Parce qu'elle est associée à un mal européen, la question des travailleurs low-cost est sensible pour la campagne des élections européennes qui démarre. La France tente de faire évoluer la situation en plaidant pour une modification des textes en vigueur lundi 9 décembre lors d'un conseil des ministres européens du Travail.
Pour Pervenche Berès, eurodéputée socialiste, présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales au Parlement européen, « la question des travailleurs low-cost renvoie à une réalité qui sape le modèle social européen. Le fait que des européens soient exploités à bas prix dans un autre pays que le leur pollue tout le débat sur la mobilité des travailleurs.
« On est dans une situation renversée : en 1996 c’était une directive pour favoriser la mobilité et protéger les travailleurs. Aujourd'hui on a des travailleurs qui ne sont plus protégés à cause du contournement du texte »
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210.000 travailleurs détachés en France
Selon le ministère du Travail, 210.000 travailleurs low-cost sont actuellement présents sur le territoire français. Soit presque 10 fois plus qu'en 2005, avant l'élaboration de la fameuse directive. En 2012, ils étaient 170 000, dont près de 32 000 Polonais, 20 000 Portugais, 17 000 Roumains et 13 000 Allemands.
Le secteur du bâtiment est le plus affecté.
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« Il y a eu des dérives », explique Pervenche Berès. « D’une part elle date de 1996, depuis il y a eu des élargissements. D’autre part il y a eu la crise qui a incité les gens à aller chercher du travail ailleurs. Et enfin les arrêts de la Cour de Justice ont rendu caduc le dispositif de la directive : normalement le régime le plus favorable devait s’appliquer. »
La position de la France s'inscrit aussi dans une perspective politique, alors que le Front national entend exploiter le sujet comme un thème de campagne.
Réviser la directive durant la prochaine mandature
« C'est un enjeu politique. Il faut uniformiser les conditions sociales des travailleurs, pour les protéger. Aujourd'hui la position de la France consiste à rétablir un minimum d'équité, ce qui n’empêchera pas d’envisager une révision de la directive elle-même. Nous allons faire campagne pour cela pour que la directive soit révisée durant la prochaine mandature. »
Autre élément majeur pour le droit social européen, l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne promise par la grande coalition entre la CDU et le parti social-démocrate SPD pourrait faciliter l'adoption d'une nouvelle directive sur le travail en Europe.
Le salaire minimum en Allemagne, ce serait les congés payés en 1936
« L'Allemagne qui impose un salaire minimum, ce serait comme les congés pays en 1936... un événement ! Bien sûr cela pourrait limiter le dumping social. »
En revanche l'élue reconduite sur les listes électorales du PS pour les élections de mai s'inquiète des menaces qui pèsent sur le modèle social européen. Comme le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement.
Le TTIP, machine de guerre contre l'Europe sociale
« Ce traité est une machine de guerre contre le modèle social européen. Il ne résout pas du tout les problèmes auxquels l'Europe est confrontée, au contraire !
On a des problèmes de divergence, de polarisation, de déséquilibres au sein de l’UE. Ce sont des problèmes que le traité va aggraver ! Et le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ne va pas inventer de l’industrie là ou il n’y en a pas ! Il faut être réaliste. Cela fait 15 ans qu’on nous dit qu’il faut harmoniser les règles entre l’UE et les États-Unis, et en pratique la seule harmonisation qui se produire c'est que les États-Unis nous impose leurs règles. Comme les normes comptables, par exemple. Le rapport de force n'est pas à notre avantage, c'est évident. Donc cela ne sert à rien de dépenser de l'énergie à négocier ce traité, c'est une erreur. »