Trois évolutions - parmi d'autres - de l'UEM qu'il faut opérer sans délai !
Un certain nombre d'acteurs européens ont compris la nécessité d'une ouverture au sein de l'UEM d'un cadre propice au développement d'un processus de coordination budgétaire et fiscale (domaines qui relèvent encore de la compétence nationale en vertu du traité bien que des transferts et partages de souveraineté soient à l'oeuvre par biais d'une attribution - parfois formelle, parfois informelle - de compétences subsidiaires (*) à l'Union qui ouvre la voie à plus de convergence, plus de coordination véritable, voire même à une harmonisation rendue juridiquement improbable eu égard aux dispositions restrictives du traité en la matière !
L'UEM a incontestablement besoin que l'on revoie son économie générale dans le sens d'une fédéralisation politique (cf. notamment à cet égard Construisons une Europe de la relance ! (Le Monde) ; Dossier de la Mondialisation n° 22 "L'avenir de l'euro dans la mondialisation » ainsi que Stability and growth: perfecting the new European pact, by Jacques Delors, Antonio Vitorino and Notre Europe board of directors (Notre Europe) ) !
Outre les aspects tenant à la mise en place d'une Union bancaire (aspects par ailleurs remarquablement bien traités par Sofia Fernandes - cf. Crise de la dette et crise bancaire : vers des garanties européennes ? par Sofia Fernandes (Notre Europe) - ), et ceux tenant à l'indispensable prise en compte dans l'approfondissement de l'UEM de la dimension sociale (cf. La réflexion sur la dimension sociale de l'UEM est - enfin - entamée ! ), cette révision doit conduire a minima à trois évolutions majeures :
a) revoir les processus de passage d'une phase à la suivante en durcissant les critères de passage et en précisant les conditions exigées pour s'y maintenir (cf. notamment le mécanisme ayant abouti à l'accès de la Grèce dans la 3ème phase de l'UEM : Retour sur images : Examen de la convergence pour l'entrée de la Grèce dans la zone euro au 1er janvier 2001 (Banque de France)),
b) rendre possible, selon des modalités à préciser, un retour en arrière d'un Etat membre dont les difficultés structurelles ne lui permettent pas de satisfaire durablement les conditions de son maintien dans la phase actuelle (celà vaut notamment pour le retour à la 2ème phase d'Etats comme la Grêce qui devraient pouvoir reprendre leur monnaie nationale en conservant l'euro comme monnaie commune conformément aux suggestions formulées par des économistes comme Jacques Sapir),
c) instituer une 4ème phase (cf. à cet égard Une réponse politique et institutionnelle à l'instabilité et à l'insécurité créée par l'incapacité de répondre efficacement aux chocs financiers systémiques), phase d'intégration fiscale et budgétaire qui déterminera les conditions cadres requises pour l'émission d'Euro-obligations, pour une réforme générale des prélèvements obligatoires, etc. (cf. à cet égard Avenir de la zone Euro : l'intégration politique ou le chaos, rapport de Jean Arthuis au Premier ministre ainsi que De l'hypothèse d'un "emprunt européen" à la nécessité d'une réforme générale des prélèvements obligatoires en Europe ! (nouvelle édition)) ; si celà s'avérait nécessaire, cette quatrième phase pourrait être instituée au moyen de l'instrument de la coopération renforcée (dès lors qu'au moins 9 Etats membres de l'eurozone satisfaisaient aux critères d'adhésion à cette phase d'intégration fiscale et budgétaire), après avoir procédé aux décisions requises pour remédier aux défaillances du Traité de Lisbonne en recourant à la clause de flexibilité (Traité de Lisbonne : La clause de flexibilité),
De telles évolutions doivent être rapidement envisagées par le Conseil européen !
Nul doute qu'elles recevront alors l'aval des autres institutions communautaires ainsi que celles des gouvernements et des parlements nationaux ; ce qui permettra alors d'éviter d'ouvrir un exercice périlleux de négociation d'un nouveau traité sur des bases hasardeuses !
