Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !
13 Décembre 2011
Plus que jamais, les échanges entre les différents protagonistes de l'agenda transatlantique connaissent une densité, une intensité et une régularité qui appellent à nous interroger sur leur portée autant que sur leur visée !
Limité il y a peu encore aux grandes questions économiques et commerciales, cet agenda couvre désormais les questions stratégiques et de sécurité !
En témoignent à la fois :
- le choix qui a été fait de confier à la Grande Bretagne, notamment au travers de la désignation de la Baronne Ashton à la tête du Conseil 'Affaires étrangères et comme Haut Représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, les clés des dossiers politiques et diplomatiques les plus sensibles, ainsi que de celle deTony Blair comme représentant permanent du Quartette au Proche-Orient, au risque de décrédibiliser le projet d'autonomie politique et stratégique de l'UE,
- la priorité qui a été donnée à la satisfaction des objectifs d'un partenariat UE-OTAN 'renforcé', ce qu'illustrent :
* Le cadre institutionnel des relations euro-américaines
* le parti stratégique pris par la France de réintégrer les structures militaires intégrées de l'OTAN, d'entreprendre quasi simultanément un rapprochement stratégique avec le Royaume-Uni, après que ces deux Etats aient opéré un alignement doctrinal en matière de sécurité nationale sur la doctrine américaine, entraînant derrière eux une Union européenne particulièrement docile,
* l'intérêt et l'importance qu'y portent non seulement le Conseil mais également la Commission européenne, au travers d'échanges confidentiels, au plus haut niveau, avec certaines personnalités particulièrement influentes de l'OTAN, et d'une grès grande tolérance à l'égard de la participation d'Etats tiers à ses principaux programmes ayant un contenu politique, stratégique et/ou sécuritaire significatif (cf. par exemple Que cherche la Commission européenne en ouvrant outremesure l'accès de ses programmes de recherche à des tiers non européens ?), comme si la Commission européenne agissait déjà en échelon précurseur " d'une super commission euro-américaine (USA/UE) chargée de « l'intérêt général occidental » et garante d'une « coopération équilibrée » " ... (cf. Une bonne alliance euro-américaine ! Par Jean Dufourcq - nouvelle édition -),
* la position sur la Communauté de Sécurité euro-atlantique du président du Conseil européen, H. Van Rompuy, telle qu'elle ressort à la fois de son allocution lors de la 47ème Conférence sur la Sécurité de Münich (cf. Speech by H. Van Rompuy at the 47th Munich Security Conference - "Towards a Euro Atlantic Security Community-Supporting the Fight for Freedom", (Munich, 5 February 2011) ), et de son allocution lors de la 47ème Conférence sur la Sécurité de Münich (cf. "Transatlantic responses to global insecurity", by Herman Van Rompuy (President of the European Council - Brussels, 26 March 2010) ),
* l'ouverture des instances de l'Union en charge des dossiers politico-militaires à des personnalités américaines et otaniennes, comme si celà allait de soi .... ,
* l'ouverture des missions de gestion de crise de l'Union européenne aux opérateurs civils et militaires américains de la gestion de crise (cf. Union européenne : Coopération avec les États-Unis pour les opérations de gestion des crises),
* les appels récurrents du Parlement européen en faveur d'un renforcement du lien transatlantique sur les dossiers les plus importants (cf. notamment Le Parlement européen est pour la conclusion d'un nouvel "accord de partenariat transatlantique" d'ici 2012 et un "marché transatlantique unifié" en 2015 ainsi que Sommet UE/Etats-Unis : le Parlement européen prône le renforcement de la coopération transatlantique sur la sécurité, l'économie et le climat)
* les analyses portées et relayées au niveau des plus hautes instances politiques de part et d'autre de l'Atlantique (cf. notamment à cet égard Shoulder to Shoulder : Forging a Strategic U.S.- EU Partnership (1) ; Shoulder to Shoulder : Forging a Strategic U.S.- EU Partnership (2) ; Towards a Post-nuclear, Comprehensive Euro-Atlantic Security Community, by Wolfgang Ischinger ; Vers une nouvelle architecture institutionnelle transatlantique ? par Jolyon Howorth ; "A Shared Security Strategy for a Euro-Atlantic Partnership of Equals", par Simon Serfaty et Sven Biscop - nouvelle édition - ; La synchronisation des processus de planification de l'Otan et de l'UE est à l'étude ainsi que La France, l’OTAN et l’UE selon Pascale Andréani, par Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2.eu) )
* une pratique quelquepeu asymétrique de la réciprocité entre les acteurs américains et européens, qui ne laisse pas d'interpeler (cf. Que cherche la Commission européenne en ouvrant outremesure l'accès de ses programmes de recherche à des tiers non européens ? ou encore les directives relatives au marchés publics de défense : Marchés publics de défense ).
Bien sûr, le partage de principes, d'objectifs et de valeurs fondamentaux, l'histoire commune, la culture partagée, la très forte interpénétration des économies européenne et américaine, la nécessité de rechercher collectivement des remèdes aux maux provoqués par un capitalisme spéculatif débridé, 'sans foi ni loi', le souci partagé d'élaborer des anticipations communes des risques systémiques et menaces globales afin de prévenir des crises majeures susceptibles de mettre durablement à mal les fragiles et complexes équilibres internationaux dans un monde où émergent de nouvelles puissances, justifient et légitiment une telle densification de la relation transatlantique !
