L'UE doit travailler à une meilleure articulation entre les règles de la concurrence et la mise en œuvre de partenariats public-privé pour l’innovation et de recherche collaborative ouverte
La politique communautaire de concurrence contestée : mises en cause et réformes (source :
http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=qe-52)
Le référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne a révélé en France une critique nouvelle du libéralisme économique, dont certains articles du traité constitutionnel venaient rappeler
les principes. Ces articles, repris des articles 81 à 89 du Traité de Rome relatifs à la politique de concurrence, fondent le pouvoir de la Commission européenne pour protéger les intérêts des
consommateurs contre les entreprises abusant de leur pouvoir de marché ou contre les Etats soutenant des entreprises non viables avec l'argent des contribuables.
La politique de concurrence entre sécurité juridique et efficacité économique
La politique de concurrence repose sur un double fondement juridique et économique. Juridique car il est constitué d'un ensemble de règles déterminant les pratiques licites et illicites des
acteurs économiques. Economique car sa visée ultime n'est pas le respect des règles en soi, mais la protection du consommateur et l'efficacité économique.
Historiquement appliqué par des juristes, le droit de la concurrence accorde, depuis quelques années, un rôle croissant à l'analyse économique. Au sein de la DG Concurrence, ce mouvement a été
suscité par des remises en cause successives de décisions de la DG par le Tribunal de Première Instance des Communautés européennes, en particulier dans le domaine des concentrations. Le TPI
pointait, notamment, la faiblesse de l'analyse économique soutenant les décisions, les effets anticoncurrentiels étant le plus souvent allégués sans preuve.
Les partisans du rôle croissant de l'analyse économique dans la politique de concurrence souhaitent appliquer la « règle de raison », autrement dit analyser au cas par cas les effets économiques
des pratiques incriminées pour déterminer leur licéité. D'autres soulignent l'importance de règles « per se », autrement dit de règles établissant à l'avance une liste de pratiques interdites.
Ces règles assurent, en effet, une sécurité juridique nécessaire à la sérénité des acteurs économiques. Une même pratique peut toutefois, dans des contextes économiques différents, avoir des
effets positifs ou négatifs sur le marché. Une prohibition « per se » reviendrait donc à interdire des pratiques parfois bénéfiques à l'économie.
Malgré de longs débats entre juristes et économistes, non dénués d'arrières-pensées corporatistes, un consensus commence à émerger sur la nécessité d'édicter des règles claires et d'analyser les
effets économiques réels des pratiques incriminées. La nomination en 2003 d'un économiste en chef à la Direction Générale de la Concurrence, rattaché directement au Commissaire européen, témoigne
de cette volonté nouvelle de prendre en compte la double nature – juridique et économique – de la politique de la concurrence.
La politique de concurrence au service du libéralisme économique en Europe ?
La politique européenne de concurrence a été mise en cause à plusieurs titres ces dernières années : ses responsables ont ainsi été accusés de nier la possibilité de mettre en place des
politiques industrielles nationales ambitieuses, de détruire les grands services publics nationaux ou, encore, de se considérer comme l'alpha et l'oméga de la politique économique en Europe.
Le point d'achoppement le plus fréquent et le plus médiatisé entre autorités politiques nationales et responsables de la politique européenne de concurrence réside dans la politique industrielle
et ses manifestations récentes en terme de défense des « champions nationaux » et d'aide aux entreprises en difficulté. La presse a ainsi largement couvert la défense d'Alstom en 2003 par le
ministre français de l'économie et des finances devant des autorités de concurrence soucieuses que l'Etat français n'apporte pas de ressources financières démesurées (aide d'Etat) à cette
entreprise française, au risque de nuire à ses concurrents en France et en Europe. Doit-on s'émouvoir d'un encadrement trop strict des aides d'Etat dans ces affaires ? Probablement pas. Les
politiques industrielles nationales sont, certes, structurantes pour l'économie, mais les aides ne sont pas interdites en tant que telles, et peu nombreux ont été, en fait, les vetos de la
Commission sur les aides aux entreprises en difficulté ou le soutien à l'emploi et à l'innovation. La législation communautaire constitue, surtout, un garde-fou salutaire en obligeant à
formaliser une politique industrielle cohérente à partir d'éléments tangibles et rationnels, en lieu et place de considérations nationalistes et/ou électoralistes.
La politique de concurrence se voit également accusée d'empêcher de véritables politiques industrielles et de libéraliser les services publics par souci idéologique. Or, les politiques
industrielles (NDLR Regards-citoyens.com : ni les politiques d'innovation) ne relèvent pas des compétences de l'Union. Les Etats n'ont jamais réussi à donner à ses
institutions des compétences dans ce domaine, c'est-à-dire à se mettre d'accord pour conduire des actions de politique industrielle au niveau européen. Ainsi, ni la DG Concurrence, ni un autre
service de la Commission européenne n'est en charge d'une politique industrielle européenne. La libéralisation des services publics européens a été décidée par le Conseil des ministres et par le
Parlement européen, soit par les représentants élus des citoyens européens, et non par la Commission.
L'Union européenne doit travailler à une meilleure articulation entre les règles de la concurrence et la mise en œuvre de partenariats public-privé pour l’innovation et de recherche collaborative ouverte (Source : ANRT)
Par maladresse juridique, l'Union européenne, appliquant le Traité, proscrit les partenariats gagnant-gagnant ! Nul ne doute que cela n’est pas son intention.
Mais le sujet est tellement complexe, au croisement des approches économiques, des modèles d’affaires et de droits aux fondements diversifiés que la plupart des efforts entrepris pour prendre en compte la réalité des partenariats renforcent la confusion, sans voie de recours juridique.
A la différence des Etats-Unis, l’Union européenne n’a pas même introduit de « Règle de raison » pour limiter les effets négatifs de ses propres réglementations (voir à cet égard http://droit-prive-et-contrat.oboulo.com/regle-raison-droit-communautaire-concurrence-inelegantia-juris-58546.html) !
Elle se satisfait du fait que la règle européenne prévoit dans le droit des ententes : 1. une interdiction des ententes (101 par.1 TFUE) et 2. un « contre poids »à cette interdiction (101 par.3 TFUE) autorisant que les accords qui « contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique (…) » ne soient pas considérés comme incompatibles avec les règles du marché intérieur.
Non seulement cela fait peser la charge de la preuve sur les entreprises mais, en outre, l’insécurité juridique est maximale et constante. La confusion juridique est encore renforcée par le fait que les règles de l’OMC sont appliquées aux concurrences intra européennes alors qu’aux USA, en Inde ou en Chine, elles ne le sont qu’au regard de la façon dont elles affectent le commerce mondial, jamais sur les échanges au sein du marché intérieur.
Fort de son bon droit, le juge européen s’estime dispensé de l’examen selon une règle de raison (TPICE 2 mai 2006, T - 328/03). Mais cela ne l’empêche pas d’analyser les accords qui lui sont soumis par le prisme d’un bilan concurrentiel (aff. 107/82 ou encore T - 19/91).
La jurisprudence reste donc incertaine et n’est pas guidée par un « raisonnement conducteur ».