Perspectives de l’économie mondiale : Une reprise en cours, mais qui reste en danger (rapport du FMI - avril 2012)
Résumé analytique
Après s’être fortement assombries en 2011, les perspectives de l’économie mondiale s’améliorent de nouveau
progressivement, mais les risques de dégradation restent élevés. La hausse de l’activité aux États-Unis au second semestre
de 2011 et l’amélioration des politiques économiques dans la zone euro face à une crise économique qui s’aggrave ont
réduit la menace d’un ralentissement brutal de l’économie mondiale. En conséquence, une faible reprise est probable dans les principaux pays avancés, et
l’activité devrait rester relativement vigoureuse dans la plupart des pays émergents et des pays en développement. Cependant, les progrès récents sont très fragiles.
Les dirigeants doivent continuer d’opérer les changements fondamentaux qui sont nécessaires pour réaliser une croissance saine à moyen terme. Les écarts de
production étant élevés dans les pays avancés, ils doivent aussi calibrer leur action en vue de soutenir
à court terme une croissance qui reste faible.
Selon les projections, la croissance mondiale devrait tomber d’environ 4 % en 2011 à environ 3½ % en 2012 à cause de la
faiblesse de l’activité au second semestre de 2011 et au premier semestre de 2012.
Dans la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale de janvier 2012, les projections des Perspectives de l’économie
mondiale de septembre 2011 avaient déjà été révisées à la baisse, principalement à cause des répercussions
des problèmes liés aux dettes souveraines et au
secteur bancaire dans la zone euro. Pour la plupart des pays, y compris dans la zone euro, on table maintenant
sur une croissance légèrement plus élevée que prévu
dans la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale de janvier 2012. Comme noté au chapitre 1,
le redémarrage de l’activité dans le courant de 2012 devrait ramener la croissance mondiale aux environs de 4 % en
2013. Il reste prévu que la zone euro connaîtra une légère récession en 2012 en raison de la crise de la dette souveraine et d’une perte de confiance générale,
des effets du désendettement bancaire sur l’économie réelle et des répercussions du rééquilibrage budgétaire qui fait suite aux pressions du marché. En raison des
problèmes en Europe, l’activité demeurera décevante pour l’ensemble des pays avancés, où la croissance n’avoisinera qu’environ 1½ % en 2012 et 2 % en 2013. La
création d’emplois dans ces pays restera probablement anémique, et les chômeurs auront besoin d’un complément de revenu supplémentaire et d’aide en
matière de formation professionnelle, de reconversion et de recherche d’emploi. Dans les pays émergents et les pays en développement, la croissance du PIB réel
devrait tomber de 6¼ % en 2011 à 5¾ % en 2012, avant de remonter à 6 % en 2013, portée par l’assouplissement des politiques macroéconomiques et la hausse de
la demande étrangère. Les répercussions de la crise dans la zone euro, qui sont examinées au chapitre 2, seront graves dans le reste de l’Europe; les autres
pays seront probablement confrontés à un surcroît de volatilité financière, mais il n’y aura pas de retombées majeures sur l’activité à moins que la crise dans la
zone euro ne s’intensifie de nouveau.
L’action des pouvoirs publics a largement contribué à
réduire le risque systémique, mais elle doit se poursuivre. Les opérations de refinancement à long terme (3 ans) de la Banque centrale européenne, un renforcement du
pare-feu européen, des programmes ambitieux d’ajustement budgétaire et l’exécution de réformes d’envergure sur les marchés des produits et du travail
ont stabilisé la situation dans la zone euro, et ont atténué les pressions sur les banques et les pays,
mais la situation reste préoccupante. Par ailleurs, la prolongation récente des allégements des impôts sur les salaires
et des allocations de chômage aux États-Unis a évité un durcissement brutal de la politique budgétaire qui aurait nui à l’économie nationale. De manière plus
générale, beaucoup de pays avancés ont bien progressé dans la conception et l’application de programmes vigoureux de rééquilibrage budgétaire à moyen terme.
Par ailleurs, les pays émergents et les pays en développement continuent de profiter de l’amélioration de leurs politiques économiques. Cependant, si
l’action n’est pas poursuivie, les problèmes pourraient facilement réapparaître dans la zone euro, et la politique budgétaire pourrait se durcir très brutalement aux
États-Unis en 2013.
En conséquence, les risques de dégradation continuent de planer : c’est une caractéristique récurrente des récentes
éditions des Perspectives de l’économie mondiale. Malheureusement, certains risques recensés précédemment se sont matérialisés, et les projections de la
présente édition ne sont que légèrement plus favorables que celles d’un scénario défavorable antérieur1.
La préoccupation la plus immédiate reste la suivante :
une nouvelle escalade de la crise dans la zone euro provoquera une fuite du risque bien plus généralisée.
