PENSER L'INTERET EUROPEEN : Du compromis entre intérêts nationaux à l’intérêt général européen
Cet article introduit une réflexion universitaire que j'ai entreprise dans le cadre d'un mastère de recherche à Sciences Po Paris.
D'abord théorique et conceptuelle puis plus concrête (les acteurs nationaux et européens) et enfin, plus stratégique (livre blanc, intérêts européens versus intérêts américains ? intérêts et valeurs) pour terminer avec une conclusion plus politique qui établit et analyse la distinction entre intérêt national et intérêt étatique en proposant une définition de l'intérêt européen en termes d'intérêt général, cette réflexion ne propose pas un "programme politique" définissant les intérêts stratégiques de l'Union.
Le lecteur intéressé par ce travail de recherche peut en prendre connaissance de manière plus approfondie en parcourant le mémoire réalisé à cette occasion qui est disponible ci-après dans sa version pdf : Penser_l'intérêt_européen_-_P._Hérault.pdf
ENJEU ET ETAPES DE LA REFLEXION
Le but de cette réflexion est d’analyser ce qui donne ou peut donner une cohérence aux politiques européennes, particulièrement en matière de sécurité et de défense. Plus que leur contenu, c’est le processus de définition et la nature des intérêts promus par les politiques extérieures de l’Union qui est ici au centre des interrogations. Plus précisément, l’enjeu est de définir si l’intérêt européen est réductible à un compromis entre intérêts nationaux négocié par les Etats-membres ou s’il existe – actuellement et potentiellement – des intérêts européens relevant davantage de l’intérêt général, c'est-à-dire d’un projet politique recueillant l’adhésion des citoyens et dépassant la somme de leurs intérêts particuliers.
Afin de répondre à cette question, j'ai pris le parti de développer les trois axes d'étude suivants :
1. Définir un cadre conceptuel : penser l’intérêt européen en mobilisant de manière critique les réflexions sur l’intérêt national et la construction européenne.
Entité politique unique en son genre, l’Union européenne est un objet d’étude souvent difficile à appréhender pour le chercheur désireux d’en analyser l’originalité mais ne disposant généralement que de concepts employés en référence à l’Etat-Nation. De plus, les acteurs politiques eux-mêmes sont façonnés par le cadre étatique. C’est pourquoi il est nécessaire de commencer cette réflexion sur l’intérêt européen en exploitant de manière critique le concept d’intérêt national et les différentes écoles de pensée qui l’ont théorisé, y compris dans son rapport avec la construction européenne. Le but est donc de s’affranchir du concept d’intérêt national en délaissant le mythe pour en retenir des interrogations utiles à la définition d’un intérêt européen.
2. Etudier le rôle des acteurs : analyser l’intérêt européen à partir de la conception qu’en ont les acteurs qui le définissent.
L’intérêt européen étant souvent le fruit de négociations, de débats et de réflexions politiques, il est indispensable d’identifier les acteurs participant à sa définition. Le but est de comprendre l’articulation entre différentes conceptions des intérêts européens. On s’intéressera principalement aux acteurs institutionnels : représentants des Etats, Commission européenne, parlements nationaux et européens, mais également aux acteurs privés : lobbies, cercles de réflexion, ainsi qu’aux organisations ou mouvements sociaux. Derrière cette question des acteurs, se trouve évidemment celle de leur légitimité : l’intérêt européen est-il celui des Etats, de la Commission, des citoyens européens, de groupes privés minoritaires mais influents ? On analysera ce que le traité de Lisbonne révèle de l’intérêt européen : conception de la notion, acteurs censés le définir et avancées en matière de sécurité et de défense.
3. Inscrire l’intérêt européen dans une stratégie : identifier les obstacles et les moyens de promotion des intérêts européens de sécurité.
Après avoir pris en compte la diversité des conceptions il faudra tenter de déterminer s’il existe des ferments d’unité permettant de penser l’intérêt européen et quels sont les obstacles à la promotion de ces intérêts. En effet, certains ne perçoivent pas la particularité des intérêts européens et les incluent dans des intérêts « occidentaux » ou transatlantiques. Il ne faut donc pas supposer d’emblée que l’intérêt européen existe parce qu’il est l’objet d’une recherche. C’est pourquoi on réfléchira à la nécessité et à la possibilité de définir des intérêts européens autonomes, de manière conjoncturelle, lors de crise ou de manière stratégique et anticipative. Enfin, on tentera de concilier intérêt de sécurité des institutions et des citoyens en montrant que la sécurité de l’Union passe aussi par la définition d’un intérêt général européen impliquant les citoyens.
NB : Ce mémoire a été récompensé par l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale - IHEDN - d'un 1er Prix scientifique en 2009.
Cet article a été publié une première fois sur ce blog en août 2012