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Publié par Patrice Cardot

Le contrat social attaché au projet politique européen comporte, entre autres promesses démocratiques, celle de fournir aux citoyens européens les mêmes garanties de sécurité contre les menaces conventionnelles et non conventionnelles d’aujourd’hui et de demain qui pourraient avoir des effets stratégiques néfastes.

Cette promesse trouve sa traduction juridique dans le traité, ce dernier posant le principe de l’existence d’objectifs et d’intérêts stratégiques de l’UE en même temps qu’il limite leur identification à la seule dimension externe de l’équation stratégique qui lui est posée (cf. les articles 21 et 22 TUE).

Par ailleurs, les accords de ‘Berlin Plus’ scellent un partenariat sans équivalent entre l’UE et l’OTAN qui offre aux européens une réassurance stratégique ‘à moindre coût’ qui atteste que ces deux organisations aux visées si différentes partagent bon nombre d’objectifs et d’intérêts stratégiques.

Pour autant, tous les objectifs et intérêts stratégiques de l’UE se résument-ils à ceux qu’elle partage avec l’OTAN ? Sont-ils rigoureusement identiques à ceux de ses Pays membres ? Existe-t-il des objectifs et intérêts stratégiques qui lui soient propres ?

De toute évidence, un premier intérêt stratégique lui est propre : celui qui consiste à assurer la concrétisation effective des objectifs stratégiques qui visent à sa sauvegarde en tant qu’union politique d’Etats et de Peuples soucieuse de :

* sauvegarder son indépendance, ou, a minima, sauvegarder son autonomie, tant au plan stratégique que politique et économique, pour pouvoir décider, en pleine responsabilité, ses postures, ses positions et ses engagements lors des grands rendez vous des agendas stratégique et sécuritaire,  sauvegarder son intégrité, tant politique que physique et territorial,

* garantir sa pérennité en tant qu’entité politique unique dotée de la personnalité juridique et des institutions indispensables à l’exercice des compétences que lui ont attribuée ses Etats membres,

* sauvegarder les valeurs qui la fondent et qui sont communes aux États membres,

* sauvegarder sa sécurité et sa stabilité, sur les registres stratégique, institutionnel, politique et économique, en se dotant des garanties de sécurité (positives et négatives), en déployant des mesures de confiance et des mesures de réassurance, qui concourent à maintenir le plus bas possible les niveaux de tension stratégique et sécuritaire, y compris face aux nombreux risques globaux qui affectent de manière systémique les grands équilibres régionaux et internationaux,

* sauvegarder ses intérêts les plus fondamentaux, et notamment ses intérêts économiques et commerciaux (stabilité et sécurité de sa monnaie au sein du système monétaire international, stabilité financière internationale, stabilité et sécurité de son économie et de la totalité de ses flux d’échanges commerciaux et culturels, en particulier de ses flux d’approvisionnement en biens vitaux et/ou essentiels au développement de son économie, etc.),

Un second intérêt stratégique, corollaire du précédent, lui est également propre : celui qui consiste à l’affirmation de la place de l’UE dans le concert international en tant qu’acteur politique disposant d’une capacité globale d’influence, de médiation et d’intervention sur le registre stratégique, dans le respect du droit international, à partir d’une gamme très variée d’instruments lui permettant d’agir de manière à :

* promouvoir dans le reste du monde les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement (la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international),

* encourager une intégration équitable et durable de tous les pays dans l'économie mondiale, et contribuer à l'élaboration de mesures internationales afin de préserver et améliorer la qualité de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, et d’assurer une stabilité financière et monétaire et une protection des biens publics mondiaux, partout dans le monde,

* préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la stabilité stratégique et la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, ainsi qu'aux principes de l'acte final d'Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures.

Si l'UE parvient aujourd'hui à préserver de tels intérêts stratégiques au niveau d’exigence requis par ses citoyens, y parviendra-t-elle encore au cours des décennies à venir ?

Quand bien même l’UE devrait ne pas connaître avant longtemps de véritable menace stratégique de nature militaire capable de mettre en péril son intégrité territoriale, le fonctionnement de ses propres institutions et de celles de ses Etats membres, celui de son économie générale ou la vie de ses populations, d’autres facteurs pourraient concourir à lui rendre la tâche plus ardue à l’avenir.

Elle est en proie depuis quelques années à une succession de crises présentant un caractère systémique, de risques globaux et de formes de menaces en rupture avec celles du passé, qui, bien qu’ayant pour origine des facteurs d’une toute autre nature que militaire, n’en affectent pas moins la concrétisation de ses objectifs et la sauvegarde de ses intérêts les plus stratégiques, en donnant ici au qualificatif ‘stratégique’ son acception la plus large.