Et au Royaume-Uni de ne pas être invité à sortir d'une Union économique et monétaire (cf. par exemple à cet égard Grande-Bretagne: sortir du dilemme, Par Jean-François Jamet et Thierry Chopin (Le Figaro)) pour rejoindre un autre cadre institutionnel d'une toute autre ambition politique : celui d'un Espace économique européen dépouillant l'Union européenne - et partant, l'UEM - de compétences, d'acteurs et de politiques cruciaux pour la stabilité, la croissance et l'emploi en leur sein.
Une telle évolution s'inscrirait enfin dans la perspective plus globale des convergences, coopérations et coordinations esquissées par les institutions multilatérales (G7/G8, G20, etc...) - voir notamment à cet égard - Fiscalité, déficits, changes ... bilan des positions arrêtées lors du G20 de Moscou (La Tribune) -.
Elle est indispensable pour que le jour où elle représentera l'Europe dans ces institutions, conformément aux dispositions du traité, l'Union soit réellement en capacité non seulement de prendre toute sa part à la définition collective des orientations et décisions de ces instances mais également de peser pour que celles-ci soient effectivement mises en oeuvre de manière homogène et équitable sur la totalité de l'échiquier international !
Le président du Conseil européen doit saisir l'opportunité que lui offre les quelques mois qui nous séparent du Conseil européen de juin prochain pour l'inscrire à l'agenda des travaux du Conseil européen des mois à venir. (cf. Herman Van Rompuy présentera, en juin 2013, un calendrier d'actions visant à approfondir l'union économique et monétaire) comme il vient de le faire à l'égard de la dimension sociale de l'UEM (cf. La réflexion sur la dimension sociale de l'UEM est - enfin - entamée ! )
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(*) L'article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit une clause de flexibilité relative aux domaines de compétence de l’Union européenne. Cette clause permet d’ajuster les compétences de l’Union aux objectifs assignés par les traités lorsque ceux-ci n'ont pas prévu les pouvoirs d'action nécessaires pour atteindre ces objectifs.
L'article 352 TFUE ne peut servir de base juridique que si les conditions suivantes sont remplies:
- l'action envisagée est «nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques définies par les traités (à l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune), l'un des objets de l’Union»;
- aucune disposition du traité ne prévoit d'action pour la réalisation de cet «objet»;
- l’action envisagée ne doit pas conduire à étendre les compétences de l’Union au-delà de ce qui est prévu par les traités.
La décision de recourir à cet article appartient au Conseil de l'Union européenne qui statue à l'unanimité sur proposition de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen.
La Commission européenne, en conformité avec la procédure de contrôle de la subsidiarité prévue par l’article 5 du traité sur l’Union européenne (UE), doit informer les parlements nationaux des initiatives prises sur la base de l’article 352 TFUE.
Pour autant, conformément aux dispositions de la Déclaration n°67 : " La Conférence souligne que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union, l'article 352 TFUE qui fait partie intégrante d'un ordre institutionnel basé sur le principe des compétences d'attribution, ne saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des compétences de l'Union au-delà du cadre général résultant de l'ensemble des dispositions des traités, et en particulier de celles qui définissent les missions et les actions de l'Union.
Cet article ne saurait en tout cas servir de fondement à l'adoption de dispositions qui aboutiraient en substance, dans leurs conséquences, à une modification des traités échappant à la procédure que ceux-ci prévoient à cet effet. "
Pour en savoir plus :
* La réflexion sur la dimension sociale de l'UEM est - enfin - entamée !
* UEM: les questions de long terme sont des questions urgentes (Synthèse de séminaire - Notre Europe)
* Feuille de route pour l'achèvement de l'UEM (Extrait des conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012)
* Union politique / La réforme de 2014 - Catalogue pour un débat
* Pour un Pacte international permettant de limiter les risques systémiques associés à l'inflation et à la prolifération des dettes souveraines (nouvelle édition)
* Vouloir dévaluer l'euro par rapport au seul dollar est une ineptie !
* Union politique / La réforme de 2014 - Catalogue pour un débat
* Retour sur le semestre européen : objectifs, atouts, questions en suspend
* Economic governance: Council confirms agreement with EP on "two-pack" (Brussels, 28 February 2013)
* Pour un rôle accru des Parlements nationaux au sein de l'Union européenne, par Jean-Louis Quermonne
NB : Cet article, qui a été publié une première fois sur ce blog en janvier 2012, a été enrichi d'éléments prenant en compte des développements récents.