Etat palestinien - A quoi joue Israël ? (Le Point)
L'État hébreu souffle le chaud et le froid pendant que la demande palestinienne est débattue au Conseil de sécurité de l'ONU.
" Israël est de plus en plus isolé. " Le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a jugé dimanche 2 octobre qu'il n'était pas bon que l'État hébreu s'enferme sur l'arène diplomatique dans ce "moment extraordinaire" qu'est le Printemps arabe. Des propos qui tranchent radicalement avec le discours pro-israélien prononcé à la tribune de l'ONU le 22 septembre dernier par Barack Obama, rejetant toute idée de création d'un État palestinien par le biais des Nations unies.
Seulement voilà, entre-temps, Israël a validé mardi dernier la construction de 1 100 logements dans le quartier de colonisation de Gilo à Jérusalem-est, pourtant territoire palestinien. Cette "ville" de 30 000 habitants, grande comme trois arrondissements de Paris, a été érigée par Israël sur des terres annexées lors de la guerre de 1967. "Je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de nouveau. Nous planifions à Jérusalem, nous construisons à Jérusalem, un point c'est tout", s'est justifié mardi le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans une interview au Jerusalem Post.
Condamnations internationales
" Malgré son caractère illégal selon le droit international, il existe en Israël un consensus sur la ville de Gilo, qui n'est pas considérée comme une implantation mais comme un futur territoire d'Israël ", explique le politologue Denis Charbit, professeur en sciences politiques à l'université ouverte d'Israël. " En sachant que les États-Unis et les Palestiniens ont acté cette réalité, Benyamin Netanyahou estime qu'il peut anticiper tout traité définitif. " Mais cette annonce intervient à un bien mauvais moment pour Israël, alors que la demande d'un État palestinien à laquelle il s'oppose est actuellement débattue au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle a d'ailleurs entraîné une vague unanime de condamnations internationales, y compris chez les plus farouches alliés de l'État hébreu.
" Je ne comprends pas le moins du monde " cette annonce, venant " quelques jours seulement après la proposition du Quartette " de relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes, a ainsi déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, après un entretien téléphonique houleux avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Les États-Unis se sont déclarés de leur côté " profondément déçus ", tandis que la France a qualifié la décision de "provocation (...) contre-productive". Même s'il reconnaît un timing pour le moins malheureux, Zalma Shoval, ancien ambassadeur d'Israël aux États-Unis, estime que la " crise de Gilo n'avait pas lieu d'être ", cette ville se situant " dans le sud-ouest de Jérusalem ", et n' " appartenant donc pas aux Palestiniens ".
"L'impunité d'Israël" (politologue)
Le diplomate récuse pourtant " toute motivation politique" dans cette décision dont il justifie la date par le " côté aléatoire des procédures bureaucratiques en Israël ". Une explication qu'est loin de partager Ilan Greilsammer, professeur de sciences politiques à l'université Bar-Ilan à Tel-Aviv : " Benyamin Netanyahou demeure sous la menace directe de l'aile droite gouvernementale israélienne, opposée à toute négociation, et qui pourrait rompre la coalition à tout moment ", explique le politologue. " Il existe chez le Premier ministre un certain sentiment d'impunité qui l'autorise à penser qu'il peut continuer à donner des gages à l'extrême droite sans rien risquer sur le plan international. "
"Le gouvernement israélien table sur des réactions occidentales qui ne dépasseront par le cadre de la gesticulation", renchérit pour sa part Denis Charbit. " Parce qu'en Israël, on sait que les Européens et les Américains ne sont pas capables d'en faire davantage. " L'État hébreu s'est pourtant déclaré dimanche favorable à la reprise de négociations sans conditions préalables, visant à aboutir à la création d'un État palestinien. Pour prouver sa bonne foi, Israël a affirmé qu'il acceptait la proposition du Quartette sur le Proche-Orient (États-Unis, UE, Russie, ONU) visant à relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes afin d'aboutir à un accord d'ici à la fin de 2012.
L'influence des républicains
Problème, celle-ci est sujette à des interprétations divergentes des deux parties, notamment au sujet du gel de la colonisation. Tandis qu'Israël souligne qu'elle ne stipule " aucune condition préalable " à la reprise des pourparlers, l'Autorité palestinienne considère de son côté qu'en faisant référence à la " Feuille de route ", elle comporte un appel à un arrêt de la colonisation israélienne. " Cela ne coûte rien à Israël d'accepter une telle proposition, d'autant plus qu'elle n'inclut pas le gel des constructions ", explique Ilan Greilsammer. " Tel-Aviv sait bien que le camp adverse refusera de toute façon une telle décision. "
D'après le politologue, aucun changement n'est donc à attendre avant la prochaine élection présidentielle américaine. Or, plus que l'électorat juif, ce serait surtout les nombreux républicains évangélistes qui se montreraient les plus fervents défenseurs de l'État hébreu. Justement, contre l'avis du président Obama, le Congrès américain vient de bloquer une aide économique de 200 millions de dollars aux Palestiniens en réaction à la demande d'adhésion à l'ONU.
Source : http://www.lepoint.fr/monde/etat-palestinien-a-quoi-joue-israel-03-10-2011-1380382_24.php