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Publié par Patrice Cardot

Dispositions générales relatives à l'instrument de la coopération renforcée dans le cadre de la PESC

Si l’ouverture de l’accès de cet instrument de différenciation à la PESC en dehors du champ strictement militaire de la PESD est acquise depuis la mise en œuvre du traité de Nice, c’est le traité de Lisbonne qui la rend possible pour la PSDC, sans réserve pour son contenu militaire, en vertu de l’article 20 TUE, puisque cette dernière relève du cadre des compétences non exclusives de l’Union, avec quelques restrictions ayant trait à la procédure d’établissement.


L’article 20 TUE dispose que :
« 1. Les Etats membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu’aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les Etats membres, conformément à l’article 328 TFUE.
2. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins neuf Etats membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l’article 329 TFUE.
3. Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les Etats membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote. Les modalités de vote sont prévues à l’article 330 TFUE.
4. Les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne lient que les Etats membres participants. Ils ne sont pas considérés comme un acquis devant être accepté par les Etats candidats à l’adhésion à l’Union.  »

En vertu de l’article 326 TFUE, « les coopérations renforcées respectent les traités et le droit de l’Union. […]. ».


En vertu de l’article 327 TFUE, « les coopérations renforcées respectent les compétences, droits et obligations des Etats membres qui n’y participent pas. Ceux-ci n’entravent pas leur mise en œuvre par les Etats membres qui y participent. ».


En vertu de l’article 328 TFUE,
« 1. Lors de leur instauration, les coopérations renforcées sont ouvertes à tous les Etats membres, sous réserve de respecter les conditions éventuelles de participation fixées par la décision d’autorisation. Elles le sont également à tout autre moment, sous réserve de respecter, outre lesdites conditions, les actes déjà adoptés dans ce cadre.

2. La Commission et, le cas échéant, le HRAEPS informent régulièrement le Parlement européen et le Conseil de l’évolution des coopérations renforcées ».

S’agissant de l’implication des autres institutions que le Conseil au cours de la procédure visant à l’instauration d’une coopération renforcée, alors qu’elle n’est posée que comme une possibilité (cf. la formule du premier paragraphe de l’article 20.1 TUE selon laquelle « Les Etats membres qui veulent instaurer entre eux une coopération renforcée […] peuvent recourir aux institutions de celle-ci »), et non comme une obligation de jure, dans le cadre de la PESC, s’agissant de la Commission européenne, l’article 329 TFUE la rend juridiquement obligatoire pour l’appréciation de « notamment […] la cohérence de la coopération renforcée envisagée avec les autres politiques de l’Union » après que la demande des Etats membres demandeurs lui ait été transmise après avoir été adressée au Conseil ; cette demande est également transmise au Parlement européen pour information. Dans ce cadre spécifique de la PESC, l’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision du Conseil statuant à l’unanimité (l’unanimité étant ici constituée par les voix de tous les représentants des Etats membres au Conseil).


Conformément aux dispositions de l’article 331 TFUE, lorsqu’un Etat membre souhaite participer à une coopération renforcée en cours dans le cadre de la PESC, il notifie son intention au Conseil, au HRAEPS et à la Commission. C’est le Conseil qui confirme la participation de l’Etat membre en question, après consultation du HRAEPS, lequel peut également formuler au Conseil des propositions relatives aux mesures transitoires nécessaires. Dans ce cadre, le Conseil statue à l’unanimité, l’unanimité étant ici constituée par les voix des représentants des seuls Etats membres participants.


En vertu des dispositions de l’article 334 TFUE, « le Conseil et la Commission assurent la cohérence des actions entreprises dans le cadre d’une coopération renforcée ainsi que la cohérence de ces actions avec les politiques de l’union, et coopèrent à cet effet. » Une telle formulation juridique ne faisant état d’aucune sorte de réserve, elle établit par conséquent que la coopération du Conseil et de la Commission envisagée dans cet article couvre en particulier les coopérations renforcées établies dans le cadre de la PESC.


S’agissant des dépenses résultant de la mise en œuvre d’une coopération renforcée, autres que les coûts administratifs occasionnés pour les institutions, sont à la charge des Etats membres qui y participent, à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité de tous ses membres, après consultation du Parlement européen, n’en décide autrement.


