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Publié par De La Boisserie

La France veut cultiver une relation particulière avec la Russie sur les questions de sécurité, malgré les doutes qu'ont suscité les choix de ses dirigeants à l'été 2008 lors de l'intervention militaire en Géorgie, ou en janvier 2009 lors de la crise du gaz marquées par quinze jours d'interruption des livraisons russes à l'Europe. Mais jusqu'où la confiance est-elle vraiment de mise ?

La Russie, affaiblie par une grave crise économique interne qui pourrait faire reculer son PIB cette année de plus de 7 %, n'est pas considérée, vue de Paris [dont le PIB reculera de plus de 8 % au cours du même exercice, NDLR Regards-citoyens], comme une menace en Europe. Même sa force de frappe énergétique, le géant Gazprom, à lire les dernières analyses de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), serait à relativiser.

Elle demeure pour autant un interlocuteur difficile, arc-bouté sur une politique de sphère d'influence, et soufflant le chaud et le froid sur des sujets internationaux, tel le nucléaire iranien, qui importent beaucoup à Paris.

La France veut nouer un lien étroit en pensant, comme le président Sarkozy semble en être convaincu, que face à un pays perclus de problèmes intérieurs, la multiplication des coopérations concrètes ne pourra avoir que des vertus pédagogiques. Il s'agit d'arrimer la Russie à un ordre continental de stabilité, à défaut de lui faire partager les valeurs démocratiques européennes.

La venue à Paris de Vladimir Poutine, le premier ministre russe et "tsar" du gaz, pour un séminaire intergouvernemental franco-russe, jeudi 26 et vendredi 27 novembre, devrait ainsi mettre en exergue une coopération sur l'énergie et du climat, avec à la clef des perspectives de contrats et d'accords pour des groupes français.

Cet affichage peinera toutefois à faire oublier qu'en matière d'imbrication économique, c'est l'Allemagne, championne hors catégorie en Europe des liens avec la Russie, qui mène la danse. Premier partenaire commercial et premier investisseur en Russie, l'Allemagne a, cette année, conforté de façon spectaculaire l'impression d'un "tandem" exclusif avec la Russie, par le biais de l'accord entre Siemens et le groupe nucléaire russe Rosatom.

La France cherche, dans un contexte où il s'agit de ne pas se faire trop distancer par les Allemands, à utiliser un avantage comparatif. Elle s'est ainsi positionnée en pointe dans le dialogue avec les Russes sur les questions politico-militaires.

La diplomatie française s'efforce de donner de la chair à ce que Nicolas Sarkozy a appelé un futur "espace de sécurité commun" entre l'Europe et la Russie. Elle y travaille dans le cadre de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) [à travers un processus dit 'processus de Corfou' - NDLR Regards-citoyens], dont la réunion ministérielle doit se tenir les 3 et 4 décembre à Athènes.

M. Sarkozy est favorable à la tenue en 2010 d'un sommet de l'OSCE (à l'origine annoncé pour 2009) consacré à l'architecture de sécurité sur le continent. Les premiers jalons de ce débat avaient été posés en octobre 2008 lors d'un sommet franco-russe à Evian. La France a formulé des conditions : préservation des structures déjà existantes, comme l'OTAN, maintien du rôle américain en Europe, défense des valeurs démocratiques.

Les arrière-pensées coïncident-elles ? La Russie aimerait diluer le rôle de l'OTAN, et certains à Paris observent sans illusions sa stratégie visant à obtenir une forme de neutralité des pays de la bordure européenne (l'Ukraine en premier lieu).

Paris semble en outre disposé à consolider un lien entre la Russie et la politique de défense de l'Europe, la PESD. En saluant au passage des gestes comme la fourniture par la Russie d'hélicoptères à la mission européenne au Tchad en 2008, ou encore sa contribution à l'opération Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie. Le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, se dit en outre disposé à impliquer la Russie dans le débat sur la stratégie militaire en Afghanistan.

L'éventuelle vente d'un navire militaire français Mistral à la Russie, première acquisition du genre par Moscou auprès d'un pays de l'OTAN, pourrait se profiler comme le signal politique de ce rapprochement politico-militaire.

Mais l'opportunité d'un tel symbole, au moment où la Russie est loin d'avoir renoncé à montrer du muscle militaire, comme l'ont illustré les manoeuvres militaires de grande ampleur qu'elle a menées face à la Pologne en septembre (comportant notamment un volet de débarquement naval), semble encore discutée à Paris.

Avec la perspective de l'année de la Russie en France et vice versa, en 2010, les occasions d'un fort affichage bilatéral ne vont en tout cas pas manquer. Le président Dmitri Medvedev est attendu à Paris en mars ou avril, pour l'inauguration d'une exposition d'art de la "Sainte Russie". Il est même question, se réjouit-on côté russe, que des unités militaires russes défilent le 14 juillet 2010 sur les Champs-Elysées. Une potentielle source de polémique, au terme d'une décennie marquée par la dévastation de la Tchétchénie.

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