L'après crise 2007-2008 : une période difficile et dangereuse, par Pierre Pascallon (LeMonde)
Nous avons bien eu en ce début de XXIe siècle une crise exceptionnelle du capitalisme financier mondialisé sous hégémonie de l'Occident et des Etats-Unis plus particulièrement. Et nous sommes entrés, suite à cette crise de 2007-2008, dans la phase descendante d'un cinquième cycle long Kondratieff, c'est-à-dire dans une période difficile et dangereuse comportant en effet des risques de désordres "géo-économiques" et "géo-stratégiques" certains.
Une période difficile avec des risques de désordres "géo-économiques" ?
Les années "go-go" de fuite en avant dans l'endettement débridé sont bel et bien terminées. Celles à venir seront plutôt dans l'esprit "go-slow", à petite vitesse, avec un scénario qui pourrait ressembler à celui des années 1930 ou à celui du Japon des années 1990-2000.
On peut penser en effet que nous sommes condamnés à une longue période de croissance molle, car, dans nos pays, la croissance par endettement privé infini des acteurs privés est terminée pour un bout de temps, ces agents étant loin à l'heure qu'il est d'avoir terminé leur effort de désendettement. Et, la croissance par endettement public infini des Etats est impossible : on le voit bien à l'heure où tous nos pays subissent la pression des marchés pour réduire leurs déficits, leurs dépenses et leurs dettes.
Bref, la croissance est faible aujourd'hui et sera encore faible demain chez nous car les particuliers, les entreprises, les Etats sont confrontés au "mur de la dette".
Aussi bien avec cette perspective de tassement économique et de croissance limitée, on est et on va continuer ainsi à être aujourd'hui et demain dans un monde de concurrence et compétition accusées, avec des pratiques interventionnistes voire protectionnistes pilotées par les pouvoirs publics, la guerre des monnaies et la guerre des changes.
Une période dangereuse avec des risques de désordres "géo-stratégiques"
On s'oriente et on va continuer à s'orienter – suite à l'érosion et au déclin relatif de la puissance des Etats-Unis, suite à la continuation concomitante de la montée en force des puissances émergentes dans le grand redéploiement des cartes de la période de transition (2010-2030 ?) vers un "polycentrisme mondial", c'est-à-dire une scène internationale avec de nombreux pôles plus ou moins puissants, loin du caractère "unipolaire" de l'ordre mondial américain stable des années 2000.
Cette perspective d'un polycentrisme mondial dans la décennie 2010 et au-delà va être source de tensions accrues entre les Nations. En effet, un monde plus polycentrique de Nations est bien un monde à l'instabilité et à la dangerosité accusées. Il n'est pas exclu qu'il puisse ressurgir dans ce monde multipolaire – au-delà des "petites guerres", des "guerres asymétriques" du temps de l'hyperpuissance américaine –, des conflits interétatiques significatifs, des guerres de "haute intensité".