Selon ce scénario, qui est analysé en détail dans la présente édition, la production mondiale et celle de la zone euro
pourraient reculer, respectivement, de 2 % et de 3½ % sur deux ans par rapport aux projections des PEM. Selon une autre hypothèse, l’incertitude géopolitique pourrait entraîner une forte hausse des cours du pétrole : une
augmentation des cours du pétrole d’environ 50 % réduirait la production mondiale de 1¼ %. Les effets sur la production pourraient être bien plus
marqués si les tensions s’accompagnaient d’une forte volatilité sur les marchés financiers et d’une perte
de confiance. Par ailleurs, des politiques macroéconomiques excessivement rigoureuses pourraient plonger un autre des grands
pays dans une période de déflation soutenue ou une période prolongée d’activité très faible. En outre, parmi les risques latents figure une déstabilisation des marchés mondiaux d’obligations et de change,
du fait du niveau élevé du déficit budgétaire et de la dette au Japon et aux États-Unis, ainsi que d’un net ralentissement de l’activité dans certains pays
émergents. Cependant, la croissance pourrait aussi être plus élevée que prévu si les politiques économiques
continuent de s’améliorer, si les conditions de financement s’assouplissent davantage et si les tensions géopolitiques s’atténuent.
Il convient de renforcer l’action des pouvoirs publics
pour consolider la faible reprise et limiter les nombreux risques de dégradation. À court terme, il faudra redoubler d’efforts pour résoudre la crise dans la zone
euro, adopter une approche modérée en matière de rigueur budgétaire face au fléchissement de l’activité, continuer d’appliquer des politiques monétaires très
accommodantes et fournir des liquidités abondantes au secteur financier.
•• Dans la zone euro, la décision récente de combiner le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le Fonds européen de
stabilité financière (FESF) est opportune et, conjuguée aux autres mesures prises il y a peu, renforcera le mécanisme de crise européen et
facilitera les efforts déployés par le FMI pour consolider le pare-feu mondial. Le rééquilibrage budgétaire en cours est suffisant, mais doit être structuré de
manière à éviter une baisse excessive de la demande à court terme. Comme il est prévu que l’inflation intérieure sera très faible, il est
possible d’assouplir davantage la politique monétaire; les mesures de soutien non conventionnelles (notamment les opérations de refinancement à long terme et les
achats d’obligations publiques) doivent continuer d’assurer la stabilité des marchés du crédit et ainsi faciliter la répercussion de la politique monétaire sur l’économie réelle. En outre, il faut recapitaliser
les banques, ce qui exigera peut-être une aide directe d’un FESF/MES plus souple.
•• Aux États-Unis et au Japon, un ajustement budgétaire suffisant est prévu à court terme, mais il reste urgent d’établir
des programmes de rééquilibrage solides et durables à moyen terme. En outre, étant donné que les tensions inflationnistes intérieures sont très
faibles, un nouvel assouplissement monétaire sera peut-être nécessaire au Japon pour que l’objectif d’inflation à moyen terme soit atteint. Un assouplissement supplémentaire serait nécessaire aussi aux
États-Unis si l’activité menaçait d’être inférieure aux prévisions.
•• De manière plus générale, les perspectives de croissance étant médiocres dans les principaux pays, ceux qui disposent d’une
marge de manoeuvre budgétaire, comme en témoignent la solidité de leurs comptes budgétaires et leur crédibilité sur les marchés,
peuvent réexaminer le rythme de leur rééquilibrage. Les autres devraient laisser les stabilisateurs automatiques opérer librement aussi longtemps
qu’ils peuvent facilement financer des déficits plus élevés.
À plus long terme, il faut améliorer les médiocres perspectives de croissance à moyen terme des principaux pays
avancés. Les priorités les plus importantes demeurent une réforme fondamentale du secteur financier, la poursuite du rééquilibrage budgétaire, y compris une
réforme ambitieuse des programmes de droits à prestation, ainsi que des réformes structurelles visant à accroître la production potentielle. En ce qui concerne la réforme du secteur financier, il faut, en plus de
mettre en oeuvre au niveau national les réglementations qui ont fait l’objet d’un consensus (par exemple Bâle III), s’attaquer aux nombreuses déficiences qui
ont été mises en évidence par la crise financière, notamment les problèmes liés aux établissements qui sont jugés trop grands ou trop complexes pour faire faillite,
le système des banques parallèles et la collaboration internationale entre les autorités de contrôle bancaire. Il est crucial d’opérer des réformes dans les
dépenses liées au vieillissement, car ces réformes peuvent fortement réduire les dépenses futures sans peser notablement sur la demande aujourd’hui.
Ces mesures peuvent démontrer la capacité des dirigeants d’agir de manière résolue et ainsi rétablir la confiance des
marchés dans la viabilité des finances publiques. Cela peut accroître la marge de manoeuvre budgétaire et monétaire à l’appui de la demande et de la
réparation du secteur financier sans agiter le spectre d’un financement inflationniste du déficit public.
Des réformes structurelles doivent être opérées sur de
nombreux fronts, par exemple, dans la zone euro, pour améliorer la capacité d’ajustement aux chocs sur
la compétitivité et, au Japon, pour accroître le taux d’activité.
