La crise de la dette pour les nuls, par Marc Vignaud (LePoint.fr)
Voici les 15 définitions indispensables pour décrypter ce qui se passe en Europe et aux États-Unis.
Investisseur. Ce terme, plutôt vague, désigne souvent l'ensemble des acteurs qui possèdent des actifs en Bourse. Cela va du salarié actionnaire de son entreprise à celui qui épargne sur son plan d'épargne entreprise (PEE) ou son plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), en passant par les banques ou les investisseurs institutionnels. Ce dernier terme désigne principalement les établissements collecteurs de l'épargne de tout un chacun, c'est-à-dire les compagnies d'assurances, les sociétés d'investissement, les hedge funds (ces fonds qui investissent sur des actifs risqués), les fonds de pension...
Action. C'est un titre de propriété correspondant à une part du capital d'une entreprise. Il est généralement associé à un droit de vote lors de l'assemblée générale des actionnaires où ceux-ci valident les décisions des dirigeants. Une action peut donner lieu au versement d'un dividende, c'est-à-dire une fraction des profits réalisés par l'entreprise. Les actions s'échangent sur le marché actions. Sa valeur varie en fonction de l'offre et de la demande.
Obligation. Une obligation ne donne pas un droit de propriété sur l'entreprise. Elle n'accorde pas non plus de droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires. C'est un simple papier émis par une institution (entreprise publique ou privée, ou un État) qui souhaite lever de l'argent. Une obligation est rémunérée par un taux d'intérêt (variable ou fixe) et par le remboursement du capital au bout d'une période prédéfinie. Une fois émise, l'obligation s'échange sur le marché obligataire entre investisseurs. Comme une action, sa valeur varie en fonction de l'offre et de la demande, de même que son taux d'intérêt. Plus les investisseurs demandent d'obligations, moins le taux d'intérêt est élevé.
Dette souveraine. Elle prend la forme d'obligations vendues par un État à des investisseurs pour financer ses déficits. C'est ce qu'on appelle le marché primaire. Une fois émises, pour une période qui peut varier de quelques mois à 50 ans, les obligations souveraines s'échangent entre investisseurs sur le marché secondaire. Plus la certitude que l'État sera capable de rembourser sa valeur au bout de la période est grande, plus elle attire les investisseurs, plus son prix augmente. À l'inverse, une dette considérée comme risquée suscite la défiance. Les investisseurs sont moins nombreux à en acheter, son prix baisse et le taux d'intérêt augmente. Ce qui rend la dette de l'État en question plus chère à financer. Normalement, plus la période de remboursement est éloignée, plus les taux d'intérêt augmentent, car le risque est plus grand de voir l'inflation ronger la valeur future de l'obligation. C'est pourquoi les économistes scrutent les "taux à 3 ans", à "10 ans", à "20 ans"... des obligations d'État. Les banques sont les principales détentrices de la dette souveraine des États, tout simplement parce qu'elle est normalement considérée comme un actif sûr.
Note souveraine. Pour apprécier le risque d'une obligation, les investisseurs s'appuient essentiellement sur la note attribuée à chaque pays par trois grandes agences de notation : Standard & Poor's, Fitch et Moody's, ce qui explique l'importance pour les États de conserver la meilleure note possible, AAA, attribuée uniquement aux meilleurs élèves. Les critères de notation des agences ne sont pas gravés dans le marbre. Chacune applique sa méthodologie. Sont notamment pris en compte le taux d'endettement d'un pays, mais aussi le potentiel de croissance, l'efficacité du système politique, la démographie, l'endettement privé, l'endettement extérieur. Mais aussi la confiance que les investisseurs accordent à la signature d'un État. C'est en partie la raison pour laquelle les agences de notation sont tellement critiquées : en période de panique des investisseurs, elles dégradent la note de l'État sous prétexte d'un manque de confiance des investisseurs, et enclenchent donc un cercle vicieux.
Plafond de la dette. Ce terme est utilisé principalement aux États-Unis, pays qui s'impose une limite supérieure à son endettement, en théorie pour ne pas le laisser déraper. Mais lorsque les objectifs ne sont pas tenus, le président doit revenir devant le Congrès afin de demander l'autorisation de continuer à emprunter. Cet été, la forte opposition entre républicains, qui refusaient d'augmenter les impôts, et démocrates, réticents à accepter des coupes dans les dépenses, a failli placer les États-Unis en défaut de paiement.
Défaut de paiement. Un État peut se retrouver dans une situation où il est incapable de payer les intérêts de sa dette ou d'en rembourser une partie. Il est alors déclaré en défaut de paiement. Pour s'en sortir, il doit restructurer sa dette. Concrètement, il annonce aux investisseurs qu'il ne remboursera qu'une partie des obligations ou, au minimum, qu'il les remboursera bien plus tard que prévu. C'est ce que la Grèce a été obligée de faire pour être de nouveau capable de faire descendre le niveau de sa dette. On a alors parlé de "participation du secteur privé".