Des Etats membres pourraient-ils trouver intérêt à établir une coopération renforcée au sens de l’article 20 TUE dans le domaine de la PESC ? Et plus précisément dans celui de la PSDC ? Pour servir quels objectifs, selon quelles modalités ? Avec quels risques et quels avantages pour l’Union ?


L’instrument de la coopération renforcée en lien avec la coopération structurée permanente


Au regard de telles dispositions, dès lors que le traité ne réserve pas aux dimensions civile et civilo-militaire de la PESC le même traitement qu’à sa dimension militaire et/ou défense
stricto sensu dans le cadre des dispositions spécifiques concernant la PSDC (cf. Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) : La coopération structurée permanente (CSP)), la volonté commune et la capacité de quelques uns des Etats membres de poursuivre leur effort en faveur d’une intégration accrue dans le domaine de la PESC, d’une part, et dans celui plus spécifique de la PSDC, d’autre part, peuvent trouver dans cet instrument de coopération un cadre institutionnel mieux approprié que ne l’est celui offert par la CSP pour établir les objectifs, les conditions et les modalités d’une approche globale de la gestion des crises ayant des implications non seulement militaires ou dans le domaine de la défense, mais également des implications civiles articulées autour d’exigences de prévention, de stabilisation, ou de reconstruction (qu’il s’agisse de l’instauration d’un Etat de droit, de la nécessité d’opérer la réforme du secteur de la sécurité, ou de procéder au désarmement d’un Etats tiers au moyen des capacités civiles et des instruments – tels que l’instrument de stabilité - dont dispose l’Union ou de ceux qui sont mis à son service par les Etats membres.


Outre les éléments d’un tel constat, le recours à l’instrument de la coopération renforcée dans le cadre de la PSDC plutôt qu’à celui de la CSP (si l’établissement de cette dernière n’était déjà décidé par le traité lui-même, conformément au caractère impératif de la formulation retenue à l’article 42.6 TUE) aurait pu trouver sa justification dans l’absence de critères d’entrée aussi flous que ceux qui sont établis à l’article 1 du protocole relatif à la CSP), critères qui
sont par ailleurs suffisamment généraux pour favoriser l’entrée du plus grand nombre, aux réserves près suivantes :

 -    la décision du Conseil relative à l’établissement de la CSP est prise à la majorité qualifiée alors que celle relative à l’instauration d’une coopération renforcée dans le cadre de la PESC est prise à l’unanimité,
 -    à la différence de la CSP qui fait reposer la conditionnalité attachée à la participation d’un Etat membre qu’à la satisfaction effective – après évaluation - de critères d’entrée définis dans un protocole, un nombre minimal d’Etats membres est requis pour instaurer une telle coopération renforcée,
 -    les dispositions du protocole n° 4 relatif à la CSP fournissent des informations précises sur les critères d’entrée, les objectifs à atteindre par les Etats participants, le rôle de l’Agence européenne de défense en matière d’évaluation qu’il n’est plus possible de renégocier eu égard à leur inscription dans le droit primaire de l’Union établi par le traité.

Est-il possible de concilier les atouts de la coopération renforcée vis-à-vis d’une dynamique globale intégrant les dimensions civile, civilo-militaires et militaires des défis posés à l’Union dans les domaines de la prévention et de la gestion des crises et des conflits internationaux à ceux de la CSP ?


Une réponse positive semble pouvoir être apportée à cette question fondamentale. Elle consiste à suggérer d’entreprendre l’établissement de la CSP dans le cadre spécifique d’une coopération renforcée instaurée dans le cadre de la PESC autour d’objectifs compatibles avec la CSP mais à la portée plus large aux fins d’atteindre, dans le cadre de la PESC, des objectifs ayant trait aux dimensions civile et civilo-militaire de la PSDC de même nature et de même portée que ceux établis pour la CSP ; deux options sont possibles pour la mise en œuvre d’une telle recommandation :

 -    instaurer la coopération renforcée en préalable à l’établissement de la CSP (option qui présente un intérêt d’autant plus grand que sa mise en œuvre serait facilitée dès lors que les Etats participant à une telle coopération renforcée seraient également susceptibles, tout au moins pour une partie d’entre eux, de constituer la majorité qualifiée au Conseil requise pour l’établissement de la CSP),

 -    ou instaurer cette coopération renforcée en complément et aux côtés de la CSP, le cas échéant, après l’établissement de cette dernière.

