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22 Décembre 2013
Pour la première partie de cet article, voir La place centrale de " l'action d'ensemble "
dans l'oeuvre du Général Lyautey au Maroc : une leçon utile à tirer de l'Histoire ! - Première partie -
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Le projet d'emprunt marocain admis par le
gouvernement, - le vote allait en êtr retardé par une longue sériue d'interruptions malencontreuses, - s'élevait à 230 millions.
Les dettes du Makhzen
étaient de 25 millions, la créance du gouvernement français atteignait 70 millions ; ceci formait pour le passif seul du Makhzen un total de 95 millions.
C'était un gros chiffre, mais la liquidation de ce lourd passé s'imposait.
Les 135 millions restants se répartissaient ainsi :
- 10 millions d'indemnité pour les victimes des évènements de Fez et de Marrakech ;
- 50 millions pour les travaux du port de Casablanca déjà bien avant d'adjudication ;
- 26 millions 250 000 francs pour les routes, ce chapitre essentiel de la pénétration marocaine.
- 15 millions pour les services publics, chiffre modeste qui devait être forcément dépassé, mais nul ne pouvait alors prévoir l'extension si rapide de l'action protectrice ;
- 10 millions pour les hôpitaux et les dispensaires. L'énergie et le dévouement du corps médical allaient exploiter ces ressources à l'extrême, et l'un des arguments principaux de
notre présence au Maroc allait être l'assitance médicale aux indigènes ;
- Il fallait encore compter 10 millions pour les écoles et les collèges ;
- 5 millions pour les postes, télégraphes et téléphones ;
- 2 millions pour les forêts ;
- 800 000 francs pour les irrigations et les champs d'essai ;
- 50 000 francs pour la carte du Maroc ;
- 2 500 000 francs pour le cadastre ;
- 3 250 000 pour les travaux des villes.
Cette répartition des 230 millions de l'emprunt, énumérée ainsi, ne paraît qu'une sèche nomenclature du budget administratif. Elle contenait cependant de quoi faire rêver tous ceux que le
Maroc avait déjà conquis par sa forte emprise, et si, à notre époque, tout se résume par le chiffre, ce chiffre-là semblait plus qu'une promesse : il était un programme en plaine
réalisation. Devant toute cette activité, le " mektoub " musulman, l'inéluctable " c'était écrit ", contemplait avec intérêt l'allant français. Celui-ci ne cherchait pas à le
contraindre et se bornait à entraîner par la contagion de l'exemple et les avantages du travail à deux. Le fatalisme indigène trouvait aussi chez le nouveau maître deux vertus qu'il admire : le
brio et le sentiment des réalités. Conquis pas ces deux facteurs, il consentait à s'émouvoir et donnait un effort sans lequel la protection ne pouvait agir.
La répartition du Maroc en régions administratives distinctes, pourvues chacune d'une large autonomie, favorisa dès les premiers mois les effets de l'association. A Fez, Meknès, Rabat,
Casablanca, Marrakech, surces cinq territoire aussi résolument acquis aux bénéfices de la tranquillité que les banlieuses de Paris ou de Londres, des populations que rien ne rapprochait encore
conservaient leurs coutumes et leurs juridictions locales. Tout se passait à l'opposé de nos méthodes algériennes : " Les résultats obtenu permirent, en 1913, c'est-à-dire
après moins d'une année de Protectorat, d'envisager l'installation d'une administration civile, en Chaouïa et dans le Gharb, ainsi que dans la banlieue Rabat ". (cf. L'histoire
et l'organisation du Protectorat, par M. Henri Gaillard. Conférences franco-marocaines, tome 1er).
Il était déjà loin, ce passé qui datait d'hier, lorsque le Sultan et son Makhzen, suivis du coffre aux archives, se promenaient entre les différentes capitales chérifiennes, à la tête d'une harka
qui razziait tout sur son passage. Aujourd'hui les cinq grandes croisées de routes des plaines marocaines, ces carrefours où viennent aboutir les échanges, se trouvaient sillonnées par les
premières voies de pénétration, le rail allait les unir, chacune recevait, dans une répartition à peu près égale, les organismes nécessaires à toute vie civilisée. On créait ainsi, peu à peu, un
Maroc homogène, englobant les grandes régions agricoles et forestières, le pays makhzen, ses villes et ses richesses. Le système vital de l'empire, actionné pour la première fois par une seule
impulsion, trouvait enfin ce qui lui avait toujours manqué jusqu'ici : un noyau central protégé contre l'invasion.