Insolvabilité. Lorsque l'endettement d'un État augmente durablement plus vite que ses revenus, sa dette augmente. Au bout d'un certain temps, la croissance de la richesse nationale ne lui permet plus de rembourser. Il devient insolvable. Il risque alors le défaut de paiement sur sa dette. Seule solution : ne pas rembourser intégralement ses créanciers. Les États-Unis ont frôlé le défaut de paiement avant le 2 août, le Congrès refusant de laisser l'État s'endetter plus. Mais Washington n'était pas insolvable ; il avait toujours la capacité de rembourser sa dette, notamment grâce à la confiance des investisseurs dans la signature américaine. Certains États sont parfois confrontés à une crise de liquidité : les investisseurs refusent temporairement de lui fournir de l'argent à un taux raisonnable sans qu'il soit pour autant insolvable.
Double dip. Ce mot anglo-saxon désigne une reprise économique en "W". Il signifie que la croissance rechute après avoir rebondi à la suite d'une première crise. Beaucoup d'économistes considèrent maintenant que les États-Unis ont une chance sur deux de se retrouver dans ce scénario, c'est-à-dire que la croissance replonge.
Quantitative easing (QE). Il s'agit d'une arme monétaire à la disposition des banques centrales, les seules habilitées à injecter la monnaie dans l'économie en augmentant la masse monétaire en circulation. La banque centrale américaine (Fed) a utilisé cette arme, notamment en 2008 et en 2010, alors que l'État fédéral ne disposait plus de suffisamment de marge de manoeuvre budgétaire pour relancer l'économie. La Fed a alors fait marcher la planche à billets, c'est-à-dire qu'elle a créé de la monnaie en achetant des obligations d'État (aux États-Unis, on parle de bons du Trésor) émises pour financer la dette américaine. Elle a pris le risque de créer de l'inflation puisque la masse monétaire en circulation a augmenté. L'argent mis en circulation a pour une part pris la destination des pays émergents, où les perspectives de profit sont plus grandes, provoquant un risque de bulles (immobilier, matières premières...), mais aussi une hausse de la devise locale, très préjudiciable pour les pays en question.
Valeurs refuges. Les valeurs refuges sont constituées de tous les actifs considérés comme sûrs en période de crise de confiance sur les marchés. Les obligations des États les mieux notés figurent parmi celles-ci. La dette allemande fait figure de référence dans la zone euro. On mesure la qualité des autres dettes à la lumière des taux demandés par les investisseurs pour financer l'Allemagne. On parle alors de "spread", soit la différence de taux observés entre les obligations allemandes et les autres. Depuis le début de la crise de la dette, les obligations d'État ne sont plus aussi sûres qu'auparavant. Lorsqu'ils délaissent les marchés actions, plus rémunérateurs mais aussi plus risqués, les investisseurs se tournent encore plus volontiers vers l'or, valeur refuge par excellence, ou vers des monnaies comme le franc suisse ou le yen japonais.
Vente à découvert. Cette opération boursière permet à un investisseur d'emprunter un titre à un intermédiaire financier pour le vendre, avec la promesse de le racheter à une date ultérieure afin de le lui rendre. Avec l'espoir que le titre baisse après la vente pour réaliser une plus-value lors du rachat. Les défenseurs de cette technique expliquent qu'elle permet d'augmenter la liquidité sur le marché, c'est-à-dire de garantir qu'il existe à tout moment des acteurs prêts à acheter et à vendre. Cela permet d'éviter qu'un investisseur ne se retrouve coincé avec un titre dont il ne veut plus. Mais en période de panique des investisseurs, cette technique peut accentuer l'effondrement d'une valeur. C'est pourquoi l'Autorité des marchés financiers a décidé d'interdire les ventes à découvert depuis le 11 août afin d'interrompre la dégringolade en partie artificielle des banques françaises.
Fonds européen de stabilité financière (EFSF). Mis sur pied après le premier sauvetage de la Grèce en mai 2010, le Fonds est capable d'emprunter au meilleur taux d'intérêt sur les marchés grâce à la garantie apportée par les États sains de la zone euro qui y participent. L'objectif : prêter aux pays en difficulté ou acheter de la dette sur le marché secondaire. En cas de défiance des investisseurs privés sur la dette d'un État de la zone euro, le fonds agirait alors pour faire retomber les taux d'intérêt. Mais sa capacité d'emprunt - 440 milliards d'euros - serait insuffisante pour sauver des pays comme l'Espagne et l'Italie.
Credit Default Swap. Cet instrument financier permet à un investisseur de s'assurer contre un risque de défaut de paiement. Les CDS souverains permettent de se couvrir contre le risque de défaut d'un État. Mais comme il n'est pas nécessaire de détenir effectivement de la dette pour venir sur ce marché, il peut être pollué par des spéculateurs. Le problème, c'est qu'il est généralement utilisé pour mesurer la confiance que les investisseurs accordent dans la dette d'un État, ce qui peut aboutir à en fragiliser certains alors qu'ils ne rencontrent pas de problème particulier.
Eurobond. C'est une des solutions évoquées pour mettre fin à la panique qui a saisi les investisseurs misant sur la dette européenne. L'idée est de mutualiser la dette des différents pays européens dans des eurobonds pour permettre à ceux qui sont le plus en difficulté d'emprunter à un taux raisonnable. Avec le risque que les Allemands, aujourd'hui capables d'emprunter à des taux très bas, soient obligés de payer un taux légèrement supérieur pour s'endetter. Ce serait le début d'une fédéralisation de la dette européenne.
Source : http://www.lepoint.fr/economie/la-crise-de-la-dette-pour-les-nuls-12-08-2011-1362311_28.php