Bercy juge assez faible l'impact financier des mesures invalidées par les Sages.
Si le Conseil constitutionnel a validé dimanche quelques mesures-phares du budget 2014 (dont la taxe à 75% pour les hauts revenus), il
a censuré 24 articles sur les 236 que comptent le budget 2014 et la loi de finances rectificative pour 2013, soit environ 10% des articles des deux textes.
Selon le gouvernement, l’impact budgétaire de ces décisions est faible. Pour Bercy, «les censures opérées portent
essentiellement sur des cavaliers ou des amendements techniques mais les dispositions relatives à la politique économique du gouvernement sont validées.»
Plafonnement de l’ISF, dérogation corse sur les droits de succession, emprunts «toxiques» des collectivités, taxe Buffet sur les
retransmissions sportives: voici détaillées les principales dispositions censurées dimanche par le Conseil constitutionnel.
Plafonnement de l'ISF
Pour éviter qu’un contribuable paye au fisc plus de 75% de ses revenus annuels, un plafond a été créé à l’impôt de solidarité
sur la fortune, acquitté par environ 300 000 personnes en France. C’est la manière de calculer le total des revenus du contribuable qui a encore une fois cette année été contestée par le
Conseil constitutionnel. Le gouvernement souhaitait en effet que soient pris en compte, en plus des rémunérations et éventuelles plus-values constatées, les plus-values particulières générées
année après année par un contrat d’assurance-vie en euros. Mais pour le Conseil, il s’agit de revenus «latents» et non encore réalisés qui ne peuvent donc être pris en compte dans le
calcul.
Coût de la censure: pas d’enjeu budgétaire selon Bercy
Emprunts toxiques
Le Conseil constitutionnel a validé le dispositif de soutien aux collectivités territoriales qui ont vu leurs remboursements
d’emprunt s’envoler, en autorisant la création d’un fonds d’aide de 100 millions d’euros par an pendant 15 ans.
Il a en revanche censuré le dispositif qui visait à sécuriser la situation de la banque à l’origine de ces prêts «toxiques», en
l’occurrence Dexia, aujourd’hui sous la tutelle de l’Etat. Le gouvernement souhaitait en effet valider les contrats de prêt qui avaient été signés même en l’absence de mention du taux effectif
global (TEG) ou d’erreur dans le calcul de ce taux, obligatoire. Il s’agit d’éviter les contentieux juridiques (aujourd’hui entre 200 et 250 déposés auprès de Dexia) qui pourraient avoir pour
conséquence une nécessaire recapitalisation par l’Etat de la Sfil, la nouvelle structure de financement des collectivités qui gère les anciennes activités de Dexia.
Coût de la censure: impossible à mesurer dans l’immédiat d’autant que Bercy annonce la rédaction rapide d'«un
dispositif plus solide juridiquement» pour résoudre cette question.
Plus-values immobilières sur les terrains à bâtir
Le Conseil constitutionnel a censuré «comme portant atteinte à l’égalité devant les charges publiques» le cas
particulier réservé aux terrains à bâtir dans la réforme de l’imposition des plus-values immobilières.
Dans son budget, le gouvernement souhaitait en effet que la plus-value corresponde à l’exacte différence entre le prix à l’achat
du terrain et le prix à la revente, sans tenir compte de l’inflation et en supprimant tout abattement.
Coût de la censure: la loi de finances initiale faisait référence à une recette attendue de 400 millions
d’euros, mais selon Bercy le fait que la suppression de l’abattement ait été annulée pourrait encourager davantage la revente de ces terrains, réduisant d’autant la perte induite.
Elargissement de la taxe Buffet sur les retransmissions sportives
Le gouvernement souhaitait élargir la «taxe Buffet» sur la cession de droits télévisés d’événements sportifs se déroulant en
France aux organisateurs de ces événements basés à l’étranger comme, par exemple, l’UEFA. Cette contribution de 5% sur la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuels des compétitions
sportives devait être dans ce cas prise en charge par les chaînes de télévision elles-mêmes.
Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il était «contraire à l’égalité devant la loi fiscale de prévoir que, selon le lieu
d’établissement du détenteur des droits de retransmission, cette taxe sur les cessions des droits de diffusion soit acquittée par celui qui cède ces droits ou celui qui les acquiert».
Selon Bercy, il s’agit pourtant d’une technique très courante en fiscalité utilisée notamment pour la TVA.
Créée au nom de la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, le produit de cette taxe, dont la recette est estimée
à 41 millions d’euros en 2013 est reversé au Centre national pour le développement du sport (CNDS) et utilisée pour les programmes dédiés au sport pour tous.
Coût de la censure: l’enjeu budgétaire est insignifiant, selon Bercy.
Droits de succession en Corse
Deux amendements ont été censurés par le Conseil constitutionnel.
Le premier d’origine parlementaire prolongeait la période de transition durant laquelle la Corse pouvait continuer à bénéficier
d’un régime fiscal dérogatoire sur les droits de succession sur les biens immobiliers, et élargissait cette dérogation aux donations.
Le second, gouvernemental, portait sur la France entière et a été annulé pour vice de forme parce qu’il est arrivé trop tard
dans le débat parlementaire. Mais «le gouvernement y tient», a précisé Bercy et un nouveau texte va être rédigé rapidement. Il s’agit de créer un abattement de 30% sur les droits de
succession et les donations dès lors que le propriétaire du bien se reconnaît officiellement (opération appelée «titrage»). En Corse mais aussi ailleurs en France et en Outremer, il arrive encore
que le propriétaire d’un terrain ne soit pas connu. C’est pour encourager cette reconnaissance que le gouvernement souhaite mettre en place cet abattement incitatif qui démarre au moment où la
personne se reconnaît comme propriétaire.
La taxe à 75% validée cette fois-ci
Il s’agit d’une «taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014». Cette année, le Conseil
constitutionnel a validé le cadre juridique présenté par le gouvernement, à savoir que ce sont les entreprises elles-mêmes qui paieront cette taxe dès lors qu’elles ont versé un ou des salaires
supérieurs à un million d’euros.
Si la taxe sur la part de la rémunération dépassant le million d’euros se monte à 50%, il faut y ajouter les cotisations
sociales (environ 25%), ce qui permet au gouvernement d’afficher les 75% promis par François Hollande lors de sa campagne présidentielle.
A noter que cette taxe est plafonnée à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise réalisé l’année où la taxe est due, ce qui doit
alléger la facture pour les clubs de foot.
Selon le gouvernement, la taxe concernerait au total environ 470 entreprises et 1000 dirigeants ou salariés. Le rendement
attendu serait de 210 millions d’euros par an.
Source : http://www.liberation.fr/economie/2013/12/29/budget-ce-que-le-conseil-constitutionnel-a-censure_969543