Environ 200.000 personnes ont défilé dimanche 15 décembre dans le centre de Kiev contre le président Viktor Ianoukovitch, que les chefs de file de l'opposition soupçonnent de vouloir "brader" l'Ukraine en fermant définitivement la porte à une association avec l'Union européenne pour mieux se rapprocher de la Russie.
Quelques minutes avant le coup d'envoi de cette manifestation, le commissaire européen chargé de l'Elargissement, Stefan Füle, a annoncé sur son compte Twitter avoir informé le gouvernement ukrainien de la suspension des travaux en vue d'un accord d'association et de libre-échange.
Pour Stefan Füle, cette décision est justifiée par le fait que l'engagement du gouvernement ukrainien est "sans consistance réelle". L'UE reproche surtout à l'Ukraine de tenir un discours qui ne correspond pas à ses actes.
Les propos du commissaire incitent à penser que l'UE a perdu patience face aux demandes d'aide financière de Kiev et qu'elle n'entend pas se laisser entraîner dans une bataille de surenchères avec la Russie.
Un prêt de Moscou en discussion
L'Ukraine est aujourd'hui dans une position financière difficile. (cf. à cet égard La probabilité d'une faillite de l'Ukraine augmente, par Aline Robert (Euractiv.fr))
La Russie, qui doit accueillir le président Ianoukovitch mardi 17 décembre, semble profiter de l'occasion pour faire un pas vers son ancien satellite. Selon l'agence russe Interfax, Moscou aurait proposé un prêt au pays.
"La situation en Ukraine est telle à présent que sans crédits, d'où qu'ils viennent, les Ukrainiens n'arriveront pas à maintenir la stabilité économique", a expliqué Andreï Belousov à l'agence russe
L'opposition ukrainienne redoute notamment que la prochaine étape du basculement vers Moscou soit l'adhésion à une union douanière promue par le Kremlin avec la Biélorussie et le Kazakhstan, qu'elle considère comme une tentative de reconstitution de l'Union soviétique.
"Il peut aussi bien rester à Moscou et ne pas revenir à Kiev s'il signe un accord d'union douanière", a déclaré l'ex-ministre de l'Economie Arseni Iatseniouk, lors de la manifestation. "Nous lui réserverons un accueil très chaleureux s'il brade l'Ukraine."
L'opposition redoute tout rapprochement avec Moscou
Pour le dirigeant nationaliste Oleh Tiahnibok, "le Kremlin veut prendre sa revanche sur l'Ukraine, diviser l'Ukraine et la noyer dans le sang. Nous interdisons à ce président de signer avec Moscou quoi que ce soit qui irait à l'encontre des intérêts de l'Etat ukrainien."
L'opposition a déjà appelé à une nouvelle manifestation mardi pendant le déplacement de Viktor Ianoukovitch à Moscou.
Plusieurs de ses chefs de file, parmi lesquels Arseni Iatseniouk, Oleh Tiahnibok et l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, leader du parti Oudar, ont rencontré dimanche le sénateur américain John McCain, dernière en date des personnalités politiques occidentales qui ont choisi de se rendre à Maïdan.
"L'Ukraine rendra l'Europe meilleure et l'Europe rendra l'Ukraine meilleure", a déclaré l'ex-candidat républicain à la Maison blanche aux manifestants. "Nous sommes ici pour soutenir votre juste cause, le droit souverain de l'Ukraine à choisir son propre destin librement et en toute indépendance. Et le destin que vous souhaitez se trouve en Europe."
Sanctions américaines en vue
Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a reproché aux dirigeants politiques occidentaux leur intrusion "grossière" dans les affaires intérieures de l'Ukraine.
Le sénateur John Mac Cain est internenu en tant qu'orateur place Maidan ce week-end, tandis que les Etats-Unis indiquaient s'interroger sur d'éventuelles sanctions à l'égard de certains oligarques ukrainiens. Le fils du président Ianoukovitch serait notamment visé.