Le Sultan et le Makhzen apprenaient à vivre et, si leurscasses se remplissaient moins vite qu'auparavant, elles acquéraient par contre cette faculté inattendue de conserver quelques réserves.
Les cinq grandes régions chérifiennes : Fez, Meknès, Rabat, Casablanca, Marrakech, étaient organisées simultanément, ce qui privait la résistance de son procédé le plus familier : le désordre
reprenant ses droits sitôt que le vainqueur se tourne vers un nouvel obstacke. La simultanéité, l'impulsion pareille, partout à la fois, allaient éviter ce perpétuel reflux de la guerre.
En accordant ainsi, d'un même coup, au pays pacifié les mêmes privilèges, le Protectorat s'assurait un nombre considérable de partisans qui lui épargnaient le sort de toutes les occupations
précédentes, rejetées à la côté après une résistance plus ou moins longue.
Les rivalités chroniques des grands centres cédaient devant la force du régime protecteur. Ainsi pour les gens de Rabat-Salé, de Fez ou de Meknès il n'y avait plus de honte à s'entendre. Une
force supérieure les y contraignait, l'honneur était sauf.
A Paris, tous ces mots : " pacification, chemins de fer, ports, voies de pénétration, politique indigène " que prodiguaient, très fiers de leur science nouvelle, les touristes
arrivant de Rabat ou de Casablanca, semblaient dénués de signification. L'oeuvre semblait inconnue de ceux qui ne s'en étaient pas approchés.
L'action marocaine ne s'entrevoyait que vaguement, à travers les dépêches parlant d'opérations militaires ou relatant la marche des colonnes, leurs pertes, leurs combats : le reste semblait
l'inévitable redite de toute oeuvre coloniale. Mais le Maroc eut l'heureux destin de s'attirer l'appui de quelques personnalités qui s'attachèrent à lui et plaidèrent pour lui devant le
Parlement, avec une conviction ardente, aux moments les plus critiques. Ce fut sa chance.
C'est qu'il suffisait d'aller sur place, de le voir au travail pour devenir son meilleur partisan, et si le Protectorat fut, à ses débuts, méconnu par la foule, ses quelques amis et les
pionniers de la première heure le soutinrent ardemment. Indifférent aux blâmes et aux éloges, emporté par sa propre impulsion, il se hâtait dans sa progression rapide, sachant qu'il fallait,
avant tout, doubler les étapes.
Le budget enfin à peu près établi, le rail militaire lancé provisoirement comme agent de liaison entre les différents centre, il devenait possible de vivre et de respirer, mais sans perdre la
vitesse acquise.
Chaque fois qu'une menace troublait le ciel marocain, Fez était, pour le Résident Général, le baromètre enregistreur de son entente avec le monde musulman, et c'est sur Fez que se portait toute
sa vigilance. Les efforts des premiers instants étaient continués. La municipalité indigène, le Medjless, tenait ses premières promesses et s'adaptaient aux innovations qui lui étaient imposées.
Les notables indigènes discutaient avec les officiers européens sur pied d'égalité. Ceux-ci avaient pour consigne de ne pas ordonner, mais de persuader. Fez apprenait les principes sanitaires
dont elle ignorait jusque-là les premiers rudiments, et s amétamorphose surprenait tous ses habitués.
On cessa d'y mourir à toute occasion, les hôpitaux et les dispensaires luttèrent contre les maux affreux qui décimaient une population résignée à tout, sauf à construire ailleurs que sur des
collines d'immondices. Les épidémies qui, sans raison apparente, la ravageaient d'un bout à l'autre de l'année, furent enrayées. L'oeuvre médicale de notre domination à Fez occupa certainement,
dans la conquête marocaine, l'une des premières places; Il en fut ainsi dans toutes ces grandes cités de la plaine, dont le nom revient forcément à chaque page de l'histoire du Protectorat.
Raconter l'une, c'est raconter l'autre. Si leurs physionomies diffèrent, si leurs façons d'être ne se ressemblent pas, le lien français qui les unit a sur chacun posé sa marque. C'est lui quileur
donne ce même trait si frappant qui partout apparaît au premier abord, ainsi que cette netteté, cette ferme élégance d'une maison parfaitement ordonnée.
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Pour la troisième partie de cet article, voir :
La place centrale de " l'action d'ensemble " dans l'oeuvre du Général Lyautey au Maroc : une leçon utile à tirer de l'Histoire ! - Troisième partie -