Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !
14 Août 2023
Cet article a pour objectif de faire connaitre le philosophe libéral américain John Rawls à partir d'un article
intitulé "Le voile d'ignorance" qui lui a été consacré par Luc de Brabandere et Stanislas Deprez sur le site lalibre.be (http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/428359/le-voile-d-ignorance.html), et dont voici les principaux éléments.
" John Rawls naît le 21 février 1921 à Baltimore, aux Etats-Unis. Enrôlé comme soldat pendant la Seconde
guerre mondiale, il est marqué par la catastrophe de la bombe atomique à Hiroshima. Il quitte alors l'armée et passe un doctorat de philosophie morale à l'université de Princeton, où il devient
professeur. Il enseigne ensuite à Oxford, à Cornell, au MIT et enfin à Harvard, où il restera jusqu'à la fin de sa carrière. Dans les années 1960, il mûrit le projet d'un livre qui paraît en 1971
sous le titre de "Théorie de la justice". L'ouvrage est une révélation, au point d'être le traité de philosophie le plus lu du XXe siècle. Rawls y renouvelle complètement la philosophie
politique. On lui doit aussi notamment "La Loi des peuples" (1995), une théorie sur la justice internationale. John Rawls meurt le 24 novembre 2002.
Dans sa "Théorie de la justice", Rawls veut fonder une morale sociale qui équilibre la liberté de chacun et la solidarité
entre tous. Avec les libéraux et contre les utilitaristes, il refuse la soumission des individus au groupe, à la loi du plus grand nombre. Mais contre les libéraux, il soutient que la liberté
individuelle ne dispense pas de s'occuper de ses concitoyens. En outre, Rawls ne se contente pas de déterminer ce qui est juste dans telle société donnée. A la suite de Kant, il veut établir les
fondements de toute société qui cherche à être juste. Pour cela, Rawls énonce deux principes [qui s'apparentent quelque peu aux principes économiques de Maurice ALLAIS]
:
1. Toute personne a un droit
égal à l'ensemble le plus étendu de libertés fondamentales égales qui soit compatible avec un ensemble de libertés pour tous. Ce "principe de liberté" stipule qu'il faut augmenter le plus
possible les libertés de chacun, la seule limite étant que la liberté d'une personne entraîne la perte de liberté de quelqu'un d'autre. Ce principe est essentiel, mais il ne peut suffire à faire
une société juste, car en pratique, toutes les sociétés engendrent des inégalités. Pour Rawls, celles-ci sont même une bonne chose, à condition qu'elles favorisent l'équité. D'où le second
principe.
2. Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire deux conditions : elles doivent être (a) au plus grand bénéfice des membres les
moins avantagés de la société ; et (b) attachées à des fonctions et positions ouvertes à tous dans des conditions d'égalité équitable des chances. Par ce "principe de différence", Rawls affirme
que les inégalités doivent être au service des plus pauvres et que toutes les fonctions (poste de travail, fonction politique...) doivent être ouvertes à tous (à compétences égales).
Prenons un exemple. Un chef d'entreprise souhaite
engager un informaticien. Or, il se trouve que son fils est justement programmeur. Le patron peut-il engager son fils sans autre procédure ? Non, car il ne respecterait pas l'égalité des chances
de tous. Pour être juste, il doit faire un appel d'offre et engager l'informaticien le plus compétent. Et si deux candidats sont aussi bons l'un que l'autre, le premier étant sans travail et le
second ayant déjà un emploi ? L'employeur doit engager celui qui est le moins avantagé par la société, c'est-à-dire celui qui est chômeur.
Ces principes peuvent paraître très rigoristes, voire inapplicables en réalité. Ils paraissent aussi restreindre fortement la liberté de choix
des individus. Pourquoi un patron n'aurait-il pas le droit d'engager son fils dans sa propre entreprise ?
Pour faire saisir son idée de la justice, Rawls imagine une fiction : des individus, libres et égaux, doivent inventer les principes selon
lesquels ils vont vivre ensemble. Ils peuvent choisir n'importe quel système mais sans savoir quelle place ils y occuperont (c'est ce que Rawls nomme la fiction du voile d'ignorance). S'ils
décident que la moitié d'entre eux seront les esclaves des autres, ils se donnent une chance sur deux d'être maîtres, mais aussi une chance sur deux d'être serviteurs. Ils peuvent décider d'être
tous rigoureusement égaux, mais peut-être entreront-ils dans la société avec un handicap physique, qui ne leur permettra pas de subvenir seuls à leurs besoins. Avec ce voile d'ignorance, Rawls
soutient que chacun cherchera à se protéger du pire et voudra donc limiter la liberté individuelle par des règles favorisant la solidarité et l'aide aux moins avantagés. Soit précisément ce que
Rawls propose avec ses deux principes. "