C'est un aspect majeur de la crise en Ukraine : la dette. En 2014, le pays doit rembourser 7 milliards de dollars à ses créanciers : banques, institutions, etc. La Russie lui réclame également des arriérés de paiement sur le gaz naturel, pour un montant de 17 milliards de dollars.
Or ses réserves se creusent à grande vitesse. À la fin du novembre, elles atteignaient 18,79 milliards de dollars, après un effondrement de près de 10 % au cours de ce mois, selon la Banque centrale.
La probabilité de faillite se rapproche donc, sans qu’une solution ne se dessine à court terme.
La monnaie ukrainienne, l’hryvnia, s’échangeait vendredi 13 décembre à un plus-bas historique, soit 8,31 hryvnias contre un dollar, à la veille d’un appel à une mobilisation massive.
« Plus longtemps dure l’incertitude politique, plus les chances de faillites augmentent » constate Gilles Seville, analyste chez Fitch Ratings à Londres.
L’agence Fitch note la dette de l’Ukraine B-, soit l’une des pires notes attribuées à un pays en ce moment. Seuls l’Argentine et le Venezuela affichent des notes plus risquées. L’Argentine a fait défaut en 2001 et doit désormais affronter ses créanciers. Le Venezuela dispose d'une dette importante et a tendance à dévaluer en cas de tensions sur son économie, ce qui affaiblit sa capacité de remboursement.
Pour l'agence de notation Moody’s, la probabilité de défaut de l'Ukraine est aussi la plus élevée du moment dans le monde.
Cercle vicieux
« Le problème c’est que les réserves du pays sont très faibles », affirme Charles Seville. Un problème qui s'auto-alimente : les banques ne veulent plus prêter à l'Ukraine faute de contreparties solides, et le pays fait face à des retraits massifs [...] pour la même raison. La crise politique a donc placé le pays dans un cercle vicieux, qui semble devoir dicter la suite des évènements : fuite de capitaux massive, puis faillite.
La faible légitimité actuelle du président accentue le problème financier du pays : sa capacité à imposer des réformes est désormais proche de zéro.
Le dernier emprunt du FMI que le pays n’a pas honoré supposait de faire grimper les prix du gaz domestique afin de restaurer à la marge les finances du pays.
Une mesure que le gouvernement ne s’est jamais résolu à faire, par crainte d'impopularité. Des élections présidentielles sont prévues en 2015 dans le pays.
Subventions au gaz
Le pays a donc continué à subventionner le gaz qu’il vendait à sa population, alors que la Russie lui vend très cher depuis 2010 après lui avoir laissé à un prix dérisoire entre 2000 et 2010.
« Il y a un vrai problème politique, puisque le gaz russe qui arrive directement par gazoduc en Ukraine est 4 fois plus cher que le même gaz que le pays peut acheter en passant par la Pologne », constate Marielle de Sarnez, eurodéputée MoDem qui plaide pour un soutien actif de l’Europe à l’Ukraine.
Nouvel emprunt
S’il veut éviter la faillite, la seule solution qui s’offre au pays serait de contracter un nouvel emprunt pour échelonner ses remboursements. L’hypothèse la plus probable serait qu’il contracte ce nouvel emprunt auprès du FMI, avec lequel une négociation est en cours pour un montant de 15 milliards d'euros. Ce serait en tout cas la plus solide pour les agences de notation.
Mais l'hypothèse n’a pas l’air de séduire le président Ianoukovitch, qui n’a déjà pas honoré le précédent programme du FMI et les réformes qui l'accompagnaient.
Le défaut de la dette ukrainienne fait trembler aussi en Russie, où la bourse a chuté depuis le début des manifestations. La banque Sberbank pourrait perdre 4 milliards de dollars dans la faillite du pays en créances non remboursées ; mais le reste de l’économie russe est aussi largement exposée à une éventuelle faillite de l’Ukraine, qu’il s’agisse des télécoms ou du gaz.
L'Ukraine réclame 20 milliards
Dans le cadre de ses négociations avec l’Europe, le premier ministre ukrainien, Mikola Azarov, avait déclaré cette semaine qu’il demandait 20 milliards d’euros à l’Europe pour compenser le coût de la signature. Un montant que l’UE n’est pas prête à payer, même si le commissaire européen chargé de l’Élargissement, Stefan Füle, a promis une aide financière au pays.