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Regards citoyens

Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !

Retour sur images : L'Union européenne est-elle encore une puissance normative crédible ?

Nombreux sont les analystes qui attribuent comme caractéristique première à l'Union européenne d'être une "puissance normative" !

Une "puissance" sans équivalent sur l'échiquier mondial qui a pour fonction première (laquelle sert aujourd'hui de justification existentielle du projet politique européen), de codifier, de légiférer, de réglementer, de réguler par le droit ou la norme !

Une "puissance" instituée étape après étape par le droit, celui des traités fondateurs et des traités qui leur ont succédé autant que par le droit dérivé du droit primaire établi par les précédents et par la volumineuse juriprudence de la Cour de justice de l'Union européenne !

Une "puissance" fondée sur des principes et des valeurs démocratiques relevant non seulement d'un contrat social ( Du contrat social (Jean-Jacques Rousseau) ) mais de l'ordre constitutionnel ( « Une Union sans cesse plus étroite basée sur un héritage de valeurs communes » ) ! 

Une "puissance" qui a prospéré au travers de son action de production d'un droit dérivé constitutif d'un patrimoine normatif européen commun porteur de solidarités concrètes, de convergence, d'harmonisation, d'équité, de justice, de sécurité, de garanties, de droits fondamentaux et de libertés nouvelles !

Une "puissance" qui n'a eu de cesse de porter haut le principe de la primauté du recours au Droit sur tout autre forme de médiation, pour elle-même autant que dans sa démarche continue et volontariste, et quelque peu messianique, en faveur de l'instauration d'un ordre international régulé et gouverné par ce même principe ! Un puissance qui est parvenue, par exemple, à convaincre ses principaux partenaires de la nécessité d'instituer une Cour pénale internationale !

Mais progressivement, cette "puissance normative" a de facto abandonné cet attachement à ce qui lui confère sa singularité devant l'Histoire :

 - d'une part, en inscrivant son action dans le vaste mouvement libéral de dérégulation, de dérèglementation et de décloisonnement qu'imposaient l'avènement du libre échange, de la concurrence libre et non faussée, et de la disparition des obstacles non tarifaires au commerce,

 - d'autre part, en ne se montrant plus véritablement en capacité d'imposer à ses Etats membres ou à ses propres institutions d'honorer leurs propres signatures en respectant scrupuleusement les obligations issues de sa codification pour elle-même ; les transgressions consistant alors soit à contourner par des initiatives ad hoc entreprises en dehors de son propre cadre juridique la règle ou le principe inscrit dans les Traités, soit à ne pas engager de procédure visant à mettre en application des dispositions essentielles des Traités, soit à ne pas respecter les contraintes fixées par la voie de Pactes (tels que le Pacte de stabilité et de croissance), soit enfin à ne pas transposer en droit interne national, ou à transposer selon un agenda inapproprié, les dispositions du droit primaire dérivé qui requièrent une telle transposition !

Un tel constat nous force à reconnaître avec Zaki Laïdi que le messianisme européen est en échec ! (cf. Le messianisme européen en échec, par Zaki Laïdi (nouvelle édition))

Une telle enkylose doit nous interroger autant sur le niveau de crédibilité de cette puissance normative aux yeux de ses propres Etats membres, institutions et citoyens comme à ceux de ses partenaires et compétiteurs internationaux, que sur celui de son influence effective dans les enceintes internationales ayant vocation à produire comme elle de la codification, que ce soit dans le domaine environnemental, dans celui de la comptabilité financière, ou dans bien d'autres encore !

Alors que sa puissance économique vacille, que son modèle social est mis à rude épreuve, que sa capacité d'intervention extérieure se cantonne au marginal, que sa démographie traverse une crise sans précédent depuis la fin de la seconde guerrre mondiale, que sa dépendance stratégique ne cesse de se creuser au point de faire reposer sa propre sécurité stratégique sur l'Otan et sur un partenariat transatlantique global sans égal, en renonçant à demeurer la grande puissance normative contemporaine qu'elle a été, l'Union européenne peut-elle encore prétendre être cet acteur global à même de peser sur les "affaires" d'un monde en voie de multipolarisation, un monde secoué par ses nombreux et perpétuels soubresauts, recompositions, tensions et fractures, que ce soit de manière autonome ou par la voie de la coopération internationale ?

La multiplication de déclarations et de postures qui témoignent de l'immaturité stratégique de ses institutions ajoute encore au tableau noir qui vient d'être dressé ici (cf. Le Pacte budgétaire ne résoud pas la totalité des difficultés auxquelles sont confrontés l'euro et l'eurozone ! D'autres mesures sont nécessaires ! - nouvelle édition - ; Les 7 péchés capitaux de la PESC ! ; Les sanctions économiques contre l'Iran n'affectent-elles pas uniquement la population iranienne ? ainsi que L'Union européenne cède à toutes les exigences des Etats-Unis, même à celles qui sont contraires à ses principes les plus fondamentaux ou encore Que cherche la Commission européenne en ouvrant outremesure l'accès de ses programmes de recherche à des tiers non européens ? ) !