Soumise aux aléas des profondes mutations structurelles de l’environnement international, elle voit aujourd’hui s’affaiblir son crédit politique auprès de ses propres citoyens ; battre en brèche sa cohésion politique par des postures nationales incompatibles avec ses fondements mêmes ; contester sa légitimité et hypothéquer son intégrité institutionnelle par des appels incessants à la sécession ; fléchir son influence politique et économique, au point de ne laisser craindre qu’elle puisse ne plus être en mesure de s’assurer en toutes circonstances les approvisionnements en ressources les plus critiques ou de garantir la sécurité et la stabilité à ses propres marches ; ses grands équilibres économiques et sociaux mis à mal autant par la fragilité systémique de son système bancaire que par la rigueur des contraintes qui pèsent sur son économie (la baisse de son budget et l’amplification de l’intervention non régulée de capitaux internationalement mobiles participant à en accroître les effets néfastes) ; s’altérer la capacité de ses Etats membres à maintenir leur propre système de sécurité au niveau de performance attendue, au point de faire redouter leur incapacité future à exercer quelque responsabilité que ce soit dans l’hypothèse d’une mise en oeuvre effective de la clause de solidarité inscrite à l’article 222 TFUE ou de la clause d’assistance mutuelle inscrite à l’article 42.7 TUE

Et ce, au point de faire craindre un déclassement stratégique durable de l’Union dans son ensemble (y compris de ses Etats membres).

Pour autant, elle peut encore, au prix de réformes politiques, doctrinales et institutionnelles substantielles  et en adaptant à ces enjeux les indicateurs sur lesquels repose le « critère de l’intérêt de l’Union » (*)., trouver la voie qui lui permettra de préserver son statut et sauvegarder ses intérêts stratégiques, et d’exercer - le cas échéant, en pleine autonomie - l’ensemble de ses responsabilités stratégiques par les voies et moyens qu’elle jugera les mieux appropriés en fonction des circonstances.

Il lui faudra pour cela agir de manière résolue pour réduire sa dépendance stratégique à l’OTAN et à son principal partenaire, les Etats Unis qui ont leur propre stratégie, et œuvrer étape après étape, à cette émancipation sans laquelle elle ne pourra éviter un déclassement stratégique durable ; ce qui exige de ses propres institutions comme de celles de ses Etats membres qu’elles aient en permanence le souci de la préservation de ses propres intérêts stratégiques et celui d'apporter collectivement des réponses robustes à son déficit de puissance économique, normative et militaire en revisitant en profondeur ses stratégies de sécurité (cf. à cet égard UE : un service européen d'action extérieure au service de quelles stratégies et de quelles politiques ? ainsi que Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1) et Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)) autant que ses politiques communes (cf. par exemple Le Parlement européen adopte une résolution intitulée 'Politiques et critères d'élargissement et intérêts stratégiques de l'Union européenne en la matière') pour les adapter aux grands mouvements du monde et aux véritables menaces globales qui pèsent et pèseront demain sur les grands équilibres internationaux et régionaux auxquels elle est attachée et en concluant des partenariats stratégiques plus variés et plus ambitieux que ceux qu’elle peine à établir aujourd’hui (cf. notamment à cet égard l'excellent raport intitulé : 'US Strategy for a Post-Western World' by Robert A. Manning (Report of the Strategic Foresight Initiative at the Brent Scowcroft Center on International Security))

(*) c’est-à-dire la façon dont la Commission détermine si une mesure de défense commerciale servirait les intérêts économiques généraux de l’UE, à savoir les intérêts de l’industrie européenne concernée, des importateurs, des industries qui utilisent le produit importé et, le cas échéant, des consommateurs (pour en savoir plus à ce sujet, voir notamment La Commission propose de moderniser les instruments de défense commerciale de l’UE ainsi que http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2012/march/tradoc_149236.pdf et http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2012/march/tradoc_149237.pdf)

Voir également :  

* Objectifs politiques, principes, valeurs et intérêts en jeu au sein de l'Union européenne dans la double perspective politique et stratégique, par André Dumoulin 

 * De l'épineuse question des objectifs stratégiques de l'Union européenne * Jusqu'à quel niveau d'intégration l'agenda transatlantique nous entraînera-t-il, sans aucun débat démocratique ?   

* PENSER L’INTERET EUROPEEN : Du compromis entre intérêts nationaux à l’intérêt général européen  

* De la puissance d'un Etat ou d'un groupe d'Etats

* L'Union européenne est-elle encore une puissance normative crédible ?

