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Publié par De La Boisserie

Ainsi donc, l'Otan a adopté son nouveau concept stratégique. Les principales dispositions de ce document - de taille somme toute modeste - reflètent parfaitement les tendances actuelles de l'évolution de l'Alliance atlantique. Cela se résume globalement à poursuivre dans la voie de sa transformation en " ministère mondial des Situations d'urgence doté de pouvoirs de police " et à impliquer la Russie, puisque l'idée de l'extension de l'OTAN à l'Est a vécu.

La Russie est le seul pays non membre dont le concept parle abondamment. L'un des principaux objectifs de l'OTAN semble désormais de convaincre notre pays de coopérer avec elle. Il est spécifiquement souligné que l'OTAN ne représente pas une menace pour la Russie, au contraire. Malgré toutes les divergences de vues sur de nombreux sujets, il faut s'efforcer de conclure ensemble un partenariat stratégique. Les domaines concernés sont le bouclier antimissile, la lutte contre le terrorisme, contre la piraterie maritime, contre le trafic de drogue, et pour la stabilité dans le monde. La coopération sur le bouclier antimissile est mentionné à part, occupant une place de choix. par ailleurs, il sera demandé à la Russie une transparence accrue à l'égard de ses armes nucléaires tactiques, un terrain sur lequel notre pays, explique le concept, dispose d'un avantage substantiel sur les forces armées de l'OTAN.

Les pays de l'OTAN se sont donc mis d'accord sur la création d'un bouclier antimissile en Europe, au développement duquel 200 millions d'euros seront affectés sur dix ans. Pour un projet d'une telle ampleur, pareille somme est ridicule, ce qui trahit le caractère absolument fictif - d'un point de vue militaire - de ce programme, dont le seul but est de maintenir une présence américaine sur le continent. Il n'est même pas indiqué contre qui ce système est dirigé. Selon certains médias, le président Sarkozy aurait insisté pour que l'Iran soit désigné en tant que menace, proposition à laquelle se serait opposé le président de la Turquie, Abdullah Gül. Tout cela prête à rire lorsqu'on sait que les missiles iraniens sont capables d'atteindre la Turquie et pas la France. Mais il est révélateur d'apprendre que Barack Obama et Angela Merkel ont soutenu Gül, sans doute conscients que la menace est purement imaginaire. Et pourtant, même en théorie, un bouclier européen ne sera pas en mesuire de contrer une quelconque autre menace.

Les troupes de l'OTAN devraient avoir quitté l'Afghanistan en 2014. Washington n'est pas certain de la date, mais les autres pays y tiennent vivement. Pour la Russie, c'est une très mauvais nouvelle, car elle signifie que, dans moins de cinq ans, c'est nous qui devrons probablement mener une guerre à nos frontières sud.

Le sommet Russie-OTAN, qui se tenait en parallèle du sommet de l'OTAN proprement dit, n'a pas dépassé le stade de l'échange de compliments. Même sur la question sans problème du transit par le territoire russe du fret de l'OTAN à destination et en provenance de l'Afghanistan (qui, pour nous, est au moins aussi important que pour l'Alliance atlantique), on n'en est arrivé qu'à " l'aboutissement des pourparlers qui portaient sur les prémisses d'un accord ". L'accord lui-même sera visiblement signé au moment du retrait des troupes. La Russie a été invitée à prendre part au bouclier antimissile européen, ce qu'elle a accepté par la bouche de Dmitri Medvedev. Toutefois, dans la pratique, cela se limitera à débattre du concept général et à apprécier les meances en commun, ce qui est finalement logique puisqu'il faut d'abord tenter de comprendre pourquoi nous devrions entrer dans ce projet que l'on peut qualifier d'étrange, pour le moins. Mais comme l'a noté Dmitri Medvedev, au sein même de l'OTAN, on ne sait pas toujours très bien à quoi va ressembler ce fameux bouclier.

Au total, les conclusions du sommet sont tout à fait cohérentes. L'OTAN est dépassée, mais personne n'est prêt à le dissoudre ; on invente des prétextes de plus en plus ténus pour justifier son existence (NDLR : voir à cet égard Où en est l'Union européenne face aux défis globaux ? - troisième partie - ). Puisque l'Alliance reste en place, Bruxelles et Moscou se rendent compte qu'une coopération est indispensable (fautre de forces, d'envie et de raisions pour engager une confrontation). Mais cette coopération repose sur très peu de bases concrètes et sur un niveau de confiance trop bas (NDLR : n'en est-il pas de même de la coopération UE-OTAN aujourd'hui ?). Cependant, une mauvais paix est toujours préférable à une guerre, surtout si cette guerre n'a aucun sens. De ce point de vue, le sommet peut être considéré comme réussi.

 

Source : n° 1047 de l'hebdomadaire Courrier international (25 novembre au 1er décembre 2010)

 

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