S'agissant des contrôles des exportations à des fins de sécurité (cf. Contrôles des exportations à des fins de sécurité I - Biens et technologies à double usage ; Contrôles des exportations à des fins de sécurité II - Équipements militaires ainsi que L’exportation d’armes soumise à une clause 'droits de l’homme' ), l'Union européenne produit des textes qui ne sont pas suffisamment contraignants pour contraindre les Etats membres à s'y soumettre ! Pour preuve son impuissance devant les exportations d'équipements de sécurité et de défense opérées par certains de ses Etats membres dans les pays en proie à des révoltes populaires, alors que certaines de ces exportations ne respectent en aucune manière les principes inscrits dans les textes qu'elle a produits. L'absence d'un véitable concept stratégique pour la politique de Sécurité de l'Union n'est certainement pas étranger à cette situation (cf. Interrogations préalables à l'établissement d'un ‘concept stratégique global’ pour la politique de Sécurité de l'Union européenne ).

Bien que les Etats membres aient attribué à la Cour de Justice de l'Union européenne des pouvoirs considérables sans pour autant lui conférer ceux inhérents à l'exercice d'une compétence universelle (cf. La Cour de justice de l'Union européenne), cette dernière allant même jusqu'à être investie d'une autorité juridique supranationale relevant de l'ordre constitutionnel l'autorisant à décider de sanctions à l'égard des Etats enfreignant les règles décidées dans le cadre du droit issu des traités relatifs à la stabilité, à la coordination et à la gouvernance économique au sein de l'Union économique et monétaire (ce qui peut interpeler !), on voit bien au travers du différend qui oppose aujourd'hui l'Union aux grands Etats tiers à propos de la mise en oeuvre effective, sur la base d'un régime contraignant, de sa taxe sur les émissions de carbone produites dans le cadre des activités d'aviation commerciale (cf. Front uni des Etats opposés à la politique verte européenne) que sa norme de droit est désormais systématiquement la source de tensions auxquelles elle ne peut opposer d'arguments d'autorité à la mesure des enjeux.

De deux choses l'une, elle parvient à trouver en elle-même les ressorts d'un sursaut, ou elle disparaitra en tant que pôle de civilisation, de stabilité et de prospérité singulier !

L'épîsode de la taxe carbone qui l'oppose aux grandes puissances mondiales (cf. Malgré les pressions, l'Union européenne maintient sa position sur la taxe carbone ) comme celui relatif au dossier iranien  lui offrent deux occasions historiques pour confirmer ou infirmer son statut de puissance normative crédible !

Plus que jamais, face à la menace d'un rétrecissement stratégique non seulement de l'Europe et de ses Etats membres mais de l'Occident, l'heure est venue de " chercher les bases d'une puissance publique européenne qui ne serait pas la reproduction au niveau européen du concept de l'Etat national, mais une institution capable d'agir et de peser  dans les domaines où les Etats membres auraient convenu  d'exercer en commun leur souveraineté " (cf. Jean-Louis Quermonne dans son ouvrage intitulé " L'Union européenne dans le temps long " : voir sur ce blog les articles qui y sont consacrés : Du socle idéologique minimal d’une Union politique européenne en construction (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! - Première partie - ; Du socle idéologique minimal d’une Union politique européenne en construction (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! – seconde partie – ou encore Vers une puissance publique européenne (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! - Première partie - ainsi que Vers une puissance publique européenne (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! - Seconde partie - ) ; une institution capable de poursuivre l'unification européenne en opérant sur la base des trois éléments du tryptique proposé jadis par Jacques Delors : " la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ".

Et surtout, redonnons force et espoir aux Européens en construisant une Europe qui les protège ! (Redonnons force et espoir aux Européens en construisant une Europe qui les protège ! - sixième partie -)

A suivre ! 

Voir également :

 * Pour un renouveau de l’Europe, par Jacques Delors (Président fondateur de Notre Europe)

 * Pour une Fédération européenne d'Etats-nations : la vision de Jacques Delors revisitée, par Gaëtane Ricard-Nihoul (Synthèse par Yves Bertoncini - Notre Europe)

 * Penser la stratégie signifie aujourd'hui penser et agir de manière à la fois globale et systémique

 * Jusqu'à quel niveau d'intégration l'agenda transatlantique nous entraînera-t-il, sans aucun débat démocratique ?

 * La gouvernance de l’UE à l’épreuve des économies émergentes, par Elvire Fabry (Notre Europe)

 * Penser la stratégie signifie aujourd'hui penser et agir de manière à la fois globale et systémique

 * Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1)

 * Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)

 * Britain and globalisation since 1850 : III - Creating the world of Bretton Woods 1939-1958, by Martin Daunton

 * Retour sur le G20 de Toronto : réaffirmant leur engagement en faveur du libre-échange, les économies du G20 estiment " avoir fait le bon choix "

 * Le libre échange toujours au centre des priorités !

 * Strategie europeenne mondialisation tanugi Strategie europeenne mondialisation tanugi

 * PP for international Trade&Jobs-50258009 PP for international Trade&Jobs-50258009

 * Pascal Lamy : "La démondialisation est un concept réactionnaire" (Entretien avec Alain Faujas, Le Monde) 

 * L’avenir de l’Europe dans la nouvelle économie monde, par Pascal Lamy (Notre Europe)       

 * Retour sur images : L’autre mondialisation ? Quelle autre mondialisation ? par Pascal Lamy

 * Le Parlement européen fait un pas contre ACTA

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

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