Le taux de participation, enjeu du référendum au Maroc
Il est généralement acquis que le roi Mohamed VI obtiendra une confortable majorité au référendum organisé vendredi au Maroc sur la réforme constitutionnelle proposée dans le contexte du "printemps arabe".
Mais une faible participation pourrait relancer les revendications en faveur de changements plus profonds.
Le mouvement du 20-Février surgi au Maroc n'a rien de comparable avec les rébellions qui ont renversé les présidents tunisien et égyptien au début de l'année. Il se contente de demander que les pouvoirs du monarque soient ramenés au niveau de ceux dont jouissent ses homologues européens.
La nouvelle Constitution prévoit que le souverain continuera de nommer le Premier ministre, mais ce dernier devra être issu du parti ayant remporté le plus de sièges aux élections législatives. Le roi pourra aussi opposer son veto à la nomination des autres ministres et proposer leur limogeage.
Le texte reconnaît explicitement les pouvoirs exécutifs du gouvernement mais maintient le monarque à la tête de l'armée et du système judiciaire. Il conserve son statut de Commandeur des Croyants, qui fait de lui la seule autorité religieuse au Maroc.
Le souverain pourra toujours dissoudre le Parlement, mais plus de manière unilatérale comme c'est le cas actuellement.
La consultation, qui sera suivie de près par les monarchies du Golfe, est le premier référendum constitutionnel organisé depuis l'accession au trône de Mohamed VI, il y a douze ans.
Agé de 47 ans, le monarque a réussi, avec un certain succès, à améliorer la situation héritée de son père Hassan II, qui après 38 ans d'un règne marqué par des atteintes aux droits de l'homme, a laissé un taux élevé de pauvreté et d'illettrisme.
FOSSÉ ENTRE RICHES ET PAUVRES
Mais bien que la popularité personnelle de Mohamed VI ait des chances de faire pencher de nombreux électeurs en faveur des réformes, le ressentiment face à un fossé persistant entre riches et pauvres pourrait limiter l'ampleur de la victoire.
" La majorité approuvera la réforme. Ce qui est vraiment en jeu, c'est le taux de participation ", estime Lahcen Daodi, du Parti de la Justice et du Développement (PJD, parti d'opposition islamiste modéré), qui soutient les réformes.
" Le pays a pendant longtemps été dirigé de manière chaotique et cela a sapé la confiance dans les élections ", explique-t-il, ajoutant qu'un taux de participation inférieur à 70% pourrait encourager les critiques formulées par le mouvement du 20-Février.
Atteindre un tel score risque de ne pas être tâche facile. Le taux de participation aux dernières élections législatives, en 2007, n'était que de 37%, le plus bas jamais enregistré.
Certains détracteurs affirment que si les réformes du monarque sont perçues comme une tentative du roi et de la Cour de s'accrocher au pouvoir, cela risque d'éroder la confiance au sein de la population.
Quarante-six pour cent des 34.200 personnes interrogées par le portail indépendant Lakome.com ont dit avoir l'intention de boycotter la consultation. Seules 44% ont dit qu'elles voteraient pour les réformes et 6% qu'elles voteraient "non".
Depuis l'annonce du référendum par le roi, au début du mois, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour dire que les réformes n'allaient pas assez loin et que la date de la consultation n'a pas laissé suffisamment de temps aux Marocains, dont près de la moitié sont illettrés, pour les étudier.
PLÉBISCITE
En dépit de finances publiques peu solides, les autorités ont accordé en mai des augmentations de salaire aux fonctionnaires et aux militaires et ont pratiquement triplé les subventions aux prix des produits alimentaires et de l'énergie.
Les autorités ont ordonné aux prédicateurs de s'exprimer dans les mosquées en faveur des réformes. Lors des meetings de promotion de la révision constitutionnelle, la distribution de nourriture et de boissons gratuites a suscité une forte affluence.
Les chaînes de télévision, toutes contrôlées par l'Etat, ont accordé une très large place aux partisans des réformes, même si les partis politiques qui y sont opposés ont bénéficié d'un certain temps d'antenne.
Le mouvement du 20-Février a réuni les islamistes partisans de la création d'un califat islamique et des militants laïcs de gauche attachés à la lutte contre une corruption qui, selon eux, se développe. Ils ont annoncé leur intention de poursuivre leur lutte commune pour un système de monarchie parlementaire.
" Nous rejetons ce qui a été offert parce que cela ne laisse sur le terrain qu'un acteur unique (le roi) ", explique Najib Wawki, l'un des coordinateurs du mouvement. " Rien ne garantit que le référendum sera mené de manière équitable et nous avons vu comment les autorités ont mobilisé les prédicateurs des mosquées et les rouages de l'Etat en faveur d'un vote positif ".
Ali Anozla, du portail Lakome.com, estime que la campagne en faveur du référendum a réduit le projet de réforme à un plébiscite en faveur du souverain. " C'est devenu une question d'allégeance, bien que le roi n'en ait pas besoin car sa légitimité n'a jamais été mise en question ", dit-il.
" C'est dangereux pour l'avenir de la démocratie au Maroc ".
Source : Reuters