Bien sûr, la lutte contre le terrorisme international, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la lutte contre la piraterie, l'accompagnement des transitions démocratiques partout dans le monde, la recherche de réponses collectives efficientes et efficaces aux désordres monétaires et des marchés financiers, la difficulté d'accès aux ressources financières internationalement mobiles et bien d'autres objectifs communs justifient en soi un rapprochement des stratégies et des doctrines militaires et diplomatiques.
Bien sûr, l'édification de facto de nouveaux pôles de puissance, voulue ou subie, ajoute encore à la nécessité d'un renforcement du dialogue politique et stratégique transatlantique.
Mais alors, puisque c'est bien de celà dont il s'agit quotidiennement dans les actes des institutions européennes, pourquoi ne pas affirmer ouvertement, publiquement, démocratiquement, que, désormais, le projet politique européen consiste à nourrir et à étayer un autre projet à la fois politique et stratégique : bâtir une Union transatlantique matérialisant un pole de puissance autonome en interdépendance avec d'autres poles de puissance en émergence ! Ou encore, bâtir une Union occidentale, cet objet non démocratiquement identifié résultant d'une prophétie autoréalisatrice sur le modèle de ce qu'a ouvertement appelé de ses voeux l'ancien Premier ministre français Edouard Balladur (cf. notamment à cet égard http://www.france-amerique.com/articles/2008/09/10/edouard-balladur-plaide-a-washington-en-faveur-d-un-rapprochement-entre-l-europe-et-les-etats-unis.html ) !
Aucun débat démocratique n'a précédé ce grand mouvement stratégique sous-marin ! Un mouvement qui prolonge et consacre l'esprit comme la lettre du courrier signé le 30 janvier 2003 par J-M Aznar, T. Blair, S. Berlusconi, V. Havel, P. Medgyessy (Hongrie), Leszek Miller (Pologne), Anders Fog Rasmussen (Danemark) ainsi que par un certain J-M Barroso, alors premier ministre portugais ! Qui peut avoir oublier cette lettre dite " lettre des huit " qui appelait les Européens à s'aligner sur la position de l'administration Bush en Irak ! Tout un programme ! celui de l'Union post Lisbonne !
Il est vrai que les peuples, les citoyens, les consommateurs, les contribuables, ne pèsent rien face à des élites qui savent ... puisque ce sont les élites !! Et les peuples ne doivent-ils suivre, de préférence aveuglément, leurs élites sur des sujets qui les dépassent ... ? Quitte à en payer le prix fort !!
Les peuples du Sud de la Méditerranée et de la Péninsule arabique sont peut-être en train de montrer que les choses ne sont pas aussi simple en la matière ! Leur regard critique sur l'action que mène notamment Tony Blair au Proche-Orient est éclairant à cet égard (cf. Au Proche-Orient, la crédibilité de Tony Blair est remise en question, par Laurent Zecchini (Le Monde) ) !
Ceux d'Europe se mobilisent également, à leur manière, pour refonder la démocratie !
Comment pourrions-nous continuer sur cette voie (cf. La politique telle qu'elle meurt de ne pas être, de Michel Rocard et Alain Juppé) ?
Si Joschka Fisher, Dany Cohn-Bendit, Guy Verhofstadt et bien d'autres personnalités politiques éminentes s'emploient à faire progresser le projet alternatif d'Etats-Unis d'Europe (notamment au sein du groupe Spinelli : http://www.spinelligroup.eu/fr), force est de constater, tout en le déplorant, que le chemin est parsemé d'embûches, notamment celles que dressent aujourd'hui sur son chemin une grande partie de ceux qui sont en responsabilité au coeur des principales institutions de l'Union !
Alain Juppé, ministre d'Etat en charge au niveau gouvernemental des questions internationales et stratégiques, déploie beaucoup d'énergie pour que le projet d'"Europe de la défense" (terme impropre tellement il emporte d'ambiguïtés 'non constructives') ne finisse pas par définitivement sombrer dans cette lutte du 'pot de terre' contre le 'pot de fer' (cf. Alain Juppé à Bruxelles : « je suis venu redonner des couleurs à l’Europe de la Défense », par Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2.eu) ainsi que Sous l'impulsion d'Alain Juppé et de Gérard Longuet, la France revient en force sur les grands dossiers de la politique de défense et de sécurité commune de l'UE ) !
Pour autant, comme le déplore amèrement Alain Richard, le ministre de la Défense de la cohabitation Chirac-Jospin qui s'est trouvé en première ligne à la fois pour le lancement de la PESD, du processus de la LoI lié aux restructurations industrielles transnationales dans le domaine de la défense, ainsi que du processus capacitaire de l'Union : " La disponibilité des Etats membres à entrer dans une défense mutuelle n'est pas en progrès !" tout en constatant que si la France a bien été le promoteur de l'autonomie européenne dans ce domaine, " les quinze dernières années ont montré qu'il n'existe pas de partenaire européen qui partage ce point de vue ". (cf. également à cet égard : Bâtir une défense commune pour assurer l’autonomie politique et stratégique de l’Union européenne ! Du constat d’absence d’un tel projet politique dans l’agenda européen ! )
L'heure d'un nouveau pacte politique et démocratique en Europe est venue (cf. Appel en faveur d'un nouveau pacte politique et démocratique en Europe ! - troisième partie -) ! Un pacte qui établira si la voie empruntée aujourd'hui par les décideurs politiques est bien, ou n'est pas, celle voulue par les Européens dans leur ensemble !
Ensemble rebâtissons l'Europe voulue par Robert Schuman en évitant les pièges à effets différés qui nous ont été tendus par Jean Monnet et ses amis anglais et américains !