine comme dans d'autres, la prévention, l'action et la réaction doivent être proportionnées à la nature, à l'origine, à la probabilité d'occurrence et à l'intensité de la menace.

En tout état de cause, lorsque l'on se trouve placé devant un traité qui multiplie la référence à des concepts dont la signification et la portée ne sont ni harmonisées ni homogènes selon le domaine où ils sont utilisés, interroger leur origine constitue en soi une nécessité première qui ne semble pas avoir été prise en compte par les rédacteurs du traité.

Alors que la notion de « sécurité européenne » est absente du traité, et que ce dernier omet toute référence à la « stratégie européenne de sécurité », l'introduction des notions de « sécurité nationale » et d'« agression armée d'un territoire » qui ne font l'objet d'aucune définition commune en Europe, comme la variété des qualificatifs attachés aux notions d'intérêts et d'objectifs, suffisent à elles-seules à illustrer cette nécessité.

Un tel manquement juridique ne saurait rester sans effet sur les marges d'initiatives de l'Union elle-même comme de ses Etats membres induites par la possibilité d'interprétations différenciées en l'absence de clarification formelle par la Cour de Justice de l'Union européenne ; un vide qui porte gravement atteinte à la portée juridique immédiate des éléments du droit primaire établi par le traité qui visent à offrir aux citoyens de l'Union des garanties juridiques communes pour la protection des valeurs fondamentales visées à l'article 2 TUE sur lesquelles se fondent l'Union (cf. notamment les dispositions de l'article 7 TUE qui sont consacrées au cas spécifiques où non seulement il existerait un risque de violation de ces valeurs par un Etat membre, mais où l'existence d'une tel risque serait effectivement constatée).

Comment décider du cadre institutionnel pertinent pour la mise en œuvre de la clause de solidarité dans l'éventualité d'une attaque terroriste sur le territoire de l'Union ?

Selon l'article 222 TFUE, l'UE mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les Etats membres, pour :

  - prévenir la menace terroriste sur le territoire des Etats membres ;

  - protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une éventuelle attaque terroriste ;

  - porter assistance à un Etat membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d'une attaque terroriste ;

  - porter assistance à un Etat membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine.

Bien que, conformément à l'article 4 TUE, « en vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités », plusieurs options semblent rendues possibles :

  - recourir au cadre spécifique de la PESC pour agir (en vertu notamment des dispositions de la clause d'assistance mutuelle qui figure au paragraphe 7 de l'article 42 TUE),

  - agir dans le cadre de l'ELSJ, en prenant appui sur l'une ou l'autre base juridique attachée à la sécurité nationale et/ou à la sécurité intérieure,

  - agir sur une base nationale dans le cadre des dispositions idoines de la Charte des Nations Unies, et du droit international dérivé (résolutions du Conseil national de Sécurité, conventions internationales, etc.),

  - agir sur une base internationale soit au travers de l'Otan dans le cadre de l'article V du traité de l'Atlantique Nord, soit au travers de l'UEO dans le cadre de l'article V du traité de Bruxelles modifié (hypothèse incontestablement la moins probable).

Le choix entre ces diverses options tient à l'absence de clarification quant aux définitions communes à tous les acteurs pertinents de l'Union de ce que recouvrent les concepts de « sécurité européenne », de « sécurité nationale », d'« acte d'agression », et de « terrorisme » (lesquelles auraient pu/dû être établies dans une déclaration interprétative du Conseil européen figurant soit en marge soit dans le traité).

Dans le cas spécifique de la mise en œuvre effective de la clause de solidarité dans de telles situations, ce sont bien évidemment l'ensemble des fonctions stratégiques d'« anticipation et connaissance », de « prévention », de « dissuasion »,  de « protection » et d'« intervention » qui doivent être mobilisées pour savoir, comprendre, prévenir, dissuader, protéger et réagir avec l'efficacité requise ; dès lors, l'activation des dispositions des articles 73 et 74 TFUE pourraient permettre au Conseil de transmettre au Conseil européen les éléments qui lui sont indispensables pour procéder à une évaluation régulière des menaces auxquelles l'Union est confrontée conformément aux dispositions de l'article 222 TFUE.

Afin que l'Union puisse disposer des éléments qui lui sont nécessaires pour statuer en connaissance de cause, lorsque la situation l'exigera, les institutions européennes compétentes doivent engager sans délai une réflexion approfondie à cet égard, et prendre les décisions pertinentes qui en découleront quant aux modes opératoires sur lesquels l'Union s'appuiera pour combattre les diverses formes de terrorisme évoquées ci-dessus de manière proportionnée et efficace (conformément à l'article 32 TUE).