Une action dans le secteur de l’immobilier peut accélérer l’amélioration des bilans des ménages et ainsi soutenir
une consommation qui, sinon, serait anémique. Les pays qui ont adopté des mesures dans ce secteur, tels que l’Islande, en ont largement profité, comme
noté au chapitre 3. Aux États-Unis, le gouvernement a mis en place divers programmes, mais, étant donné leur succès limité, il propose aujourd’hui une stratégie
plus énergique. Ailleurs, les autorités ont laissé les banques et les ménages régler leurs problèmes. En
général, les craintes de l’aléa moral — en exonérant de toute responsabilité les individus qui ont effectué des investissements immobiliers excessivement risqués ou spéculatifs
–– ont entravé les progrès. Ces questions sont similaires à celles qui rendent si difficile de s’attaquer
à la crise dans la zone euro, bien que, en Europe, l’argument de l’aléa moral s’applique à des pays plutôt qu’à des
individus. Mais, dans les deux cas, l’utilisation de mesures ciblées pour soutenir la demande peut être
plus efficace que des programmes macro-économiques bien plus coûteux. Quant à la question de l’aléa moral, une amélioration de la réglementation et du contrôle peut la
résoudre en partie.
Les pays émergents et les pays en développement continuent de profiter de leurs solides politiques macro-économiques et structurelles, mais les facteurs de
vulnérabilité internes augmentent progressivement.
Bon nombre de ces pays ont connu des résultats exceptionnels ces dix dernières années, grâce à une croissance rapide du crédit
ou au niveau élevé des cours des produits de base. Dans la mesure où la croissance du crédit traduit une expansion des circuits financiers, cela est
positif pour la croissance. Toutefois, dans la plupart des pays, le crédit ne peut continuer d’augmenter
à son rythme actuel sans susciter de sérieuses craintes quant à la qualité des prêts bancaires. Par ailleurs, il
est peu probable que les cours des produits de base continueront d’augmenter aussi vite que ces dix dernières années, en dépit de hausses à court terme liées à des
tensions géopolitiques. Cela signifie que les politiques budgétaires et autres devront peut-être s’adapter à une croissance plus faible de la production potentielle, une question examinée au chapitre 4.
Le principal enjeu à court terme pour les pays émergents et les pays en développement est de bien calibrer leurs
politiques macro-économiques pour faire face aux risques de dégradation considérables liés à la conjoncture dans les pays avancés tout en maîtrisant les risques
de surchauffe liés à la vigueur de l’activité, à la croissance élevée du crédit, à la volatilité des flux
de capitaux et à la persistance des cours élevés des produits de base, ainsi que les risques que représentent de
nouveau les prix de l’énergie pour l’inflation et les positions budgétaires. La riposte optimale
variera.
Pour les pays qui ont normalisé dans une large mesure leur politique macro-économique, la priorité à court terme devrait
être de réagir au ralentissement de la demande extérieure des pays avancés. Par ailleurs,
ces pays doivent être prêts à faire face aux effets de contagion et à la volatilité des flux de capitaux. Les autres pays
devraient continuer de se reconstituer une marge de manoeuvre macroéconomique et renforcer leurs politiques et dispositifs prudentiels. Les autorités monétaires doivent veiller à ce que les hausses des cours du
pétrole ne se traduisent pas par des tensions inflationnistes plus générales, et la politique budgétaire
doit limiter la détérioration des bilans publics en accordant des subventions uniquement aux ménages les plus vulnérables.
Les derniers événements donnent à penser que les déséquilibres des transactions courantes à l’échelle mondiale ne
devraient plus se creuser, après leur nette réduction pendant la Grande Récession. Cela s’explique dans une large mesure par le fait que la croissance
excessive de la consommation dans les pays qui ont dégagé des déficits extérieurs élevés avant la crise a pris fin et n’a pas été compensée par une hausse de la
consommation dans les pays excédentaires. En conséquence, l’économie mondiale a enregistré une
perte de demande et de croissance dans toutes les régions par rapport aux années d’expansion qui ont précédé la crise. Un rééquilibrage de l’activité dans les principaux pays excédentaires au profit d’une hausse de la
consommation, favorisé par des taux de change qui seraient davantage déterminés par le marché, améliorerait leurs
perspectives, ainsi que celles du reste du monde.
L’austérité à elle seule ne peut guérir le malaise économique dans les principaux pays avancés. Il faut aussi faciliter les
ajustements et mieux cibler les problèmes fondamentaux — ménages en difficulté aux États-Unis et pays en difficulté dans la zone euro — en utilisant les ressources de ceux qui sont en meilleure santé. Les dirigeants doivent prendre garde à ne pas exagérer les risques
liés aux mesures monétaires non conventionnelles et à ne pas ainsi limiter la marge de manoeuvre des banques centrales. Si ces mesures non conventionnelles ne
peuvent remplacer une réforme fondamentale, elles peuvent limiter le risque qu’un autre grand pays tombe dans un piège dette–déflation, ce qui pourrait
sérieusement compromettre les perspectives d’une amélioration des politiques économiques et d’une accélération de la croissance mondiale.
1Voir le scénario défavorable de la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale de janvier 2011.
Voir le rapport dans son intégralité :
FMI-avril2012