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Publié par Jean-Guy Giraud

En prévision des travaux du Conseil sur les processus d'élargissement et d'association dont ce blog rend compte par ailleurs des conclusions (cf. Council conclusions on Enlargement and the Stabilisation and Stabilisation and Association Process (Brussels, 17 December 2013)), la Commission européenne a publié le 16 octobre 2013 sa communication annuelle sur "la stratégie d'élargissement" de l'UE (NDLR Regards-citoyens.com : à propos de l'élargissement de l'UE, le lecteur est invité à consulté le site qu'y dédie la Commission européenne : http://ec.europa.eu/enlargement/countries/strategy-and-progress-report/index_fr.htm).

En fait ce document est essentiellement un rapport détaillé et factuel sur l'avancement des négociations "en vue de l'adhésion à l'UE" de 6 pays des Balkans (1) et de la Turquie.
Comme ses précédents, ce rapport est passé pratiquement inaperçu des milieux politiques communautaires et nationaux ainsi que de la presse. 
Il appelle pourtant les remarques suivantes :
1. Il n'est nullement fait mention d'une quelconque "stratégie" d"élargissement : pour la Commission, les 7 États concernés intègreront l'UE dès qu'ils satisferont aux 3 "critères de Copenhague" . Le Conseil européen a réglé une fois pour toute la question de l'opportunité de ces adhésions dans ses "décisions" de 2003. Le rapport ne mentionne pas l'éventualité et l'opportunité de nouvelles candidatures qui pourraient s'ajouter à cette liste, notamment celles des 5 États du "Partenariat Oriental" (2) dont la "vocation européenne" est pourtant régulièrement rappelée par la Commission. De même le cas particulier de l'Ukraine est passé sous silence. La Commission s'en tient à une approche "au cas par cas" visant les seuls 7 États candidats ouquasi-candidats. Elle en s'abstient de considérer la question de l'élargissement dans son ensemble. La configuration finale (?) d'une UE de 28 + 7 + 5 + 1 = 41 États membres n'est ni mentionnée ni encore moins analysée. 
2. Les cas des 6 États des Balkans sont examinés de façon parallèle sans distinguer clairement le cas des seuls candidats officiels (Montenegro et Serbie) de celui des 5 autres États dont la candidature n'a pas encore été officialisée : pour la Commission, ces futures candidatures sont implicitement considérées comme acquises.
3. La Commission se borne à examiner factuellement dans quelle mesure les sept États concernés remplissent les critères de Copenhague sur les plans de l'économie, de l'état de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux. Une importance particulière est accordée à ce dernier critère et notamment aux questions du traitement des Roms et des minorités sexuelles.
4. La Commission ignore totalement le quatrième critère de Copenhague, en l'occurrence la "capacité d'intégration de l'UE" c'est à dire sa capacité à assimiler de nouveaux membres tout en poursuivant son processus d'intégration. Ce critère vise à apprécier "dans quelle mesure de nouvelles adhésions sont compatibles avec le fonctionnement efficace des Institutions et des procédures décisionnelles de l'Union - et ne remettent pas en cause les politiques communes et leur financement". 
Parmi beaucoup d'autres, les problèmes suivants ne sont donc pas abordés :
    - comment pourrait fonctionner un Conseil de 35 (voire 41) États membres (où chacun conserverait un droit de veto sur les questions importantes) - et une Commission de 35 ( (voire 41) membres, le Conseil européen ayant décidé en Juin 2013 ne ne pas en limiter le nombre ?
    - comment pourraient être gérées et, surtout financées, des politiques communes telles que l'Euro, la PAC, les fonds structurels, la PESC, etc ... dans une UE ainsi élargie à des États peu développés ?
    - quelle incidence aurait sur l'UE - déjà très disparate - l'adhésion de 6 nouveaux "petits" États des Balkans ?
    - quel impact politique aurait - à l'inverse - l'adhésion d'un "très grand" État tel que la Turquie (75 millions d'habitants) mais aussi, éventuellement, d'un "grand" État tel que l'Ukraine (45 millions) ? 
    - quel impact géo-politique pourrait avoir un tel élargissement de l'UE vis à vis des grandes puissances limitrophes - et notamment vis à vis de la Russie (expressément opposée, par exemple, à l'entrée des pays du partenariat oriental et de l'Ukraine dans le giron de l'UE) ?
    - quelle unité politique et même économique un tel ensemble hétérogène (qui passerait de 500 à 650 millions de citoyens) pourrait-il établir et maintenir ? Quel "affectio societatis" pourrait-il conserver ? Pourrait-il même garantir le maintien de relations pacifiques entre ses propres membres ?
Voilà, en quelques mots, les principales questions qu'une véritable "Communication sur la stratégie d'élargissement" de l'Union aurait dû aborder. 
On objectera que ce type de communication annuelle sur les négociations d'adhésion est d'une toute autre nature - essentiellement technique et délibérément a-politique. 
Certes. Mais il faudrait alors lui donner un intitulé plus modeste et se demander quelle autorité (sinon la Commission) abordera enfin les questions véritablement "stratégiques" évoquées ci-dessus ? 
La désaffection croissante de l'opinion publique vis à vis de la construction européenne est certes aggravée par la crise. Mais elle est aussi provoquée par le processus indéfini, incontrôlé et finalement anxiogène d'élargissement qui entraine une perte de repères politiques, géographiques, culturels de la population. Les concepts d'unité et de solidarité européennes en sont fortement ébranlés. 
Les citoyens européens pourraient bien manifester leur désarroi ou leur réprobation à l'occasion du scrutin européen de 2014. 
 
Voir également à ce sujet :
 * Un rapport recommande une ' troisième voie ' pour les futurs élargissements de l'Union européenne     
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