B - L'UE face aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine

Face aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine, l'UE propose deux types de réponses faisant l'objet de dispositions distinctes dans le traité : la clause de solidarité objet de l'article 222 TFUE ainsi que les dispositions relatives à la protection civile de l'article 196 TFUE.

La mise en œuvre de la clause de solidarité dans le cas où un Etat membre solliciterait l'intervention de l'Union dès lors qu'il aurait été victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine doit être examinée à la lumière des dispositions du traité relatives à la sécurité nationale dans la mesure où la sécurité civile - qui est le principal registre sécuritaire en jeu dans ces cas d'espèces - en constitue un registre particulier, et non à la lumière de celles relatives à sa seule fonction « protection civile » quand bien même les rédacteurs du traité ont élargi l'objet des dispositions de l'article 196 TFUE à la fonction de « prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine », autre fonction stratégique de la sécurité civile.

Dans le cas spécifique de la mise en œuvre effective de la clause de solidarité dans de telles situations, ce sont bien évidemment l'ensemble des fonctions stratégiques d'« anticipation et connaissance », de « prévention », de « protection » et d'« intervention » qui doivent être mobilisées pour savoir, comprendre, prévenir, protéger et réagir avec l'efficacité requise face aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine ; dès lors, l'activation des dispositions des articles 73 et 74 TFUE pourraient permettre au Conseil de transmettre au Conseil européen les éléments qui lui sont indispensables pour procéder à une évaluation régulière des risques, notion clé qui ne figure pourtant pas dans le texte (et non pas des menaces dans ce cas précis) auxquelles l'Union est confrontée conformément aux dispositions de l'article 222 TFUE.

Là encore, l'absence de définitions précises de ce que recouvrent respectivement pour l'ensemble des Etats membres et des institutions de l'Union la sécurité civile et la protection civile risque d'induire des difficultés importantes lorsque le Conseil devra définir les modalités de mise en œuvre de cette clause de solidarité dans le cas où un Etat membre solliciterait l'intervention de l'Union dès lors qu'il aurait été victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine.

Sans attendre le mise en œuvre hypothétique du Traité de Lisbonne, le Parlement européen, soucieux que ne se répète le scénario de l'été 2007 marqué par des feux de forêts dévastateurs dans le sud-est de l'Europe, vient d'inviter instamment la Commission européenne à améliorer les instruments à la disposition de l'Union pour parfaire sa capacité de réponse aux catastrophes naturelles, voire en adopter de nouveaux si besoin en est pour couvrir la totalité du cycle des catastrophes, de la prévention à la réhabilition (c'est-à-dire au-delà de ce qu'elle a su faire dans le cadre des catastrophes d'origine humaine avec l'établissement des directives dites « Seveso »), et ce, avec les pouvoirs dont elle dispose en l'état actuel des traités. En invitant la Commission européenne à présenter de toute urgence, et au plus tard à la fin de 2008, des propositions - y compris des propositions législatives contraignantes - concernant la prévention des catastrophes dans l'Union et une stratégie européenne de réaction aux risques de catastrophes dans les pays en voie de développement, le Parlement européen offre une belle illustration de l'interprétation qu'il réserve aux pouvoirs et responsabilités que confère à l'Union l'attribution par les Etats membres d'une compétence à mener des actions d'appui, de complément ou de coordination.

Cette situation soulève des questions qui appellent des réponses aussi précises qu'urgentes que les présidences successives de l'Union devront inscrire à l'ordre du jour des travaux du Conseil avant la mise en oeuvre effective des dispositions du traité concernées afin de permettre à l'Union comme à ses Etats membres d'agir de manière légitime et efficace tout au long de la chaîne de responsabilités.

Dès lors que le traité ne confère aucune compétence explicite à l'Union en matière de « sécurité civile », autre qu'une compétence pour mener des actions d'appui, de coordination et de complément pour sa composante « protection civile », quel type de procédure doit être retenu pour entreprendre la définition des modalités de mise en œuvre de la clause de solidarité ? Par quelle formation du Conseil une telle définition peut-elle être entreprise : la formation « affaires étrangères », la formation « affaires générales » ou la formation « ELSJ » ? A partir de quels comités et organes de l'Union ?

Peut-on recourir à la procédure législative ordinaire pour établir les mesures nécessaires pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 de l'article 196 TFUE relatif à la protection civile telle qu'elle est visée audit article, et à un type de procédure différent pour entreprendre les initiatives relatives au déploiement des autres fonctions stratégiques ?
Autant de questions qui devront avoir reçu des réponses précises avant la mise en oeuvre effective du Traité de Lisbonne. 

Cet article a été publié sur ce blog en juin 2009.

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