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Publié par ERASME

L'édition en date des 3 au 9 février 2011 de l'hebdomadaire Courrier International publie un article de Amira Hass intitulé "Le peuple réduit au silence " que nous reproduisons ci-après.  

" Si les dirigeants palestiniens respectaient leur peuple, ils ne l’auraient pas utilisé comme monnaie d’échange dans leurs négociations avec Israël.

La vraie concession des dirigeants palestiniens, c'est d'avoir renoncé à donner à leur peuple vivant sous occupation un rôle décisif dans la lutte pour son indépendance. Pour affirmer cela, il n'est nul besoin de documents confidentiels publiés au grand jour. Certes les fuites viennent confirmer un secret de polichinelle. Contrairement à leurs déclarations publiques répétes à l'infini, les dirigeants de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l'Autorité palestinienne (AP) sont prêtes à de larges concessions sur le saint des saints de la position palestinienne traditionnelle : le droit au retour des réfugiés palestiniens de 1948.

Si les dirigeants de l'OLP avaient eu quelque respect pour leur peuple, ils n'auraient pas tenu un double langage et auraient ouvert un débat public sur cette revendication. Ils auraient fait part à leur opinion publique de leur lecture politique de la situation : le rêve du droit au retour est irrélaisable, du moins pas à ce stade de l'Histoire. Ce ne sont pas des problèmes techniques qui empêchent la tenue d'un tel débat démocratique, mais l'incapacité  à voir le peuple  comme un acteur de changement. L'OLP dépend de l'aide financière et du soutien diplomatique des Etats occidentaux qui collaborent avec la politique [israélienne] d'occupation. Quant au Hamas, accro à la lutte armée, il se contente d'attendre le renversement des régimes arabes pro-occidentaux.

Les deux ennemis palestiniens savent comment utiliser l'endurance et la créativité de leur peuple confronté à cette torture quotidienne qu'est la domination étrangère. Mais ils sont incapables de traduire cette expérience individuelle et collective en un stratégie de lutte populaire et non armée. Une stratégie de lutte populaire est un engagement de tous les jours, de la part de quiconque prétend se présenter comme un dirigeant. Or c'est la seule option qui reste [aux Palestiniens] après le désastre qu'ont engendré les négociations [de paix avec Israël] menées par des amateurs durant les années 1990 et, ensuite, le recours aux armes, principalement contre les civils [israéliens], au cours de la dernière décennie. Jour après jour, Israël démontre à quel point il considère cette option [non armée] comme une menace contre la poursuite de l'occupation.

Mais la stratégie de la lutte populaire, surtout quand elle n'est menée que dans cinq villages, ne colle pas avec les symboles de pouvoir auxquels les dirigeants de l'OLP et du Fatah ont fini par s'accoutumer. Ils sont directement dépendants des permis de voyage délivrés par l'Administration civile [administration militaire israélienne] ou de contrats auprès de l'USaid [agenc américaine chargée du développement économique et de l'assistance humanitaire]. De plus en plus, l'AP se réduit à un canal de reversement des salaires et à une élite déconnectée de sa société. Où sont donc les membres du Comité exécutif [gouvernement en exil] de l'OLP ? Pourquoi ne prônent-ils pas la lutte populaire et non violente ? Et le Hamas ? Le potentiel démocratique d'un activisme populaire se heurte immanquablement au caractère militaire développé par ce mouvement et à la soumission intellectuelle qu'il exige, comme le prouve de façon éclatante sa façon de gouverner dans la bande de Gaza.

Le Hamas et l'OLP sont désormais tous deux pieds et poings liés à leur faux statut de gouvernements. S'ils n'avaient pas renoncé à considérer leur peuple comme un acteur décisif, ces deux forces ennemies n'auraient eu d'autre choix que de l'écouter et de chercher avant toute chose à mettre fin à la dualité de pouvoirs [l'existence de deux Autorités palestiniennes, l'une gouvernée par la Hamas à Gaza, l'autre gouvernée par le Fatah en Cisjordanie]. Les Etats-Unis ont des exigences et posent des conditions ? L'Iran souffle des instructions ? "Désolé", aurait alors pu répondre cette Autorité à deux têtes, "il y a ici un peuple et nous devons le prendre en considérations ".

 

 

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