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Publié par Patrice Cardot

Qu’est-ce qu’une "puissance" au début de ce XXIè siècle ?

De grands intellectuels se sont de tous temps aventurés à examiner les contours de cette notion si souvent convoquée dans les univers géopolitiques, géostratégiques et historiques.[1]

Le colloque organisé en mai dernier à l’Ecole militaire, à Paris, par les auditeurs et élèves du CID, de l’ENA et de HEC sur ce thème de la puissance a permis de dégager une certaine vision de ce que peuvent être aujourd’hui les ressorts et déterminants de la puissance.

Cependant, afin de permettre à tous les lecteurs intéressés par cette question de se familiariser avec cette notion dont on abreuve si souvent leurs oreilles ici ou là, et d'opérer en toute autonomie les évaluations qui leur paraitraient utiles d'entreprendre à l'égard de tel ou tel pays, ou de tel ou tel groupe de pays, nous nous limiterons nous ici à la définition de la puissance d’un Etat qui est proposée aux lycéens français en classe de terminale : « Une puissance mondiale, c’est un Etat dans le monde qui se distingue non seulement par son poids territorial, démographique et économique mais aussi par les moyens dont il dispose pour s’assurer une influence durable sur la planète en termes économiques, culturels et diplomatiques. Celle ci suppose une capacité à innover en permanence, à dominer les marchés en s’appuyant sur des firmes multinationales et une monnaie universellement acceptée, à diffuser ses propres valeurs et à disposer de moyens militaires, diplomatiques et financiers pour imposer son arbitrage dans les conflits régionaux. »

 

Caractérisation des principaux facteurs de la puissance d'un Etat ou d'un groupe d'Etats

Le lecteur trouvera ci-dessous une liste indicative - non exhautive - d'éléments qui permettent de circonscrire sur une base mesurable les principaux facteurs de la puissance d'un Etat ou d'un groupe d'Etats à partir de la définition de la puissance proposée ci-avant.

Par souci de simplification et de cohérence, ces éléments sont regroupés ci-après en 6 catégories dont certains éléments peuvent parfois se recouper soit dans leurs effets, soit dans leurs causes.

Bien évidemment, ces "indicateurs de puissance" n'ont pas tous de valeur intrinsèque. Leur intérêt réside principalement dans le fait qu'ils offrent une base utile pour une appréciation raisonnée et comparative de la puissance.

 

* La population et ses ressources

-         Effectif global de la population

-         Le niveau de développement humain (éducation, santé, etc.)

-         La maîtrise démographique / l’aptitude à répondre aux mutations démographiques

-         Le nombre d’immigrants qualifiés / hautement qualifiés vivant ou travaillant sur le territoire

-         Le nombre de ressortissants émigrés à même de réintroduire des devises étrangères sur le territoire national

 

* Le territoire / son attractivité globale pour des investisseurs publics ou privés, internes ou externes

-         Superficie * la part de sa superficie valorisable sur le plan socio-économique             

-         La sécurité des frontières extérieures                                                                                    

-         La qualité et l’économie générale de ses réseaux et infrastructures (communications, transports, fluides - énergies, eau -, …),

-         Ses ouvertures océaniques

-         Ses ressources naturelles, minérale ou agricoles

 

* Le poids, le dynamisme et l’ouverture internationale de l’économie :

-         La dimension du marché intérieur

-         la résilience de ce marché intérieur dans le contexte d’accords de libre échange

-         Le niveau de vie

-         Le PIB

-         Rang et poids relatif dans certaines productions d’importance stratégique (minerais polymétalliques, pétrole, gaz naturel, nucléaire, aérospatiale, chimie, informatique, céréales)

-         Le patrimoine relevant du Trésor national

-         La solidité et la convertibilité de la monnaie

-         Les marchés financiers

-         Solvabilité

-         Structure de la dette (publique et privée – intérieure et extérieure) / niveau d’endettement

-         Les investissements à l’étranger / les actifs à l’étrangers

-         La capacité d’attraction des investissements internationaux mobiles et des FMN

-         La puissance économique des grandes entreprises domestiques

-         La capacité d’innovation (dépenses de recherche & développement, dépôts de brevets)

-         La place dans le commerce international : EU, ALL, Japon = 30 % du commerce mondial

 

