Au Proche-Orient, la crédibilité de Tony Blair est remise en question, par Laurent Zecchini (Le Monde)
Les Palestiniens accusent l'envoyé du Quartet (en anglais, " Quartette ") de parler " comme un diplomate israélien ".
Oui, Tony Blair est au courant du fait que " certains Palestiniens critiquent son [manque d'] impartialité en tant que représentant du Quartet " pour le Proche-Orient, qui réunit les Etats-Unis, l'Union européenne, les Nations unis et la Russie, mais " non, nous n'avons pas connaissance d'une plainte de l'Autorité palestinienne ", et " ce n'est donc pas un sujet pour nous ", a indiqué au Monde, mardi 4 octobre, Matthews Doyle, porte-parole de M. Blair.
Sans être nouvelles, ces critiques se sont multipliées depuis l'initiative lancée le 23 septembre par le Quartet pour tenter de faire revenir Israéliens et Palestiniens à la table des négociations (cf. Quartet statement sets out timetable for resumption of credible negotiations ). Elles se fondent sur le rôle joué par l'ancien premier ministre britannique, accusé de se faire le porte-parole des positions défendues par les Israéliens et les Palestiniens.
Interrogé mardi soir, Nabil Chaath, qui préside la commission des affaires étrangères du Fatah (part qui contrôle l'Autorité palestinienne), nous a confirmé que la direction palestinienne " n'a pas encore engagé de démarche officielle. A ce stade, il s'agit d'un sentiment grandissant de déception s'agissant de son rôle ", souligne-t-il.
Ce qui n'empêche pas plusieurs dirigeants palestiniens, pour qui la crédibilité personnelle est compromise, de souhaiter son remplacement. " Il s'exprime comme un diplomate israélien ", observe M. Chaath. Cette méfiance s'est accrue depuis la réunion du Quartette du 11 juillet. Deux versions du communiqué étaient alors en présence, l'une proposée par les Etats-Unis, l'autre par l'Union européenne, les Nations unies et la Russie.
M. Blair a défendu la proposition américaine, laquelle se calquait sur la position israélienne, visant à considérer, visant à considérer Israël comme " un Etat juif et la patrie du peuple juif ", et à refuser la reconnaissance d'un Etat palestinien aux Nations unies.
Les Palestiniens savent que la voix des Etats-Unis est prépondérant au sein du Quartet. Créé en 2002, ce groupe de contact donne une fausse impression de concertation internationale : dans les faits, il est la feuille de vigne de la volonté des Etats-Unis, protecteur sans faille des intérêts d'Israël. Il n'est donc pas étonnant que les Palestiniens fassent preuve de méfiance de sa dernière initiative.
Si les deux parties y ont officiellement fait bon accueil, leur réponse commune s'apparente à un " oui, mais ...". Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, feint de croire que le Quartet s'est prononcé pour des négociations directes " sans préconditions ", c'est-à-dire sans gel de la colonisation. Mais il avance plusieurs réserves, exigeant notamment que les Palestiniens renoncent dans l'immédiat à demander la reconnaissance de leur Etat par l'ONU.
De leur côté, les Palestiniens veulent obtenir des " clarifications ", l'une d'elles étant de savoir si le Quartet accepte que les négociations s'engagent sur la base des frontières de 1967. Ils exigent en outre un arrêt total de la colonisation. " Nous attendons la réponse du Quartette, explique Ghassam Khatib, porte-parole de l'Autorité palestinienne, parce que nous ne pouvons pas nous contenter de sa déclaration ambiguë. Cette ambiguïté se poursuit depuis vingt ans, il faut en sortir ! ".
Le scepticisme des Palestiniens a été renforcé par les réactions au feu vert donné, le 27 septembre, par le gouvernement israélien à la construction de 1100 logements dans la colonie juive de Gilo, à la périphérie de Jérusalem-Est.
La condamnation internationale a été unanime, mais somme toute timide. En mars 2010, une décision similaire, dans la colonie de Ramat Shlomo, avait provoqué une crise diplomatique israélo-américaine. Cette fois-ci, rien de tel. Les Palestiniens y voient le signe que M. Obama, engagé dans la campagne présidentielle pour sa réélection, a renoncé à exercer la moindre pression sur Israël.
Voilà qui ne les encourage pas à faire confiance au Quartette. Ni à Tony Blair.
Voir également :
* Tony Blair au centre de l'échiquier proche-oriental
* http://www.lexpress.fr/actualite/monde/le-double-jeu-de-tony-blair-au-proche-orient_1035467.html