* Influence européenne : la nécessité d'un changement de paradigme, par Elvire Fabry (Notre Europe – Institut Jacques Delors)  

 

Article 21TUE

1. L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international.

L'Union s'efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations unies.

2. L'Union définit et mène des politiques communes et des actions et oeuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :

a) de sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité;

b) de consolider et de soutenir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme et les principes du droit international;

c) de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, ainsi qu'aux principes de l'acte final d'Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures;

d) de soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d'éradiquer la pauvreté;

e) d'encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international;

f) de contribuer à l'élaboration de mesures internationales pour préserver et améliorer la qualité de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, afin d'assurer un développement durable;

g) d'aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine; et

h) de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale.

3. L'Union respecte les principes et poursuit les objectifs visés aux paragraphes 1 et 2 dans l'élaboration et la mise en oeuvre de son action extérieure dans les différents domaines couverts par le présent titre et par la cinquième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que de ses autres politiques dans leurs aspects extérieurs.

L'Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques. Le Conseil et la Commission, assistés par le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, assurent cette cohérence et coopèrent à cet effet.

 

Article 22TUE

1. Sur la base des principes et objectifs énumérés à l'article 21, le Conseil européen identifie les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union.

Les décisions du Conseil européen sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union portent sur la politique étrangère et de sécurité commune ainsi que sur d'autres domaines relevant de l'action extérieure de l'Union. Elles peuvent concerner les relations de l'Union avec un pays ou une région, ou avoir une approche thématique. Elles définissent leur durée et les moyens que devront fournir l'Union et les États membres.

Le Conseil européen statue à l'unanimité sur recommandation du Conseil, adoptée par celui-ci selon les modalités prévues pour chaque domaine. Les décisions du Conseil européen sont mises en oeuvre selon les procédures prévues par les traités.

2. Le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, pour le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, et la Commission, pour les autres domaines de l'action extérieure, peuvent présenter des propositions conjointes au Conseil.

 

Article 42.7 TUE

Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre.

 

Article 222 TFUE

1. L'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine. L'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour:

a) — prévenir la menace terroriste sur le territoire des États membres;

— protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une éventuelle attaque terroriste;

— porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d'une attaque terroriste;

b) porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine.

2. Si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, les autres États membres lui portent assistance à la demande de ses autorités politiques. À cette fin, les États membres se coordonnent au sein du Conseil.

3. Les modalités de mise en oeuvre par l'Union de la présente clause de solidarité sont définies par une décision adoptée par le Conseil, sur proposition conjointe de la Commission et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Lorsque cette décision a des implications dans le domaine de la défense, le Conseil statue conformément à l'article 31, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne. Le Parlement européen est informé.

Dans le cadre du présent paragraphe, et sans préjudice de l'article 240, le Conseil est assisté par le comité politique et de sécurité, avec le soutien des structures développées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, et par le comité visé à l'article 71, qui lui présentent, le cas échéant, des avis conjoints.

4. Afin de permettre à l'Union et à ses États membres d'agir d'une manière efficace, le Conseil européen procède à une évaluation régulière des menaces auxquelles l'Union est confrontée.

 

Les arrangements permanents entre l'OTAN et l'Union européenne (accords de ‘Berlin plus’) :

a)   garantissent l'accès de l'Union européenne à des capacités de planification de l'OTAN pouvant contribuer à la planification militaire d'opérations dirigées par l'Union européenne; 

b )   établissent une présomption de disponibilité au profit de l'Union européenne de capacités et de moyens communs de l'OTAN préidentifiés en vue de leur utilisation dans des opérations dirigées par l'Union européenne ;

c)   identifient une série d'options de commandement européen pour des opérations dirigées par l'Union européenne, renforçant le rôle de l'adjoint européen du SACEUR (poste dédié à un officier britannique), en lui permettent d'assumer pleinement et de manière effective ses responsabilités européennes;

d)   prévoient la poursuite de l'adaptation du système de planification de la défense de l'OTAN, d'une manière qui intègre plus complètement la disponibilité de forces pour des opérations dirigées par l'Union européenne ;

e)   prévoient un accord OTAN-UE sur l'échange de renseignements classifiés en application de règles de protection réciproques ;

f)    établissent des procédures pour la mise à disposition, le suivi, la restitution et le rappel des moyens et capacités de l'OTAN ;

g)   prévoient les modalités de consultations entre l'OTAN et l'Union dans le contexte d'une opération de gestion de crise conduite par la seconde avec l'aide des moyens et des capacités de la première.

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