* La solidité et l’efficacité des institutions nationales

-         La pertinence et la solidité des grands équilibres budgétaires

-         Volume de la dépense publique

-         Efficacité de l’Etat dans ses missions régaliennes

-         Efficacité de l’Etat dans ses fonctions économiques, sociales et culturelles

-         Le rapport de forces avec les FMN implantées sur le territoire national

-         Pérennité des institutions

-         Adhésion de la population aux orientations nationales

-         Résilience de la nation face aux grands mouvements crisogènes internationaux

-         Capacité d’union nationale face aux défis majeurs

 

* Le poids politique, diplomatique et militaire dans le concert international

-         Développer une logique d’influence sur les moyen et long termes / Existence et 'solidité' d'un réseau diplomatique et consulaire

-         Disposer d’une stratégie de sécurité nationale complète (sur l'ensemble des fonctions stratégiques qui la caractérisent, de l’anticipation/connaissance à l’intervention)

-         Disposer d’une stratégie d’approvisionnement de l’Etat en biens, ressources, services et équipements stratégiques et/ou vitaux

-         Capacité de déploiement de la logique d’influence et de la stratégie de sécurité nationale sur l’échiquier international

-         Place dans les réseaux d’alliance, les partenariats et organisations politiques, économiques, financières, commerciales, militaires

-         Autonomie de décision politique

-         Importance des armées (effectifs comme niveaux d’équipement et de formation)

-         Maîtrise de moyens de destruction massive / Capacités pour s’en protéger

-         Maîtrise militaire de l’espace

-         Importance des industries d’armement et exportations d’armes

-         Budget et part du PNB consacrés à la défense

 

* Le Rayonnement culturel, scientifique et technologique 

-         L’influence de la langue

-         Les médias et leurs réseaux

-         Foyer de création artistique (mode, publicité…), scientifique et technologique

-         Place occupée sur le web ainsi que dans les publications internationales

-        etc.

 

Qu’est-ce qu’une puissance régionale aujourd’hui ? 

C’est un Etat, ou un groupe d’Etats réunis et organisés en union ou en alliance, qui présente une part importante des caractéristiques de la puissance telles que décrites ci-avant.  

En outre, cet Etat, ou ce groupe d’Etats, doit être en mesure de déployer une stratégie d’influence dans la région concernée, y compris à ses marges, de manière directe ou indirecte, pour peser de manière significative sur les grands équilibres géopolitiques, économiques et sociaux de la région, notamment au travers d’un jeu de partenariats et d’associations qui en renforcent l’efficacité autant que la visibilité.

 

Une grille d'évaluation parmi d'autres.

L'appréciation de l'état ou du niveau de puissance d'un Etat ou d'un groupe d'Etats ne constituant en aucune manière un exercice qui relèverait d'une science totalement exacte, mais bien plutôt un exercice relevant d'un art maitrisable à partir de données objectivables, et afin qu'il puisse entreprendre en toute simplicité l'évaluation de chacun des éléments ci-dessus pour un pays ou un groupe de pays donné, le lecteur peut recourir à la grille d'évaluation simplifiée suivante en l'implémentant à partir des informations qualitatives et quantitatives dont il dispose (ou dont il peut aisément disposer au moyen d'internet) :

    F = facteur favorable – FF = facteur très favorable  

     D = facteur défavorable – DD = facteur très défavorable

     NA = Facteur non apprécié

     EVF = facteur en voie d’évolution favorable / EVD = facteur en voie d’évolution défavorable

 

Illustration :

S'il le souhaite, le lecteur peut s'exercer à évaluer ces différents éléments pour un pays donné (par exemple, la France), pour un groupe de pays donné (par exemple, l'Union européenne ou l'OTAN).

Il peut également s'exercer à évaluer ces différents éléments pour tel ou tel autre pays de la Région médterranéenne afin d'apprécier s'il constitue ou non, ou pourrait ou non constituer un jour une "puissance méditerranéenne".

NB : Les profils statistiques des pays méditerranéens sont disponibles aux adresses suivantes :

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-DI-07-001/EN/KS-DI-07-001-EN.PDF

ou encore : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/medstat/introduction/

 


[1] Cf. en particulier l’analyse proposée dans l’article suivant : http://www.stratisc.org/act/Malis_POWERII.html

 

 

 

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