Si l’une ou l’autre de ces options étaient retenues, il deviendrait alors nécessaire de statuer rapidement sur l’intérêt, la possibilité, les conditions et les modalités d’une adaptation éventuelle du mandat assigné à l’AED aux exigences attachées à la mise en œuvre de cette coopération renforcée.


L’instrument de la coopération renforcée en appui de l’article 42.5 TUE


L’article 42.5 TUE stipule que « le Conseil peut confier la réalisation d’une mission, dans le cadre de l’Union, à un groupe d’Etats membres afin de préserver les valeurs de l’Union et de servir ses intérêts. La réalisation d’une telle mission est régie par l’article 44 TUE. »


Dans la mesure où une telle mission nécessiterait le recours à des capacités civiles, civilo-militaires et militaires qui peuvent être mises en œuvre par les mêmes Etats membres, qu’elle revêtirait soit un caractère permanent, soit un caractère générique la conduisant à être reconduite sur la base des mêmes décisions et à partir des mêmes Etats membres, rien ne semble interdire une institutionnalisation de cette disposition au travers l’instauration d’une coopération dans le cadre de la PESC dès lors que le nombre des Etats membres concernés atteindrait le nombre requis de 9.


L’avantage d’une telle institutionnalisation réside d’abord dans la garantie pour l’Union  de disposer d’une telle capacité d’intervention, ainsi que dans la prévisibilité qu’elle confère à l’action de l’Union sur le registre spécifique d’intervention qui justifie le déclenchement d’une telle mission.


L’ouverture de l’instrument de la coopération renforcée à des Etats tiers


Une coopération renforcée au sens du traité peut-elle être ouverte à des Etats tiers ? Avec quelles exigences ?
Pour servir quels intérêts et atteindre quels objectifs ?


Dans le cadre de l’action extérieure de l’Union, certains Etats membres ainsi que la Commission européenne et le Conseil ont déjà manifesté la volonté de recourir à des instruments favorisant la différenciation
afin de relancer une dynamique de partenariat équilibré avec des pays tiers autour d’objectifs communs tout en favorisant la réalisation des objectifs de l’Union, en préservant ses intérêts et en renforçant son processus d’intégration.


Tel est notamment le cas depuis le printemps 2008 dans le cadre du processus de Barcelone rénové ; une Union pour la Méditerranée, devant le constat que le processus de Barcelone, en son état actuel, ne parvient pas à permettre à l’Union d’atteindre les objectifs recherchés au niveau d’ambition affiché lors de son lancement en 1995.


Bien qu’aucune disposition qui y a trait dans le traité n’évoque son ouverture à des Etats tiers, l’instrument de la coopération renforcée défini à l’article 20 TUE semble pouvoir constituer un tel instrument dans la mesure où sa mise en œuvre permettrait à l’Union d’atteindre dans un délai raisonnable les objectifs des politiques communes et des actions qu’elle mène dans le cadre de son action extérieure lorsqu’elle œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales (cf. à cet égard l’article 21 TUE).


Car force est de constater que les objectifs prioritaires assignés par le Conseil européen à la rénovation du Processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée s’inscrivent en parfaite cohérence avec l’ensemble de ces objectifs.


Il semble qu’il suffise qu’un acte du Conseil soit pris sur la base de l’article 352 TFUE (ou de l’article 308 TCE actuel si le traité de Lisbonne n’était pas encore ratifié) afin d’établir les conditions et les modalités de participation des Etats tiers souhaitant rejoindre les coopérations renforcées établies par au moins 9 Etats membres de l’Union pour créer la base juridique à partir de laquelle leur intégration sera rendue possible. A vérifier !

NB : S'agissant des dispositions plus générales du traité relatives à cet instrument, cf. L’instrument de la coopération renforcée.

 

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